Inauguration du mémorial en présence des autorités civiles et militaires © Jean-Marc Lautier - 2011
MÉMORIAL DES LÉGIONNAIRES PARACHUTISTES DU 2ème REP
Présentation:
Au cours de la traditionnelle prise d’armes organisée au sein du 2ème Régiment Etranger de Parachutistes (2ème REP) de Calvi, à l’occasion des festivités liées à la Saint-Michel le 02 octobre 2011, un mémorial a été inauguré au sein du camp RAFFALLI afin d’honorer la mémoire des légionnaires parachutistes Morts pour la France depuis 1948, année de création des premières unités parachutistes de la Légion étrangère.
Au cours de son histoire récente, la Légion étrangère a compté plusieurs formations parachutistes, dont les 1er, 2e et 3e REP (anciennement appelés « Bataillon Etranger de Parachutistes ») ou encore la 1ère Compagnie étrangère parachutiste de mortiers lourds, cette dernière unité ayant eu une existence éphémère puisqu’elle servit surtout en Indochine, les compagnies indochinoises parachutiste ou encore la compagnie parachutiste du 3e REI créée en avril 1948, qui fut la première de ces unités et formée avec des volontaires de tous les régiments d’infanterie de la Légion.
Actuellement, le 2e REP est la seule unité aéroportée de la Légion étrangère, le 1er REP ayant été dissous à la suite du putsch d’Alger. Cette formation a subi de lourdes pertes en Indochine, avec notamment la mort de son chef de corps, le chef d’escadrons Rémy RAFFALLI, alors qu’il se dénommait 2e BEP le 10 septembre 1952.
Ce dernier donnera son nom au camp où est implanté le régiment, à Calvi. Anéanti lors de la bataille de Dien Bien Phu, le 2e BEP sera reconstitué en 1954 avec des effectifs venus du 3e BEP, alors dissous.
Les recherches historiques
Les recherches pour exhumer les noms des personnels des unités parachutistes de la Légion étrangère Morts pour la France (Mplf), ont été menées par le major RODET-LOEW en 2010 et 2011, à partir des ressources du centre de documentation de la Légion étrangère d’Aubagne. Ce travail de bénédictin, au travers des journaux de marche en opération archivés au centre de documentation, des listings du bureau des anciens de la Légion étrangère (BALE) et des sources diverses a permis de trouver plus de mille trois cent noms à inscrire sur ce mémorial.
Néanmoins comme bien souvent dans de telles entreprises, il existe toujours une possibilité pour qu’un personnel ait été omis suite à des erreurs d’inscription par exemple, ou que des erreurs se glissent par des retranscriptions partielles ou erronées. Il faut donc comme à chaque fois prendre ces travaux de recherche avec toute la prudence utile.
Lors d’une seconde phase de recherches documentaires menée en 2020 par le lieutenant Arthur du 2e REP, l’ensemble des JMO des unités parachutistes de la Légion étrangère a été numérisé. Ce travail a permis de refaire une lecture plus posée de ces documents, mettant au jour les noms de deux nouveaux parachutistes du 3e REP à honorer au travers de ces inscriptions mémorielles. Par chance, il restait un peu de place au bas de la plaque répertoriant les noms des hommes de cette unité pour l’année considérée soit 1955 et cette omission a donc pu être rectifiée. C’est ainsi que le lieutenant CHERFALLOT et le légionnaire DILLER purent rejoindre leurs camarades de combat.
L’aménagement
Le mémorial se situe à l’entrée du camp RAFFALLI. Une fois entré dans ce prestigieux régiment, il apparaît sur la gauche, adossé au mur Sud de la salle d’honneur.
