Nombreux sont nos grands Anciens qui ont terminé leur carrière légionnaire au 1er RE. Beaucoup se sont retirés dans la région de leur dernière affectation et quelques uns ont fait le choix de s’installer pas très loin de la maison-mère, ainsi leurs choix se sont portés sur Saint-Maximin la Sainte Baume, la Boulladisse, Carnoux en Provence et bien d’autres cités aux allentours d’Aubagne.
L’adjudant-chef Johan Abstein avait fait le choix de venir habiter à Carnoux en Provence, plus jeune village de France qui regroupait les « pieds noirs » au lendemain de la guerre d’Algérie.
L’adjudant-chef Abstein est décédé en novembre 2023. Une promotion de sous-officier fit le choix de le prendre pour parrain le vendredi 23 août dernier. Bien entendu que cette cérémonie fera l’objet d’un article dans « Képi Blanc » mais nous souhaitons apporter notre contribution quant à faire mieux connaître cet ancien exemplaire avec la copie de l’éloge funèbre prononcée par le capitaine (er) José Gil.
A noter que les trois filles de notre adjudant-chef seront invitées par le général Cyrille Youchtchenko au coktail de rentrée et qu’il en profitera pour évoquer devant les invités la carrière de l’adjudant-chef Abstein.
Lettre du capitaine José Gil:
"Mon adjudant-chef, Mon Ancien,
Il me revient le devoir et l’honneur d’être l’interprète de tous les membres de la famille Légion afin de vous témoigner notre affection par ces quelques mots.
Né 19 mars 1931 à Oberingelheim en Allemagne, il vient juste d’avoir 19 ans quand Joihann Abstein décide de quitter son pays natal pour s’engager à la Légion étrangère. Attiré par le métier des armes, il se présente au poste de recrutement de Marseille en 1950, où il signe son premier contrat de cinq ans.
Débarqué à Oran Algérie au mois de mai, il est dirigé sur le 1er Étranger pour recevoir la formation de base du légionnaire. Volontaire, il est muté au 3ème Bataillon étranger de parachutiste à Sétif, il réussit avec aisance son stage para et rejoint la 19 ème compagnie. Il se fait déjà remarquer par son esprit militaire et sa manière de servir. Il ne tarde pas à être récompensé par le galon de caporal à un ans de service.
Abstein rêve de voyages, en mars 1951 à bord du Pasteur qui le débarque à Saigon pour rejoindre aussitôt le 2ème Bataillon étranger de parachutistes, Dès son arrivée il participe à toutes les opérations assignés à son unité : embuscades, patrouilles, reconnaissances qui donneront, à ce jeune caporal, un sang froid et un courage remarquable.
Le 24 février 1952, il se distingue particulièrement à Suc Sich route colonial 6 au Tonkin où il maintient son groupe sur sa position en dépit des attaques et des tirs rebelles, il entraîne ses hommes à l’assaut en allant jusqu’au corps à corps, a causé des pertes sévères à l’adversaire et récupéré des armes. Il est cité à l’ordre de la Brigade et la croix de guerre des théâtres d’opérations extérieurs avec étoile de bronze lui ait décernée.
Le 30 avril on fête « Camerone ». Ce jeune caporal est présent à la cérémonie qui qui a lieu près du poste de Nghi-Nuyen, le chef d’escadron Raffalli commandant le 2ème BEP , décelant sa valeur de guerrier le nomme caporal-chef et lui confie le commandement d’une groupe de combat, il a moins de deux ans de service. La journée est bien réussie mais la nuit pour fêter son nouveau galon deux coups de mortier tombent pas loin de lui.
Lors du combat de Du Xa au Tonkin le 3 mai, il est chargé à la tête de son groupe de combat d’une reconnaissance profonde en zone rebelle. Il pénètre au plus près du dispositif vietming et obtient des renseignements permettant d’infliger des pertes à l’ennemi. Le 18 juillet à Trai Mau Thu, il tombe dans une embuscade de nuit. Malgré la pression adverse il parvient à maîtriser la situation, tuant plusieurs ennemis et faisant deux prisonniers. De nouveau il est cité à l’ordre de la brigade et reçoit une nouvelle étoile de bronze.
