14 SEPTEMBRE 1918 : FÊTE DE LA FOURRAGERE au 3ème Régiment étranger d'infanterie par Jean Balazuc :
Du 01 au 13 septembre le Régiment de Marche del a Légion étrangère, sous le commandement du Lieutenant-colonel Rollet, est de nouveau engagé dans la bataille, cette fois dans le secteur de Laffaux.
Le régiment compte à ce moment dans ses rangs 48 officiers et 2515 sous-officiers et militaires du rang, articulé en trois bataillons. "Par des combats incessants, nuit et jour, dans une atmosphère saturée de gaz, sous de violents bombardements et des rafales de mitrailleuses, pied à pied à la grenade, il pousse ses lignes en avant en un effort d'une héroïque constance.
Détails du déroulement de cette bataille :
"Du 1er au 14 septembre 1918, La Légion Étrangère face à la ligne Hindenburg.
· La Légion participe à l’offensive sur la ligne Hindenburg, ultime barrage dressé par les Allemands pour contenir les armées alliées. Le R.M.L.E. se retrouve en bordure ouest de l’éternel Chemin des Dames, à une vingtaine de kilomètres au nord-est de Soissons. Le R.M.L.E. est alors commandé par le lieutenant-colonel Rollet. Les bataillons sont commandés par des officiers exceptionnels : commandant Jacquesson (1er), capitaine de Lannurien (2e) et capitaine Maire (3e). Le 1er le Régiment relève les Américains qui ont essuyé un échec, fin août. Quatre divisions allemandes sont successivement usées par la division marocaine. Pendant treize jours de combats ininterrompus, le Régiment progresse, réalisant des prodiges. Les officiers du R.M.L.E., avec le colonel Rollet en tête, obtiennent de leurs hommes un rendement extraordinaire.
· Ces actions se déroulent sur des terrains différents, contre des unités diverses et avec des moyens variés, avec ou sans chars, avec plus ou moins d’artillerie. Mais avec une grande violence, des deux côtés, une grande mobilité et une fatigue immense.
· Le 2, les vagues d’assaut du Régiment, celles du 2e bataillon en tête, foncent derrière les barrages roulants et enlèvent Terny-Sorny de haute lutte, capturant des centaines de prisonniers. L’ennemi réagit violemment et le 1er bataillon du commandant Jacquesson arrive juste à temps pour renforcer le 2e bataillon décimé, dont le chef, le capitaine de Lannurien, est mortellement blessé.
· Le 5, le 3e bataillon du comandant Maire lance un véritable coup de boutoir et s’empare de Sorny, puis avec une seconde attaque aussi vive, il prend Neuville-sur-Margival et, dans la nuit du 5 au 6, le tunnel de Vauxaillon. A lui seul, au village d’Allemont, le 3e Bataillon du capitaine Maire capture un nombre de prisonniers supérieur à son effectif : le triple de son propre effectif. La division prend le contrôle du secteur de Sorny.
· La progression, bien que ralentie, continue ; l’artillerie ennemie se développe et les obus toxiques pleuvent. Le port du masque est presque continuel, ajoutant aux fatigues des hommes. Les légionnaires rencontrent des adversaires héroïques et redoutables luttant jusqu’à la mort, les blessés à terre tirant encore. Mais des unités allemandes épuisées, complètement démoralisées, lèvent les bras.
· Le 14, à 4 heures 50, c’est le suprême assaut. Au signal du lieutenant-colonel Rollet, le 3e bataillon du commandant Maire progresse rapidement, malgré de très grosses pertes et fait tomber toutes les résistances. A la grenade, les nids de mitrailleuses sont réduits un à un.
· La première vague arrive aux tranchées et submerge les occupants. Derrière les compagnies d’assaut, suivent les équipes de nettoyeurs qui combattent au fusil-mitrailleur, au lance-flammes et au couteau, brisant net toute tentative de rétablissement de l’ennemi.
· Le 14, à 8 heures, les premiers éléments sont maîtres des hauteurs. Rapidement, des mitrailleuses sont installées au bord du plateau.
· Il est midi quand la densité du combat diminue.
· L’exploit est réalisé : il y a une brèche dans la ligne Hindenburg. Le R.M.L.E. tient une position solidement établie au cœur de la ligne Hindenburg.Le 14, à 17 heures, l’ennemi, après une intense préparation d’artillerie, déclenche une contre-attaque sur tout le front tenu par le 7e R.T.A. ; le 3e bataillon du R.M.L.E. et le bataillon malgache résistent. Le 3e bataillon du commandant Maire livre un des combats les plus brillants face à de puissantes vagues d’infanterie qu’il repousse victorieusement.
· C’est la fin de la bataille qui fut la plus longue, la plus glorieuse, mais aussi la plus douloureuse depuis la création du régiment.
· La division marocaine prend le contrôle du secteur de Vauxaillon et d’Allemant.
· Durant treize jours, le R.M.L.E. culbute le 1er Régiment prussien ‘celui du Kronprinz’, enlève une série de villages ou de hameaux fortifiés, Sorny, Neuville-sur-Margival, Allemant, où il capture un bataillon du 43e prussien avec l’état-major du régiment.