Cette disposition plonge immédiatement le visiteur quel que soit son origine dans le rappel du sacrifice consentis par ces hommes valeureux. S’imposant à la vue de ceux-ci, il est inévitablement parcouru par les personnes voulant aller visiter la salle d’honneur régimentaire. On ne peut rester impassible devant cette longue énumération funèbre, impressionnant le « civil », faisant ressurgir d’émouvants souvenirs à nos grands anciens, démontrant avec force aux jeunes légionnaires du REP le sens de leur engagement personnel. Cet espace mémoriel riche du poids de l’histoire de ces hommes est tout autant un lieu de recueillement qu’un lieu initiatique et éducatif.
De la place d’armes il se fait discrètement visible, tel un père veillant à distance respectable sur ces enfants.
La salle d’honneur du 2e REP et le mémorial © 2e REP
Se présentant sous la forme d’un U très étiré, il se compose en fait de quatre éléments ;
- à gauche une plaque porte diverses inscriptions comme les devises de la Légion étrangère « LEGIO PATRIA NOSTRA » en haut et en bas « HONNEUR ET FIDÉLITÉ ». Une autre encore rappelle le sacrifice des indochinois engagés au sein des compagnies indochinoises parachutistes de la Légion étrangère (CIPLE), compagnons d’armes et de combat arborant fièrement leurs bérets blancs. « Les légionnaires parachutistes à leurs compagnons d’armes indochinois, tombés à leurs côtés sous le fanion des BEP ». Enfin le célèbre poème du capitaine BORELLI dédié à ces hommes tombés au champ d’honneur en Extrême-Orient, accompagne à jamais la mémoire des hommes inscrits au sein de ce mémorial.
- A droite une plaque composée d’une vitre matée porte les sept articles du code d’honneur du légionnaire donnant ainsi encore plus de sens et de force au sacrifice de ces hommes.
- Le centre de cet espace est occupé par deux éléments principaux. En premier lieu, un parterre de marbre blanc veiné permet d’accéder au mémorial et de le parcourir. En son centre est apposée un imposant insigne du brevet parachutiste.
Fièrement dressées derrière, l’ensemble des onze plaques portant les noms des personnels identifiés comme morts pour la France. Au-dessus de celles-ci une inscription « MÉMORIAL DES LÉGIONNAIRES PARACHUTISTES MORTS POUR LA FRANCE ».
Réalisées dans un magnifique marbre vert en provenance d’Asie, les plaques sont organisées dans un ordre chronologique et par théâtre d’opération. C’est ainsi que s’y trouve remémorés les noms des hommes tombés en Indochine, en Algérie, au Tchad, au Zaïre, en ex-Yougoslavie, en République du Congo, en Afghanistan et enfin au Mali. Chacune d’elle est réhaussée dans ses angles par une flamme légion. Sont inscrit pour chaque légionnaire parachutiste décédé et ayant reçu la mention « Mort pour la France », son grade, les initiales de son prénom, son nom et son unité.
Le mémorial sous son éclairage nocturne
Un ancien penché sur la longue liste des décédés
© 2e REP:
Solidement implanté en Corse le 2e REP a confié la réalisation des gravures et de l’aménagement des plaques de marbres à une société locale en l’occurrence la SARL « NOUVELLE MARBRE ET GRANIT » de Corte. Les légionnaires se sont également investit dans ce projet en perpétuant leur tradition de soldats bâtisseurs. C’est ainsi que plus particulièrement, l’équipe du casernement du 2e REP a réalisé une structure métallique permettant de supporter un toit en vitre teintée protégeant ainsi le mémorial des rigueurs du soleil corse.
Ce mémorial dédié à la mémoire des légionnaires parachutistes morts pour la France n’aurait pas pu voir le jour sans la participation financière des collectivités territoriales corses, de quelques entreprises, d’associations mais aussi et surtout des diverses fédérations et autres amicales d’anciens légionnaires ainsi que de nombreux donateurs privés. Le budget global ayant permis la réalisation de ce projet est de l’ordre de 60 000€.
