A certaines occasions, des décorations étrangères côtoient les décorations françaises sur les emblèmes des formations de nos armées. Au final, seules quelques une de ces décorations furent décernées à des unités de la Légion étrangère… mais, en cette rentrée 2022 peut-être parce que je n’ai pas quitté le pays cet été, j’ai eu envie d’un peu « d’exotisme ».
Depuis près de 150 ans, de nombreuses formations des armées ont reçu des décorations étrangères collectives, au titre de la fraternité d’armes et en reconnaissance de leur bravoure au combat.
Ces décorations étrangères, dont seul le grand chancelier de la Légion d’honneur est habilité à accepter et à autoriser le port, ne sont plus portées de façon permanente sur les emblèmes (drapeaux, étendards ou fanions) depuis 1953.
Elles ne sont dorénavant qu’épinglées temporairement, après demande et sur autorisation du Ministre des Armées, et dans le seul cas d’une cérémonie en présence d’autorités du pays les ayant accordées. Il est en outre à noter que le Code de la Légion d’Honneur stipule que « toute décoration étrangère (…) qui n’a pas été conférée par une puissance souveraine est déclarée illégalement et abusivement obtenue ».
Remises en majorité à des unités de l’armée de Terre mais également à des formations de l’armée de l’Air, de la Gendarmerie ou à des bâtiments de la Marine nationale, ces décorations sont une part intégrante de l’histoire militaire de notre pays. Elles témoignent de l’engagement continu de nos armées durant les 150 dernières années et de la reconnaissance de nos alliés à l’égard de la France. Ces décorations sont de deux types : ce peut être, soit des décorations militaires – un certain nombre sont d’ailleurs toujours remises actuellement –, soit des décorations commémoratives, sachant que ces dernières ne peuvent jamais être arborées sur un emblème et doivent être conservées dans les salles d’honneur des unités.
La plus ancienne de ces décorations fut décernée par l’Italie à l’un des régiments de l’armée française que l’Empereur Napoléon III (1808-1873) envoya combattre aux côtés des troupes sardes contre celle de l’Empire Autrichien lors de la seconde guerre d’indépendance italienne (26 avril 1859-12 juillet 1859), conflit dont la conclusion permit la réunion de la Lombardie au royaume de Sardaigne, posant par la même occasion la base de la constitution de l’Italie moderne. Remise au 3e régiment de Zouaves – unité d’infanterie légère appartenant à l’armée d’Afrique créée en 1852 et dissoute en 1962 –, la médaille de la Valeur Militaire Sarde est l’une des plus anciennes et des plus hautes décorations militaires italiennes.
Les plus récentes de ces décorations furent accordées par les Etats-Unis d’Amérique (USA) à un groupe de la marine nationale pour son efficacité en opération. Le groupe du porte-avions Charles de Gaulle se vit ainsi, par deux fois, décerner la navy Meritorious Unit Commendation (reconnaissance pour une unité de la marine pour des réalisations ou services valeureux ou méritoires au combat ou hors combat) : d’abord en 2016, pour son action menée dans le golfe arabo-persique dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et il y a quelques mois, le 18 mars 2022, « pour l’accomplissement méritoire du 21 février 2021 au 8 juin 2021 (pendant lequel le Charles de Gaulle et son groupe aéronaval) se sont distingués durant des performances sans précédent lors d’un déploiement impressionnant et réussi auprès du commandement central des forces navales des Etats-Unis ».
Entre temps, nombreuses furent les formations de l’armée françaises distinguées par nos alliés.
La décoration étrangère incontestablement remise en plus grande « quantité » fut la médaille d’or de la ville de Milan. Cette médaille commémorative fut frappée à 155 exemplaires en 1909 par la ville du même nom pour commémorer sa libération par les troupes françaises et italiennes survenue 50 ans plus tôt, chacune des formations ayant participé à la campagne d’Italie de 1859, et notamment à 4 batailles - Montebello, Palestro, Fermo et Magenta -, devant en recevoir un exemplaire. 86 régiments de l’armée françaises se virent ainsi décerner cette médaille parmi lesquels le 1er régiment étranger (1er RE) et le 2e Régiment Etranger d’Infanterie (2e REI). Ces médailles furent remises à la délégation française par l’oncle du roi d’Italie, accompagnées d’un diplôme indiquant les batailles pour lesquelles chaque régiment était décoré, le 8 juin 1909 lors des cérémonies commémoratives organisées à Milan, les chefs de corps concernés reçurent ensuite la médaille attribuée à leur unité lors d’une grande cérémonie organisée à Paris le 27 juin suivant. Il est à noter, qu’à l’origine, cette décoration devait être conservée dans les salles d’honneur des régiments mais qu’un télégramme ministériel du 12 juillet 1909 prescrivit d’épingler la médaille de Milan sur les emblèmes des formations pour le 14 juillet suivant ce qui, par la suite permit aux régiments de se croire autoriser à la porter bien que cela fut et reste interdit.
Les décorations les plus connues sont probablement celles remises par nos alliés au titre des deux guerres mondiales, sachant que la majorité de ces décorations restent toujours aujourd’hui, les plus hautes décorations militaires de leur pays respectif.
