Culture:
"J’ai toujours aimé la rose. Cette magnifique fleur est célébrée depuis l’Antiquité par les poètes, les écrivains et les peintres. Appréciée pour sa beauté, son parfum, ses couleurs, elle est, à mes yeux, la reine des fleurs et je partage bien volontiers quelques unes de mes roses de mon jardin. C’est la fleur la plus cultivée au monde. Elle montre à sa façon le passage rapide du temps" :
Sur sa tombe le poète anglais Edward Fitzgerald fit inscrire :
« Je tombais de sommeil et la sagesse me dit :
Jamais dans le sommeil la rose du bonheur n'a
Fleuri pour personne... La saison des roses et du vin
Et des compagnons ivres. Sois heureux un instant, cet
instant c'est ta vie. Vois, la brise a déchiré la robe de la rose,
De la rose dont le rossignol s'était enamouré ; Faut-il pleurer sur
elle, faut-il pleurer sur nous ? La mort viendra nous effeuiller et d'autres
Roses refleuriront. »
Mais celui qui en parle le mieux est, à mon avis, Saint-Exupéry dans "le petit Prince":
Qui se cache derrière la rose du petit prince ?
Qui se cache derrière le personnage de la rose dans Le Petit Prince ? Nombreux sont les lecteurs qui, un jour ou l’autre, se sont posés la question. Antoine de Saint-Exupéry nous ayant habitué à dissimuler derrière des symboles et des métaphores des évènements personnels, nous pouvons à juste titre nous interroger sur l’identité de cette rose.
A l’instar du récit de sa venue au monde, contrairement aux fleurs ornées d’un seul rang de pétales, la rose se veut coquette, elle est unique, elle veut être le centre de l’attention, elle veut compter. Dès « son arrivée », elle s’installe dans son rôle de sujet central. Tout naturellement elle doit capter l’attention, elle ne nait pas avec le lever du soleil, elle nait en même temps que le soleil, comme si la vie naissait avec elle. Elle n’a que faire de la modestie, elle ne doute aucunement de ses propos et fait en sorte de ne laisser le loisir à quiconque d’en douter. Au fil de leur cohabitation, elle se révèle capricieuse, orgueilleuse, exigeante, soucieuse d’elle-même, elle joue de sa fragilité pour rendre ses attitudes entendables et louables aux yeux du Petit Prince. Elle n’a de cesse d’exiger toujours davantage, sans douter du bien fondé de ses demandes. Au titre de sa fragilité, elle s’intronise légitime dans ses souhaits.
Bien qu’émouvante, les premiers temps, dans ses contradictions, elle va faire naitre en notre Petit Prince une lassitude, un questionnement sur l’amour. C’est d’ailleurs ce qui le poussera dans l’entreprise de ce voyage et c’est ainsi que l’on peut là encore souligner la position de personnage central de la rose. Sans elle pas de questionnement, sans questionnement, pas de voyage, sans voyage pas de rencontre … sans rencontre avec le narrateur, nul conte.
Lors de son entrée dans le jardin des roses, le petit prince a le sentiment d’avoir été floué par celle-là même qui occupe ses pensées, la rose. Elle lui a menti en se targuant d’être unique dans l’univers. Il prend conscience en pénétrant dans ce lieu que des roses semblables à la sienne existent pas milliers. Mais à cet instant, il dépasse durant quelques secondes sa déception, pour s’abandonner à ses souvenirs, pour penser à ce qu’elle aurait ressenti en pareille situation. Elle aurait feint le malaise pour faire diversion, pour ne pas se sentir prise au piège, et le petit prince, par amour aurait fermé les yeux pour de pas la désavouer et qu’elle ne se laisse pas aller à la mort par peur du ridicule. Toutefois sa déception est grande, il se sent trahi, appauvri et dépossédé de sa richesse, sa possession d’une rose unique.
Le petit prince va alors faire une rencontre avec le renard, et leurs discussions sur l’importance des liens entre les êtres va conduire le petit prince à envisager la rose sous un autre angle que celui de la trahison. Le renard l’invitera alors à se rendre de nouveau dans le jardin des roses pour comprendre à quel point le lien tissé fait de sa rose un être unique pour lui.
Certes ces roses sont semblables, mais elles sont « vides », elles ne représentent rien pour lui, alors que sa rose, bien qu’exigeante et vaniteuse n’est belle et unique que parce qu’elle existe à ses yeux, que parce qu’il lui porte un amour « inconditionnel ». Il l’aime, il la protège, il l’écoute. Il comprend alors qu’il s’est éloigné car il n’a pas su voir ce qui était devant lui, sous ses yeux ou plutôt sous son cœur.