Très peu de témoignages nous parviennent malgré les nombreuses sollicitations et « appels à témoins » faits auprès de ces mémoires vivantes que sont nos Anciens légionnaires. Le constat est sans équivoque : timorés, craignant le qu’en dira-t-on d’une sorte de mise en avant de soi, ou ce que l’on pourrait penser du style de leur écriture, les anciens se défaussent et rarissimes sont les témoignages qui nous parviennent, alors que ces vieux soldats peuvent être si prolixes lors de retrouvailles traditionnelles comme à Camerone, aux fêtes « légionnaires» carillonnées : saint Georges, saint Michel, sainte Barbe, etc...
C’est pourquoi, histoire “d’amorcer la pompe”, cet écrit sans prétention qui suit devrait servir d’exemple, d’incitateur et inspirer nos anciens à se lancer dans l’aventure de l’écriture.
Il est dit que les livres et auteurs qui sont notre lecture révèlent un peu notre personnalité et donnent une idée de ce que nous sommes, notre manière de penser et bien d’autres choses encore…
En son temps, le magazine “képi Blanc” demandait à une poignée de rédacteurs bénévoles de faire la critique des livres reçus par le rédacteur en chef, j’aimais particulièrement m’inscrire à faire ce genre d’article, celà m’obligeait à lire, même les livres que je n’avais pas choisit au travers de son titre comme je le faisais habituellement.
Aujourd’hui, je me lance dans une amorce de critique des écrivains qui ont marqué ma vie de lecteur assidu, ceux qui ont fait avec leurs oeuvres une réelle relation avec mon propre imaginaire.
Il fut un temps, je rêvais d’une bibliothèque uniquement composée d’ouvrages d’écrivains français. Pourquoi ce chauvinisme livresque? tout simplement parce qu’il est impossible que je les lise tous, alors si en plus je dois lire des livres d’auteurs étrangers… cependant, rapidement je compris qu’une bibliothèque doit s’ouvrir au monde et ne pas se refermer sur lui.
La bibliothèque imaginaire est ce “lieu mental” où les livres nous sollicitent, nous trahissent, nous saisissent, nous lâchent, nous troublent, nous bouleversent ou nous déconcertent. C’est une constellation mouvante en expansion.
André Malraux savait battre les cartes d’un jeu qui évoquait un musée imaginaire de la littérature.
Je commence avec Alain, le philosophe à la charrue, celui qui me fascinait par son pacifisme et qui lorsque la guerre 14-18 est déclarée, sans renier ses idées, bien que non mobilisable, s’engage afin de satisfaire son “devoir de citoyen”, les temps depuis ont bien changés… Il en a résulté de son passage dans la grande guerre à un pamplet: “Mars ou la guerre jugée”.
J’ai lu Alain par obligation, après lecture, venait le devoir de faire une dissertation sur le livre, curieusement j’ai aimé ce procédé qui m’imposait à lire.
Normand de naissance, Alain de sa vie n’a jamais franchi ni mer, ni océan, il s’est contenté de rester le paysan de la pensée, chez lui le titre de philosophe se compléte de l’idée du bon sens et de l’optimisme. C’est irritant et attendrissant puisque le bon sens ne mène pas loin, mais par contre, il donne une incroyable endurance.
Le philosophe travaille chaque jour son champ disant à ce propos que les “idées chargés de matière sont nées du sol” et encore: “les mots sont le terreau des vivants”. L’homme se reconnait au combat quotidien, c’est sa mesure réelle, pas de distraction.
Le but de la philosophie d’Alain est d’apprendre à réfléchir et à penser rationnellement en évitant les préjugés. Cet éveilleur d’esprit, passionné de liberté s’insurgait contre “le mépris des officiers pour les hommes de troupe lorsqu’ils parlent aux hommes comme on parle à des bêtes”. Il ne supporte pas “l’idée de cette tuerie organisée, de ce traitement que l’homme influge à l’homme. Il se révolte quand il assiste à la mise au point d’une énorme machine destinée à tenir l’homme dans l’obéIssance.
Alain érige un principe de discipline qui consistait à effacer les rêveries. Il prévoyait, sûr de lui: “ceux qui travaillent de leurs mains sont victorieux d’instant en instant, ils ne cessent de vaincre la mort… Ce meneur de pensées ne faisait confiance qu’à l’artisanat et se vouait corps et âme à une perpétuelle “leçon de chose”.
Toute sa vie, il s’est obstiné, devant les provocations et les “séductions” de la mort à vouloir dire non, ce n’est point facile. Il est facile de punir par la violence, disait-il, mais l’esprit mène une toute autre guerre.
Voilà donc rapidement brossé, le portrait d’un de mes auteurs qui ont meublé mes journées d’hiver et… de bien d’autres saisons.
Pour revenir à l’introduction, nos Anciens, en dehors de leur propre histoire vécu à la Légion pourrait avec bonheur nous faire part des évènements qui ont meublé leurs journées d’une vie souvent bien remplie:
Appel à témoins !
CM