Quand je décide de partager le feuilletage de mes souvenirs, c'est dans l'espoir égoïste, peut-être vain, d'en respirer le parfum fané en remontant ce qui a imprimer quelque part, au fond de ma mémoire une marque indélébile. C'est disait Bernard Clavel: "la récompense de l'esprit tranquille et heureux que de pouvoir évoquer les instats passés de son existence. Mais l'âme des besogneux est incapable de regarder en arrière. Leur vie a, pour ainsi dire, disparu dans les profondeurs.
Ce ne saurait être le cas des légionnaires !
Je n'espère pas arriver à une sagesse parfaite mais à l'heure où j'entrouve bien volontièrement la porte de mes souvenirs légionnaires, je me force à avoir assez de forces pour pouvoir faire en sorte que mon esprit tourmenté d'inquiétudes puisse trouver une stabilité proche d'un repos bien mérité. Je creuse au fond de mes souvenirs à la recherche d'une forme de fortune qui, je sais, ne sera jamais une vraie richesse... En fait, avec les écrits, je découvrais que je prenais pour de la pauvreté une immense richesse infiniment précieuse au point, aujourd'hui, d'éprouver le besoin de retouver pour partager.
Le plus difficile dans cet exercice d'écriture est de museler mon imagination. Dans le jardin de mes souvenirs, j'ai en cueillant quelques fleurs au parfum de jadis, d'éviter les ronces qui risquent d'en ternir le frêle éclat. Mille et une excuses de vous imposer ce genre de lecture, comme je le précisais à mon camarade qui se chargera très bientôt de ce site/FSALE: "Je tente avec les moyens du bord à être attractif au delà de l'actualité qui s'impose à nous..."
Je me souviens avoir lu dans un coin de terre qui pourrait être le bout du monde, que l’effet d’un événement inexpliqué pouvait se produire. J’ai découvert ce phénomène lors de mon séjour à Mururoa, alors que je naviguais sur les eaux du lagon à bord d’une vedette rapide baptisée « Te Nu Pae » qui veut dire en langue tahitienne « Le grand 5 », du surnom du 5ème Régiment Etranger. En fait, je regardais la rive qui défilait doucement devant nos yeux en attendant de franchir la passe et nous retrouver en plein océan à pêcher au gros.
Une cocoteraie allongée sur la ligne d’horizon attira mon attention, j’avais l’impression d’être devant un des paysages qui ont marqué mon enfance. J’étais sur la plage à Dunkerque et curieusement rien dans le décor ne pouvait me faire changer d’avis, j’étais bien en présence d’un endroit familier. Pourtant, les deux lieux se trouvaient exactement aux antipodes l’un de l’autre, à la fois éloignés et très proches, mais absolument identiques. C’était comme si je me penchais sur un puits où l’autre côté des choses pouvait se voir, je me trouvais tel un physicien qui montre une ombre dans l’eau d’un puits à un de ses amis et lui demande « Est-ce par là ce que tu appelles les antipodes ? ».
Il se confirme alors que les arbres croissent la tête en bas et que les habitants à la verticale en-dessous de soi ont aussi la tête en bas… il est troublant que notre imagination s’exerce en rapprochant par raccourci le plus éloigné du plus proche. D’autres diraient que c’est ce qui fait la force de l’homo-sapiens sur tous les autres animaux de la Terre, cette capacité de créer une « réalité » imaginaire à partir de mots…
Nous savons qu’au-delà de l’horizon, il existe un autre horizon, il n’y a plus de taches blanches inexplorées sur les cartes de la planète. Sur nos écrans, le monde arrive en direct dans nos salons. A quoi bon aller voir ailleurs, puisque cet ailleurs est déjà chez nous, ainsi que le dit si bien Harry Martinson dans son poème “Retour”:
“L’errant qui entre de la route
Sait qu’il n’a plus rien à raconter.
Tout est déjà connu Par les appareils
Nouveaux qui Atteignent tous et chacun.
De sa vie en terres étrangères Il sait qu’il n’a
rien à raconter Qui n’a pas déjà été dit Mieux par
Les appareils nouveaux qui Arrivent toujours premiers
Il erre dans un monde où les rumeurs Ne sont plus portées
par des hommes vivants.Il rencontre un paysan qui a déjà tout
entendu D’une boîte qui peut capter des voix lointaines Et recevoir
leurs conversations. Alors il prend un air sérieux Et demande un verre
d’eau. En buvant par petites gorgées, il dit: En ce moment, je bois un vin
qui vient d’être tiré D’un tonneau dans une ferme à côté de Funchal.
Et il montre un bout de pain sorti de son sac, mord Et dit: ici, je
mange un morceau de pain Que me tend une femme en Inde.
La différence est que moi je porte mon imagination avec
Moi, alors que la vôtre vous est envoyée des pays
Lointains.”
Et de reprendre le livre admirable de Gilles Lapouge, « Besoin de mirages » où il écrit: « Gloire et gratitude aux écrivains voyageurs! Ils sont les magiciens de la fin du voyage, les grands couturiers de la mort des choses. Ils nous fabriquent des lointains aujourd’hui, alors qu’il n’y a plus de lointain, mais seulement du proche. »
Il n'est pas interdit de rêver...
CM