Relativement peu de pays étrangers distinguèrent des unités de l’armée française lors de la première guerre mondiale (1914-1918). A titre d’exemple : le Portugal décerna au Régiment de Marche de la Légion Etrangère - RMLE (aujourd’hui 3ème Régiment Etranger d’Infanterie – 3e REI) et au Régiment d’Infanterie Coloniale du Maroc (aujourd’hui Régiment d’Infanterie Chars de Marine – RICM) l’Ordre de la tour et de l’épée de valeur, loyauté et mérite, décoration créée en 1459 qui après être tombée en désuétude, fut définitivement recréée en 1808 et qui est aujourd’hui, la plus haute distinction honorifique portugaise ; tandis que l’Espagne, pourtant neutre durant ce conflit, rendit hommage au millier de volontaires catalans qui servirent à la Légion étrangère entre 1914 et 1918 en décernant au RMLE la médaille des volontaires catalans, unique décoration – décoration commémorative – créée par ce pays pour honorer les combattants espagnols de la Grande Guerre, sachant que la majorité était justement catalans. Le choix de rompre la neutralité en s’engageant dans le camp français était une façon de s’opposer au pouvoir centralisateur de Madrid.
Le théâtre des opérations étant beaucoup plus étendu, plus nombreux furent les pays à reconnaître la valeur des troupes françaises lors du second conflit mondial (1939-1945). La Norvège qui remit sa Croix de guerre à plusieurs bataillons de Chasseurs alpins - décorations désormais portée par le drapeau des Chasseurs - et à la 13e demi-brigade de la légion étrangère (13e DBLE) pour leurs engagements lors de la campagne de Norvège au printemps 1940 (9 avril-10 juin 1940), la Hollande avec son Lion de bronze remis à l’unité devancière du 1er Régiment de Parachutistes d’Infanterie de Marine (RPIMa) pour sa participation aux opérations de 1944-1945 ou encore la Belgique avec sa Croix de Guerre attribuée à plus d’une quinzaine d’unités de l’armée de terre.
Mais les décorations les plus connues décernées par des pays étrangers à des unités françaises durant la seconde guerre mondiale le furent par nos principaux alliés, les USA et l’Union des Républiques Socialistes Soviétique (URSS).
Parée d’un ruban bleu, la Presidential Unit Citation (PUC), d’abord appelée la Distinguished Unit Citation (DUC) jusqu’au 3 novembre 1966, est une décoration collective décernée depuis le 7 décembre 1941 par les USA à ses unités et à celles de leurs alliés pour héroïsme extraordinaire lors de combats contre un ennemi armé. Elle fut notamment accordée aux formations appartenant à la 2e Division Blindée (2e DB) pour la campagne de France et d’Allemagne (1944-1945) qui aboutit à la libération du territoire national et à certaines autres formations qui participèrent aux mêmes combats parmi lesquelles le Régiment de Marche de la Légion Etrangère (RMLE) – régiment créé le 1er juillet 1943 avec divers éléments issus de plusieurs formations de la Légion étrangère, dont une partie du 3e REI qui participa à toute la fin de la seconde guerre mondiale, dont la libération de la France débarquant en Provence et se battant notamment en Alsace avant de redevenir 3e REI le 1er juillet 1945 –.
En l’honneur de la bravoure des pilotes du groupe de chasse Normandie-Niemen, et en récompense de son engagement aux côtés de l’armée rouge entre la fin 1942 et 1945 cette unité de l’armée de l’Air reçut les 6 plus hautes décorations jamais remises à la même formation par l’URSS ainsi que 3 médailles commémoratives décernées par ce pays entre la fin des combats et le milieu des années 1960.
En dehors de ces grands conflits, plusieurs pays sous protectorat français – régime découlant d’une convention entre deux Etats – décorèrent des formations françaises, soit pour leur participation aux deux guerres mondiales, soit pour des interventions sur leur sol.
Le principal de ces pays est le Maroc avec, d’une part, l’Ordre du mérite militaire chérifien, créé à l’imitation de notre Médaille militaire comme la plus haute distinction chérifienne pour bravoure au combat, qui fut remis entre autre au 3e REI, au RICM, au 1er régiment de chasseurs d’Afrique ou encore au 1er régiment de Spahis, et d’autre part, l’Ordre du Ouissam Alaouite Chérifien, lui-même créé en 1913 sous l’impulsion du Maréchal Lyautey, militaire et homme de lettres (1854-1934), et qui reste toujours actuellement, à l’instar de la Légion d’Honneur en France, la plus haute distinction marocaine, notamment décerné au RICM.
Et que dire du Laos avec le spectaculaire Ordre du million d’éléphants et du parasol blanc décerné au 5e régiment d’infanterie coloniale (aujourd’hui 5ème régiment interarmes d’outremer – 5e RIAOM) ou de la flamme allemande « Einsatz für Frieden und Freiheit » (intervention pour la paix et la liberté) décernée par la République Fédérale d’Allemagne en 1991 à près d’une cinquantaine de formations de l’armée française, armée de Terre, Gendarmerie nationale et armée de l’Air dont certaines étaient alors stationnées en Allemagne.
Mais il y en a beaucoup d’autres, serbes, yougoslaves, comoriennes…
Toutes ces décorations témoignent de l’engagement constant de la France partout dans le monde.
Amitiés légionnaires.
Vert & Rouge Info
Rédaction de ce bulletin : Lieutenant-Colonel (RC) Bérengère Nail