En avril 1953, avec son équipe de voltige dans la Plaine de Jarres, il est pris à partie par des ennemis camouflés et retranchés dans un ravin. Il manœuvré son équipe et neutralise les rebelles fortement armés. Il est cité à l’ordre de la division et une étoile d’argent lui est à nouveau décerné.
Son périple indochinois se termine en avril 1954, arrivée à Sidi-bel-Abbès, il profite de ses congés de fin de campagne.
Fin 1954, le caporal-chef Abstein rejoint le 3ème BEP, unité employée au maintient de l’ordre et basé à Sétif, qui devient le 2ème REP le 1er décembre 1955. Pour Abstein cette date restera toujours dans ses souvenirs. Non seulement il fait partie d’une nouvelle unité parachutistes mais il entre dans le dans le corps des sous-officiers Légion avec le grade de sergent, donc les meilleures finiront avec l’appellation « de maréchal de la Légion ».
Il acquière la nationalité française par décret cette année.
En octobre 1956, au Koudiat el Marj, il accroche une bande de rebelle, lance ses voltigeurs à l’attaque et contraint à la fuite en laissant 3 morts et leurs armes sur le terrain. Le 22 décembre 1956 secteur de Tebessa, s’est encore distingué en en menant ses voltigeurs au cours de plusieurs assauts successifs qui ont permis d’abattre une vingtaine de rebelles en uniforme et de récupérer une importante quantité d’armes de guerre. A abattu personnellement plusieurs rebelles. A été pour ses hommes un magnifique exemple. Ces citations du ministre de la Défense comportent l’attribution de la valeur militaire avec palme.
Le mois suivant il rentre en métropole pour décrocher brillamment à Pau le brevet de moniteur parachutiste.
Inscrit au tableau d’avancement au grade de sergent-chef en février 1959.
Il est à nouveau cités à trois reprises et lui sont décernés la Légion d’honneur, la Médaille Militaire avec deux palmes et une étoile de vermeil.
Sa 8ème et dernière citation est celle-ci : « magnifique chef de section de Légion dont les actions d’éclats ne se comptent plus. Vient à nouveau de faire la preuve de ses belles qualités guerrières le 4 juillet 1960 lors de l’engagement dans le secteur de Djidjelli. Ayant aperçu un fort parti de rebelles à plus d’un kilomètre de sa position , il entraînait sa section à leur poursuite, parvenant à leur interdire un axe de fuite par le feu de ses mitrailleuses judicieusement placées. Reprenant sa progression il lançait sa section à l’assaut, et ne tarder pas à bousculer une première résistance en dépit d’un feu nourri. Dans la foulée, il entraînait sa section à la poursuite des fuyards, après en avoir abattu un au pistolet, il tombait frappé par balle. Sérieusement blessé il remettait sa section en ordre et ne se faisait évacuer qu’ensuite. Son action se solde par la mise hors de combat d’un groupe rebelle et la saisie d’un fusil-mitrailleur et de sept fusils de guerre. »
Promu adjudant en octobre 1963, il se consacre à la préparation des brevets du 2ème degré, son épopée parachutiste s’achève en 1967 lorsqu’il est affecté au 1er Étranger, mais c’est une carrière bien remplie car il quittera les rangs « para » avec le grade d’adjudant-chef, promotion qui lui avait été attribuée le 1er juillet1967.
Fin 1968, l’adjudant-chef Abstein s’envole vers le Territoire Français des Afars et des Issas (actuellement République de Djibouti), il est rapatrié à l’issue de son séjour de trois ans sur Aubagne.
Affecté en septembre 1975 au 5ème Régiment mixte du Pacifique à Papette, il donnera pleine satisfaction dans sa fonction de chef de poste périphérique sur une petite île paradisiaque.
