"Nous sommes venus chercher en Suisse des conditions météorologiques qui peuvent nous donner un avant-goût de ce qui nous attend en Sibérie, à la rencontre des pires conditions, du froid et du vent. S’y confronter, découvrir des gestes simples auxquels je n’y aurais pas pensé, mais aussi tester mon équipement grand froid et observer Rostand, peut-être apprendre de lui, de nous. Nulle ascension et nul exploit, car les dangers sont réels et on ne s’invente pas alpiniste.
Station de Trockener Steg à 3000 m - Après nous être posé sur un plateau, un employé nous rejoint sur notre position et m’informe qu’il faut repartir à la station car elle ferme à cause de la tempête (rafales de 100km/h). Je décide de rester. Il me répond : « c’est votre décision », car nulle contrainte en haute montagne, la liberté est réelle, de même que la bienveillance.
Nous nous protégeons du vent autant que faire se peut et à la tombée de la nuit nous rejoignons la station devenue déserte. Nous trouvons un endroit à moitié couvert et j’y établis un bivouac sommaire : un simple tapis de sol, et je compte m’y allonger en combinaison. Elle fera double emploi. Mais en gonflant le matelas, une rafale le fit pivoter et il vint s’embrocher sur le piolet. Réparation infructueuse. Le pont thermique au niveau du dos m’empêche de m’allonger et je décide dans la nuit d’inspecter les bâtiments alentour. Je trouve une porte non verrouillée, donnant sur le hangar des dameuses, à l’odeur insoutenable de pétrole. Je monte à l’étage et trouve un atelier où les odeurs d’huiles se mélangent au pétrole mais c’est plus supportable. Je m’allonge à même le sol avec Rostand pour le reste de la nuit. A 4h30 puis à 8h00, balai de personnel ni surpris ni embêté, qui me regarde comme si je faisais partie de cet endroit et qui à notre passage font des caresses à Rostand qui circule librement. Tous me répètent : " c’est votre décision ", et nul de m’a pressé de quitter les lieux. L’esprit de la montagne...
Jonas Berteau