· La Légion perd la moitié de son effectif initial de 2 600 hommes ; 275 tués dont 10 officiers, 1 118 blessés dont 15 officiers, sur le plateau de Laffaux. Les compagnies ne sont plus qu’à 50. Les visages des survivants sont impressionnants de maigreur et de fixité tragique.
· La Légion est relevée après cette sorte de raid sans précédent dans les annales de la guerre.
· Le 17, la division marocaine est retirée du front ; elle est envoyée en repos vers Vic-sur-Aisne puis vers Meaux.
· Le R.M.L.E. reçoit sa 9e citation à l’ordre de l’armée. Il reçoit la fourragère double aux couleurs de la Légion d’Honneur et de la Croix de Guerre 1914-1948. Bientôt un décret confère la Médaille militaire, la distinction suprême des généraux à son drapeau.
· Deux régiments sont les plus décorés de l’Armée Française : le Régiment de Marche de la Légion Etrangère et le Régiment d’Infanterie coloniale du Maroc.
· Les deux autres régiments de la division marocaine, le 7e Régiment de Marche des Tirailleurs et le 8e Régiment de Marche des Zouaves, ainsi que le 4e Régiment de Tirailleurs Tunisiens, ancien régiment de cette division, reçoivent la fourragère aux couleurs de la Légion d’Honneur avec six citations à l’ordre de l’armée.
Le 14 septembre devient le jour de la fête du Régiment.
En trois années, le R.M.L.E. comptera 139 officiers, 349 sous-officiers, 3 628 légionnaires tués ou disparus. Sans parler des blessés.
Durant les 52 mois de guerre, 42 883 volontaires (dont 36 604 Etrangers et 6 239 Français) sont passés dans les rangs de la Légion. En Novembre 1914 la Légion comprenait 8 000 hommes, elle s'est ensuite maintenue autour de 2 800 hommes. Son effectif a été dépensé trois fois. La Légion était considérée comme une troupe d'élite dont l'habileté à la manœuvre égalait le courage, ce qui lui a évité des pertes supérieures.
Le 14 septembre, la Xe armée du général Charles Mangin et la VIe Armée du général Degoutte se portent en avant, à leur tour, contre le redoutable bastion de Laon qu'ils attaquent, l'un par le massif de la forêt de Coucy, l'autre par l'Aisne.
Ce jour-là, la Xe Armée du général Charles Mangin enlève Vauxaillon, Laffaux, Allemant, Sancy, le Moulin de Saint-Pierre et, sur un front de 1500 mètres, capturent 2500 prisonniers.
La VIe Armée du général Degoutte, moins heureuse quoique tout aussi vaillante, ne réussit pas à chasser de Gleures les divisions d'Eberhart, mais elle fixe l'ennemi.
Le 16 septembre, le général Charles Mangin s'empare du Mont des Singes, de Vailly, et prend pied sur le Chemin-des-Dames. Il s'agit, d'après les ordres du général Marie Emile Fayolle, d'aborder par l'ouest cette formidable position et de s'installer sur la ligne Vailly-Chavignon, pour obliger l'ennemi, pris en flanc, à l'évacuer sans combat.
Le 18 septembre, une attaque générale est déclenchée par les armées britanniques, la IIIe du général Julian Byng et la IVe du général Henry Rawlinson en liaison avec la Ière Armée du général Debeney. Toutes les positions entre Gouzeaucourt et Holnon sont emportées par les Britanniques avec 10 000 prisonniers et 150 canons.
Au sud, la Ière Armée du général Debeney a pris, par surcroît, le front de la IIIe Armée du général Georges Humbert. La Ière Armée du général Debeney, étendue jusqu'au sud de l'Oise, attaque en force les lignes allemandes ; après avoir enlevé l'épine de Dallon (sud-ouest de St Quentin), Castres et Essigny-le-Grand, elle borde la vallée de l'Oise, de Vendeuil à La Fère.
L'ennemi est désorganisé, usé, fatigué, dans l'incapacité d'exécuter une contre-offensive.
Pour se soustraire à cette bataille continuelle qui l'épuise , il a cherché à se réfugier dans des positions qu'il estime imprenables, et à l'abri desquelles il espère pouvoir se réorganiser, se reposer, se constituer des réserves. C'est pour lui une nécessité, car du 15 juillet au 25 septembre le commandement allemand a envoyé à la bataille 163 divisions.
Le 26 septembre, malgré une réduction de front de près de 200 kilomètres, l’état-major allemand doit maintenir en ligne presque le même nombre de divisions qu'au 15 juillet, parce que leurs effectifs et leur valeur combative sont très amoindris. De toutes parts les armées alliées sont en contact avec la position Hindenburg, prêtes au grand assaut des lignes réputées imprenables, d'où les Allemands se sont élancés le 21 mars pour leur victoire certaine.
En six semaines, sans trêve, sans répits les Alliés, par des attaques répétées et conjuguées, ont réduit la poche que l'invasion germanique avait creusée de Saint-Quentin au-delà de Montdidier et d'Albert. Le dénouement est proche. Bientôt les Allemands seront contraints à implorer l'armistice pour se dérober à un désastre militaire sans précédent"