En janvier 1978, il retrouve le 1er Étranger à Aubagne, régiment où il entame sa préparation de retour à la vie civile, il est rayé des contrôles le 9 mars 1979, clôturant ainsi une carrière de 28 ans et demi de service à la Légion étrangère.
Oui, Abstein était un guerrier !
Il se retire avec sa famille sur Carnoux en Provence où sa famille était déjà installée et débute un nouveau parcours professionnelle au sein des services de la commune, il est apprécié de tous par sa prestance et son esprit de camaraderie ainsi que pour ses compétences professionnelles.
Comme jeune ancien, je souhaite vous remercier, mon adjudant-chef, pour votre attention, votre considération, vos conseils ainsi que pour la confiance que vous m’avez accordé dans mon rôle de chef d’équipe des anciens d’Aubagne. J’ai le souvenir de nos échanges, les matins de bonne heure autour d’un café au bar-tabac sur la place de Carnoux où je n’ai jamais payé nos cafés, oùencore dans le super marché lorsque je vous proposai mon aide pour vous laissez passer à la caisse ou à charger vos courses dans votre fameuse Peugeot 106 ! vous me disiez d’une voix d’adjudant de compagnie « je vous en prie mon capitaine » et lors de votre accolade de départ vous profitiez pour me glisser un billet dans l’une de mes poches : « c’est pour la rénovation du carré et de notre caveau ou pour les danseuses de la veillée de Noël des anciens à Puyloubier ». Vos encouragements : "en avant mon capitaine, vous êtes dans le vrai", vont me manquer.
L’adjudant-chef Johann Abstein a servi au 1er RE / 3ème BEP / 2ème BEP /
2ème REP / 13ème DBLE / 5ème RMP.
Il a fait campagnes : en Indochine / Algérie / Territoire Français des Afars et des Issas.
Ses décorations : Commandeur de la Légion d’honneur, Officier de l’ordre national du mérité, Médaille Militaire, Croix de guerre des théâtres des opérations
Extérieurs avec deux citations à l’ordre de la brigade -1 citation à l’ordre de la division, Croix de la valeur militaire avec 3 citations à l’ordre de l’armée – 1 citation à l’ordre du corps d’armée – 1 citation à l’ordre de la brigade, 2 palmes et 6 étoiles.
Accompagnateur du porteur de la main lors de la commémoration du combat de Camerone au quartier Vienot en 1999.
Je vous présente au nom des anciens de la légion à vous , Betty, Anne-Marie, Élisabeth , Clément et Perle toute notre affectueuse compassion et nos condoléances fraternelles, votre famille Légion est au 24 rue de la fraternité à Aubagne, vous êtes chez vous.
Adjudant-chef Johann Abstein, que Saint Antoine et Saint Michel vous guide vers votre épouse Mauricette et vos camarades Légionnaires, reposez en paix.
Je termine par la lecture du message que j’ai reçu ce matin :
« Mon Capitaine, Président, Chers amis de l’AALE d’Aubagne et sa région,
Encore un grand Ancien,
un valeureux combattant, un des maréchaux de la Légion, un accompagnateur au porteur, qui nous quitte trop tôt après avoir mené une vie de campagne.
Je salue la mémoire de ce légionnaire et de ce sous-officier, commandeur de la Légion d’honneur, qui vient d’entrer au Panthéon des sous-officiers et des héros dont notre nation doit s’enorgueillir. Je me plais à le dire, désormais il entre dans immortalité de la Légion qui lui rendra un éternel hommage.
Je vous prie de présenter à Betty, Anne-Marie et Élisabeth mes plus vives condoléances et leur dire que je regrette de ne pas pouvoir être présent pour le dernier Adieu à notre frère d’armes compte tenu de mes activités.
En revanche, le 1er Etranger sera bien là pour accompagner notre Ancien au paradis des Héros.
Bien à vous . Fidèlement »
Général Cyrille Youchtchenko, Commandant la Légion étrangère.