Jean-Marie Dieuze est volontaire pour offrir généreusement ses services et compétences à la FSALE et en particulier à la communication.
Comme je le disais dans le dernier « mot de la COM », il est pour moi, grand temps de passer le relais, c’est prévu au prochain congrès. Entre temps, les consignes seront effectuées, nous avns le temps de les rendre efficaces et c’est une très bonne chose.
Jean-Marie Dieuze désormais « JMD » nous offre ici un texte non dénué d’humour : « Réflexions d’un jeune Ancien Légionnaire », bonne lecture !
CM
« Dans un de ces moments d’égarement où je laisse mes pensées vagabonder entre l’absurde et le raisonnable, une question singulière me vint à l’esprit : peut-on être un jeune vieux ou un jeune ancien ? Je laisse les plus subtils esprits de notre siècle, qui ont abordé ce thème des relations intergénérationnelles et de l'influence des âges sur nos pensées et nos comportements, y apporter un début de réponse. Pour faire simple, il y aurait consensus sur le fait que la jeunesse et la vieillesse semblent, au premier abord, se dresser comme deux extrêmes opposés, irréconciliables, comme le sont, le Puyloubier et la limonade. Mais il y aurait aussi consensus sur la possibilité qu'un jeune puisse porter en lui la sagesse des années, tout comme un vieux puisse conserver l'ardeur de la jeunesse. C’est au cours d’une de ces réflexions toutes personnelles, incongrues et très souvent décalées de l’instant présent, que tomba comme un cheveu sur la soupe, le paradoxe du « Jeune Ancien Légionnaire » ou dans notre jargon militaro-associatif, le « JAL »…
Cet excès de « jargonisme », de "siglomanie", "d’acronymania" ou plus simplement d’abus d'abréviations passé, je tentais alors de percevoir qui était ce « jeune », qui subitement mérite le titre d’Ancien, sans pour autant devenir « vieux ». Les vertus du Puyloubier ne sont plus à démontrer, pour peu qu’il soit dégusté avec modération pour en apprécier pleinement chaque nuance et en prolonger ses bienfaits. Mais la Légion étrangère, sauf erreur de ma part, n’a jamais prétendu y avoir trouvé là, un élixir de jouvence. Même si, à la fin de quelques popotes traditionnelles ou juste avant la fermeture des bars de la Kermesse de Camerone, on peut entendre au hasard de discussions toujours empreintes d’une touchante sincérité, quelques quidams : jeunes Anciens, Anciens, voire vieux Anciens, entourer de « jeunots » (il y en a toujours…), se vantant ou se désolant, selon l’état du moment, du temps d’avant, du temps présent et surtout des temps à venir, qui pour le coup font toujours consensus, quelques que soit l’ancienneté des rhétoriciens, des controversistes ou porte-parole du camp des jeunes ou des moins jeunes… Notez au passage, que les buveurs de limonade ne participent jamais à ces ateliers philosophiques post-cérémonies, sans doute sont-ils déjà parti se coucher depuis longtemps…
Revenons à notre jeune Ancien, est-il jeune par son âge ou par son ancienneté ? À quel moment, un symbolique curseur le fera basculer brusquement chez les vieux, pour ne faire de lui, plus qu’un Ancien ? Sans qu’il lui soit possible, d’ailleurs, de protester vigoureusement de l’injustice qui lui est ainsi faite. Lui, qui mène toujours une vie très active, sportive, amoureuse, voire aventureuse, et qui se considère donc toujours comme jeune. Il peut même lui arriver de le revendiquer, haut et fort, par un excès de vitalité, dans un tonitruant : « Je suis comme je suis et je vous… ». De quel droit, en effet, lui supprime-t-on de manière péremptoire, cette qualité ?
En même temps, un Ancien, c’est un ancien, si vous me pardonnez cette lapalissade. En toute logique, ce n’est plus un jeune. Chronologiquement, il était là avant. Quel que soit le Labs de temps écoulé, entre le suivant et le suivi, et qui d’ailleurs ne variera jamais, cela importe peu. Est-il donc plus humiliant d'être suivi que suivant, comme le chantait le Grand Jacques ? Qu’il soit devenu nécessaire, d’y ajouter cette petite nuance entre Anciens. Surtout, qu’in fine, le plus Ancien des anciens, inévitablement, par le jeu normal de l’avancement, en général et à la Légion étrangère en particulier, basculera lui aussi, un beau matin, vers le dernier bivouac…
Arrivé devant Saint Antoine, le récipiendaire dans l’attente éventuelle de recevoir sa récompense céleste, se verra-t-il taxé, avec une désinvolture frisant l’irrespect, de « jeune » ? Si l’intéressé a toujours été très susceptible au cours de sa vie sur ce sujet précis, cette vie d’après, pourrait rapidement devenir un véritable enfer, car ils sont nombreux ceux qui, avant lui, ont cassé leur pipe. Et l’Éternité, c’est bien connu, c’est très long, surtout vers la fin.
Il y a quand même une constante qui ne varie pas dans cette équation, que je ne suis pas parvenu à résoudre. C’est le respect qui nous unit tous, au travers de notre passé commun, notre histoire partagée, nos propres chemins de vie, nos réussites, nos échecs, nos qualités, nos défauts… Cela me suffit amplement à satisfaire une jeunesse vieille qui pose sur la jeunesse d’aujourd’hui, un regard inquiet, mais plein d’espoir. Et lorsque je doute, c’est toujours vers mes Anciens que je me tourne. Preuve s’il en est, que ce n’est pas ce que nous sommes qui est important, mais qui nous sommes… »
JMD