Des noms légendaires sont inscrits dans les veines de ce marbre vert, comme celui du colonel JEANPIERRE, du chef d’escadrons RAFFALLI ou encore du chef de bataillon SEGRETAIN. Ils côtoient à place égale, dans la même humilité les noms des militaires du rang, des sous-officiers et d’autres officiers parachutistes tombés en respectant leur serment. Le dernier inscrit de ce long martyrologue est le sergent-chef KALAFUT Marcel, mort au combat le 08 mai 2014 des suites de ses blessures subies lors de l’explosion d’un engin explosif improvisé (IED) dans le massif du Tigharghar au Mali au cours de l’opération Serval.
L’idée de ce Mémorial avait germé il y a plus de 40 ans en 1980, dans l’esprit du général Michel GUIGNON alors chef de corps du 2e REP. Celle-ci a été reprise en 2010 par le colonel BELLOT des MINIERES et menée à son terme par le colonel PLESSY, chef de corps du 2e REP de 2010 à 2012.
Les Compagnies indochinoises parachutistes de la Légion étrangère (CIPLE) ou le jaunissement des unités parachutistes de la Légion en Indochine.
À toutes les époques, l’armée française eut recours à des soldats « indigènes » dans ses territoires coloniaux mais, jusqu’à la guerre d’Indochine, la Légion y échappa.
Malgré un recrutement très actif et accéléré (cinq à sept semaines de formation avant de s’embarquer), malgré environ soixante-douze milles légionnaires qui fouleront le sol indochinois, les besoins constants en effectif entraînent le jaunissement des unités de Légion qui débute en 1950 avec la création de bataillons mixtes au sein desquels le pourcentage d’autochtones peut atteindre 60 %. Avantageuse sur bien des points, économiques et politiques, cette solution a permis de compléter les effectifs tout en disposant de soldats aguerris, solides et ayant une connaissance du terrain inégalée. On parla alors du « jaunissement ». Ce fut sans aucun doute un des grands défis de la Légion en Extrême-Orient. Cette politique n’était pas une nouveauté car, pratiquement dès la fin de 1945, de nombreuses formations commencèrent à compléter leurs effectifs avec des militaires autochtones. Les Compagnies indochinoises parachutistes de la Légion étrangère suivaient donc cette tendance.
Après l’anéantissement du 1er BEP sur la RC4 en octobre 1950, l’unité ne pouvait être recréée qu’avec les survivants, les hommes restés en base arrière ou indisponibles au moment du parachutage sur la RC4 et les légionnaires des compagnies de renfort ou de maintenance. En janvier 1951, on dissout les compagnies de renfort, et on créa un nouveau 1er BEP avec une compagnie indochinoise parachutiste de la Légion étrangère (CIPLE) faisant office de 4e compagnie constituée en mars 1951. Les discussions sur l’organisation des BEP reprirent, soit on affectait, dans chacune des compagnies, une section indochinoise ; soit on regroupait les autochtones dans une compagnie. Ce fut ce dernier choix qui prévalut aussi à la Légion. La CIPLE du 1er BEP prit l’appellation de 1ère CIPLE et celle du 2e BEP, de 2e CIPLE. La 1ère CIPLE devint 4e compagnie du 1er BEP et la 2e, la 8e compagnie du 2e BEP.
Compagnie de supplétif indochinois © Collection privée - N'Guyen Van Phong
Cette particularité constitua l’une des formes d’adaptation aux conditions particulières du conflit. Ce n’est pas un recrutement à proprement parler, mais plutôt une intégration au même titre que les cadres blancs d’aujourd’hui. Les légionnaires indochinois ne portaient pas le képi blanc, mais arboraient avec une fierté légitime le béret blanc. Ils ont également une immatriculation différente de celle des légionnaires. Seuls quelques-uns ont été par la suite intégrés comme légionnaire à part entière. En 1952, au plus haut de sa courbe avec plus de soixante mille hommes, le taux de jaunissement atteignit 35 % des effectifs. Il se faisait, soit par simple amalgame au niveau individuel, soit par création d’unités élémentaires autochtones encadrées par des Français, soit encore par constitution de bataillons mixtes.
