Pour répondre à ce bon mot d’Antoine de son ailleurs où il réside, l’humour se mélange habillement et pudiquement à la détresse de l’obligation de sépulture imposée aux proches d'un défunt. Il serait intéressant et opportuniste, à l’identique des marins bretons de porter un anneau d’or à l’oreille.
Cette boucle d’oreille avait surtout l’avantage d’être destinée au curé pour payer les obsèques.
Tout un symbole, repris par les gens du voyage, il suffit de mettre le poids en or du prix des obsèques souhaitée. Certains auraient de très grosses boucles… Bonne lecture...
CM
La TVA macabre
Ces temps-ci je suis accablé par les cimetières et les cérémonies funéraires. Je vous garantis que je ne l’ai pas programmé, prévu, ni même senti venir, mais voilà que la disparition prématurée d’un vieil ami me ramène dans les allées de cyprès.
Dans ma jeunesse les maisons Roblot et de Borniol tenaient le haut du pavé, si j’ose dire, pour mener six pieds sous terre la dépouille d’êtres chers, selon la formule consacrée. Pour ce faire, outre les cercueils qui pouvaient se choisir sur catalogue, de modèle Empire, Directoire, Louis Philippe… sculptés dans les essences les plus rares ou simplement en sapin pour ceux dont le coffre-fort ne pourrait – en aucun cas – les suivre, ils disposaient de longs corbillards noirs avec des décorations dorées et rococo, et de quantité d’hommes habillés de costumes sombres souvent un peu rappés, de cravates étroites et graisseuses, cols de chemise douteux, qui entraient et sortaient, arborant un air des plus sérieux et une fausse componction – par devoir de profession, certainement.
Je me souviens, encore adolescent dans mon ailleurs, des conversations familiales plaintives, sur le coût exorbitant des funérailles et de ma grand-mère paternelle – l’autre étant partie ad patres avant ma naissance – qui conservait quelques économies pour que, quand son heure arriverait, expliquait-elle, elle « ne soit un poids pour personne ». Elle ne pensait évidemment pas aux porteurs… Il y avait déjà des systèmes mutualistes qui assuraient le nécessaire déménagement vers la dernière demeure. Dans certaines entreprises, lors du décès d’un collègue, les autres devaient abandonner un jour de leur salaire afin de payer les obsèques du de cujus et d’apporter à la veuve et aux orphelins un raisonnable complément d'aide. Autres temps…
Le développement de l’Etat social et de l’Etat providence de mon ailleurs, avec l’augmentation en flèche de la dette qu’un jour il faudra bien payer, et l’irresponsable allocation obsèques de 2500 euros – curieusement le premier prix pour un enterrement de base sur les catalogues des Borniols locaux, comme s’il s’agissait d’un forfait journalier au-delà duquel le client devrait supporter le dépassement – sont à l’origine de l’augmentation exponentielle du commerce de la mort et des absurdes factures présentées aux familles pour inhumer où incinérer leurs chers disparus.
Voici peu, j’ai donc accompagné « à sa dernière demeure » ce vieil ami évoqué au tout début, et j’ai pu observer comment fonctionne une des principales agences funéraires de cet ailleurs. De la première prise de contact jusqu’à l’acte final, le professionnalisme a été irréprochable, le travail efficient, presque sans tache et l’opportunisme absolu – étant donné que les clients - les familles - traversent un moment difficile pendant lequel ils ne veulent rien savoir de rien, nécessitant pour cela de quelqu’un qui résolve leurs problèmes. Voir la facture dépasser allègrement les cinq mille euros, malgré une TVA aussi réduite que macabre, est aussi sûr que la mort pour chacun de nous.
Après, bien sûr, il y a des exceptions qui confirment la règle. Au crématoire et souhaitant une cérémonie rapide, la famille a demandé, devant une attente compassée et incompréhensible, si le processus pouvait avancer. Le maître de cérémonie, plein d’égards et de componction s’est profilé. Et tel Merlin l’enchanteur, avec une lueur sinistre dans les pupilles, il a murmuré : « Nous devons patienter quelque peu, le four est en train de chauffer… »
On se serait cru dans ma cuisine avant d’enfourner le gigot dominical !
Pour ces raisons, entre bien d’autres, je pense que mourir ne sera jamais le meilleur remède.
AM