Directeur de l’Institution des Invalides de la Légion étrangère à Puyloubier; mes obligations m’imposaient d’effectuer de nombreuses visites dans les différents ateliers. Au cours de l’une d’elles, je visitais mon ami Louis Perez y Cid qui occupait les fonctions de chef d’atelier céramque.
Ce jour là, il était préoccupé par une commande qui consistait à peindre sur une très grande plaque de lave une image représentant “la gloire de la France”et qui, par la suite, devait passer au four assurant une belle résistance à l’épreuve du temps. Petit souci, Louis n’avait aucune idée comment interpréter ce “challenge”, aucune inspiration ne venait éclairer son génie créateur.
Je partageais par amitié son désarroi et moi aussi, je ne voyais pas comment, en quelques coups de crayon représenter la France” telle qu’elle était vue de par le monde entier, surtout, qu’il ne fallait pas avoir recours à une légende explicative, l’oeuvre devait représenter par elle même “la gloire de la France”.
Pour encourager mon ami, je lui expliquais que le grand peintre Delacroix, s’était probablement trouvé confronté à ce genre de problème au moment de réaliser cette peinture historique où il devait représenter une image révolutionnaire. L’idée de cette femme dépoitraillée, habillée comme une Athéna des Folies Bergères” devait être le résultat de longs moments de réflexion, mais cette vagabonde coiffée d’un bonnet phrygien pouvait tout aussi bien représenter l’Uruguay, la Pologne que la Finlande ou autres…
Nous échangions plusieurs idées sans négliger les plus farfelues pour finir lassés, dépités, nous n’avions d’autre solution que de nous mettre d’accord sur un choix possible de l’effigie d’une belle jeune femme dotée d’une silhouette avenante, un bel aspect de liberté et de féminité qu’agrémentait une attitude provocante de guerrière. Le tableau devait s’imprégner de couleurs vives du meilleur effet artistique, l’ensemble devait apporter une belle émotion. Pourtant, nous n’étions pas satisfait, rapidement, nous changions de cap et pensions à l’ image d’un soldat, jeune héros au service de la défense et de la liberté. Notre imagination prenait son envol, nous improvisions une composition picturale où apparaissait face aux bataillons ennemis, un jeune homme au sourire éclatant habillé du “costume” bleu horizon. Notre personnage historique venait symboliquement d’arracher dans un champ une fleur, autour de lui un chaos de boue, de mitrailles et de sang, notre héros venait de piquer cette fleur à la boutonnière de sa capote déboutonnée. La jeunne femme s’était transformée, d’un coup de pinceau magique, en jeune homme vertueux, ivre de jeunesse, d’avenir et de paix.
Insatisfaits, il nous fallait, en urgence, trouver autre chose et relancer nos recherches, nous avançions dans un brouillard culturel épais, conscients de subir une impuissance frustrante.
Un pensionnaire de l’institution qui passait par là nous adressa ces quelques mots qui nous laissa sans voix:
“Excusez-moi Messieurs, je sais que je m’incruste dans vos réflexions, mais j’ai surpris, par un hasard heureux, votre conversation qui s’exprimait en verbes très hauts, ceux qu’utilisent les passionnés, et ma curiosité naturelle ne pouvait qu’être sollicitée. Je pense pouvoir vous aider, si vous me le permettez. Il faut, tout simplement, prendre comme modèle le coq gaulois, qui est aujourd’hui l’indiscutable symbole de la France, l’équivalent du pygargue à la tête blanche des USA, de l’éléphant de la Côte d’Ivoire, de l’aigle allemand, du panda chinois ou du loup maigre italien; c’est l’emblème qui figure sur de nombreux clochers d’église, rappel du coq de l’évangile qui chanta trois fois. Cet animal fier domine un bon nombre de monuments aux morts. Ne tenez surtout pas pour exemple la présentation cynique et ironique utilisée par un amuseur publique qui fait chanter l’animal dans la boue, mais montrez le combattant plus que chanteur, quoi de plus beau qu’un animal agressif prêt à défendre, au risque de mourir, son territoire et ceux qui sont placés sous sa protection."
L’Ancien venait de nous donner une belle leçon et c’est ainsi que Louis réalisa un majestueux coq aux couleurs nationales, il était perché fièrement sur un bloc de pierre sur lequel apparaissaient gravés en relief une très belle jeune femme qu’enlaçait notre héros en costume bleu horizon. Les deux jeunes gens, promis à un bel avenir, regardaient l’horizon avec comme fond de tableau un crépuscule pourpre rendu flou… par une petit pluie fine d’hiver.
CM