Réflexions:
J’ai en mémoire quelques courriels bien trempés (dans l’acide, le vinaigre, la colère…) qui émettent une opinion sur un événement et qui me prennent à témoin en souhaitant me rendre solidaire d’une action, ou bien me demandent de signer une pétition, de prendre parti pour une noble cause, contre un horrible scandale, une insulte inadmissible et j’en passe et pas toujours des meilleures…
J’ai, bien entendu, une opinion sur ces événements qui transforment notre société, mais ce que je souhaite exprimer par mon propos d’auteur responsable, c’est que je serais plutôt à l’image de l’ancien légionnaire en général, détaché de certaines contraintes, si je ne les accompagne pas du recul nécessaire à une certaine réflexion.
Mon engagement à la Légion était une forme de rupture avec une société civile trop décevante. Aussi, j’avais décidé que les réactions spontanées, les défenses des belles causes ne me concernaient plus. Tel était le cas pendant la durée de mon service actif, du fait même que j’avais conscience de renoncer à toutes actions politiques, religieuses ou autres… pouvant mettre en péril la neutralité exigée de tout militaire dans et en dehors de ses fonctions. En revanche, cela ne m’obligeait pas à me départir de mon sens critique, ne m’interdisait pas de penser et d’être suffisamment lucide pour me sentir entouré de beaucoup de haines ; j’ai ainsi appris à mes dépends que tout le monde était loin d’être gentil. La malveillance, même au sein de l’Armée, fait partie du mode de vie de bon nombre de citoyens qui, bien qu’honnêtes, sont dotés d’une formidable puissance de nuisance et l’actualité de nos sociétés, civile et militaire, démontre - si besoin était, la justesse de ces propos.
Sans vouloir donner de leçon, ce qui ne saurait être de mise, il est, à mon avis, grand temps de prendre conscience que nous subirons dans un temps très proche, l’accentuation des effets d’une mondialisation galopante, et que nos petits soucis nationaux seront obligatoirement confrontés aux difficultés d’un monde en évolution accélérée, auquel nous ne saurions échapper.
A la Légion nous avons, avant tout le monde, compris qu’il ne nous fallait compter que sur nous-mêmes. Après ce constat, des solutions furent imaginées puis concrétisées par les réalisations de lieux d’hébergements pour anciens légionnaires à Auriol et Puyloubier. Par précaution, nous n’avons pas souhaité mettre tous nos « œufs dans le même panier » en donnant à la Maison du légionnaire d’Auriol un statut d’indépendance à l’abri de l’association-loi 1901. Nous avons fait le choix, pour ces deux maisons, d’imposer un but commun inscrit dans leurs statuts : « apporter un soutien moral aux anciens légionnaires en difficulté », en les plaçant dans un environnement de confiance à l’abri d’une société où la parole n’a plus de sens ni de valeur, puisqu’elle est donnée ou reprise au gré des lubies d’hommes politiques changeants, faisant de ce qui est vrai aujourd’hui, un mensonge de demain...
Même ensemble, nous ne serons jamais assez forts pour faire face aux changements qui se préparent, dans les domaines politique, religieux, financier… Nous avons parfaitement compris, doux euphémisme de bienséance, que des changements importants sont clairement amorcés, visibles par tous, qui nous conduiront inéluctablement vers des destins pressentis, devinés, connus, avenir d'une société en pleine transformation.
Des décisions seront prises très bientôt pour la survie de notre « Maison du légionnaire ». De nombreuses choses nous échappent, nous ne pourrons que constater les nouvelles situations annoncées, avant, ce n’était pas mieux, c’était autre chose… Il semble bien difficile de rester en phase avec son temps.
Tout ceci démontre bien la prescience légionnaire, que j’évoquais plus haut, avec cette intelligence et ce sens de l’opportunité à bon escient, de se doter de structures d’accueil pour les anciens en difficulté. Nous n’échapperons pas à l’ogre des prélèvements des réglementations imposées qui avance en avalant tout sur leur passage et qui ne souffre d’aucune exemption, fut-elle pour raison humanitaire, il suffirait pourtant de comparer le bien vivre de nos pensionnaires à ceux des EPHADS ...
Un jeune retraité me disait récemment: « la Légion m’a fait homme libre, il est temps que j’en profite. Certes, je suis enchaîné d’honneur et de fidélité, mais je serais trahi si cette fidélité ne s’applique que dans un sens… si tel était le cas, le contrat moral serait alors rompu… » Je ne comprenais pas, « contrat moral rompu ? », il faut m’expliquer…
Néanmoins une seule et vraie consigne persiste : « Restons unis ! » et « confiance à nos chefs ».
CM