C’est alors qu’au sein des deux CIPLE ou du 4/13e DBLE le jaunissement atteint plus de 60 %.
Le mémorial des légionnaires parachutistes morts en service aérien commandé
Le 2e REP possède dans le domaine mémoriel une particularité puisqu’à quelques pas de celui dont nous venons de parler s’en trouve un autre dédié aux légionnaires parachutistes morts en service aérien commandé (SAC).
Celui-ci de dimensions plus restreintes a été réalisé avec les mêmes matériaux. Composé de trois plaques de marbre celle de gauche porte la prière du parachutiste, les deux autres les noms des cinquante-et-un personnels de la Légion étrangère morts en service aérien commandé depuis 1949, dont ceux de la 2e section de la 4e compagnie du capitaine DARAS (le capitaine PHILIPPONNAT officier adjoint de la 4e Cie. décédera également dans cet accident), décédés lors de la tragédie du mont Garbi à Djibouti le 03 février 1982.
Lors de cet accident ce ne sont pas moins de vingt-sept légionnaires du 2e REP et deux de la 13e DBLE, de tous grades qui trouveront la mort sur les pentes de cette montagne d’Afrique de l’Est situé au Nord-Ouest du lac Assal. À la suite d'une dégradation des conditions météorologiques, l’avion un NordAtlas, a désespérément tenté de prendre de l’altitude. Malheureusement, il percuta de plein fouet le sommet du Mont GARBI. L’accident ne laissera aucune chance de survie à ses trente-six occupants (29 légionnaires, 6 aviateurs ainsi qu’un marin du commando Jaubert) périssant en service aérien commandé.
Depuis la Bataille de Dien Bien Phu en 1954, le drame du mont GARBI reste, pour la Légion Étrangère, le jour le plus tragique en termes de pertes humaines.
Le premier inscrit, décédé en 1949 est le caporal H. FRENZER du 1er BEP mort le 14 octobre 1949 en Indochine, le dernier est le sergent J. ALVAREZ du 2e REP qui a péri le 04 octobre 2006.
Le mémorial dédié aux légionnaires parachutistes morts en service aérien commandé
la stèle en mémoire des décédés sur le mont Garbi © 2e REP + © aerosteles.net
Conditions d’attribution des mentions "Mort pour la France":
La mention « Mort pour la France » ne peut être décernée qu'à des personnes dont la cause du décès est la conséquence directe d'un fait de guerre. Cette mention constitue une disposition relative à l'état civil et est à ce titre portée en marge de l'acte de décès des personnes concernées. L'attribution de la mention « Mort pour la France » a en particulier pour effet de rendre obligatoire l'inscription du nom du défunt sur le monument aux morts de sa commune de naissance ou de son dernier domicile.
Les enfants mineurs de la victime ont de plus vocation à être adoptés par la nation. Lorsque, pour un motif quelconque, la mention « Mort pour la France » n'a pu être inscrite sur l'acte de décès au moment de la rédaction de celui-ci, elle est ajoutée ultérieurement dès que les circonstances et les éléments nécessaires de justification le permettent.
Mort en service aérien commandé:
Le personnel militaire navigant du domaine aéronautique qui décède accidentellement ou tué par un tiers volontaire dans une mission aérienne en OPEX ou à l’entraînement se voit attribuer l’appellation « Mort en service aérien commandé ». Les parachutistes entrent dans ce cadre. Rien ne s'oppose à ce que les personnes concernées puissent bénéficier de l'attribution de la mention « Mort pour la France » dans l'hypothèse où elles réunissent les conditions requises rappelées ci-dessus.
Major (er) Jean-Michel Houssin, chargé de la mémoire/FSALE
Sources
2e REP
- https://www.cairn.info/revue-guerres-mondiales-et-conflits-contemporains