Le sergent
Origine sémantique
Sergent ou cergans, ou cergens suivant Borel (Pierre)[1], serjens, siergeant suivant Roquefort, servait, ou enfin servient.
Le mot sergent, tout comme d’autres, analogues, maintenant inusités, ont produit sergenterie[2], et ses synonymes ont eu des significations fort variées ; aussi n’est-on pas d’accord sur leur étymologie, parce que les uns l’ont recherchée en envisageant le terme comme employé dans un langage juridique[3], d’autres en le considérant comme uniquement militaire.
Nous ne débattrons pas des diverses versions et de leurs argumentations, car ce n’est pas notre propos et ce serait bien trop long. Les amoureux du juste langage pourront à souhait trouver des éléments dans le Dictionnaire de l’armée - volume 16, du général Bardin Etienne-Alexandre de 1851, afin de savoir si la racine est allemande, romaine, anglaise, espagnole, etc.
Fâuchet argumente plus justement, en avançant que sergent, sous quelque acception qu’on l’admette, vient du latin serviens, homme qui sert, ou soldat, primitivement traduit par servient, sergient, et signifiant vaguement, d’abord, employé ou garnisaire[4], ou serviteur, à n’importe quel titre. Voilà pourquoi, dans le besoin de caractériser les sergents militaires, on les appela d’abord sergients d’armes ; voilà aussi pourquoi Borel (Pierre) prend comme synonymes sergent, ou bien encore saudoyer et soudoyer qui, en vieux français désignent celui qui touche une solde, un soldat ou un mercenaire.
Avant la création de la langue française, on appelait serviens ou serviettes, les suivants des chevaliers, ceux qui portaient leurs armes, gardaient leurs chevaux. C’étaient des serviteurs à demi militaires et à demi anoblis. Matthieu Paris range dans la même catégorie les écuyers (armigeri) et les sergents (serviettes) des compagnies d’ordonnance.
Sergent d'armes - XIIIe siècle
Sergent du régiment de champagne - 1676
Ces derniers formaient une catégorie ou un genre d’armes particulier. Ainsi, un auteur[5] du XIIe siècle parle d’une garde de camp composée de vingt chevaliers et de cinquante sergents.
Malgré ce que relatent plusieurs sources, il n’y avait réellement ni sergents ni sergents d’armes, en 768, puisque la langue française n’existait pas. Il y avait des serviettes, c’est-à- dire des hommes faisant un Service militaire[6], des serviettes armorum, c’est-à-dire des cavaliers nobles armés de toutes pièces. Mais au-delà du terme la fonction, elle, existait bien.
Le terme de sergent a été décliné dans une proportion assez impressionnante. J’ai relevé soixante appellations[7] différentes et cela rien que dans les unités françaises des armées de nos rois et empereurs.
Chaque appellation correspondait en fait à une fonction bien précise comme, par exemple, le sergent de bataille, le sergent de grenadiers ou le sergent d’ordonnance.
Historique.
La hiérarchie militaire, telle que nous l’entendons de nos jours, était pratiquement inexistante au Moyen Âge. Le roi était politiquement le chef suprême de son armée et déléguait son commandement militaire au connétable. Pour le reste, les commandements s’exerçaient, selon la puissance et la richesse des seigneurs.
La seule chose dont on puisse parler dans cette période du Moyen Âge est le statut des dizainiers[8]. Ces dizainiers étaient des hommes de troupe, commandant dix hommes, sous le commandement d’un cinquantenier, etc. Dans plusieurs écrits, ils apparaissent comme les tout premiers bas-officiers (sous-officiers). Nous les garderons en tant que tels, bien qu’ils ne soient apparemment choisis que sur des critères d’aptitude au commandement, sans aucune forme de formation ou instruction.
On ne rapporte la création des sergents d’armes, comme corps organisé, qu’à compter de l’an 1191. En 1198, les sergents d’armes s’appelaient huissiers-sergents, et remplacèrent les anciens ostiarii (portiers royaux), ou du moins, ils furent chargés de la garde des portes intérieures des palais royaux.
Au XIIIe siècle apparurent dans les écrits les premiers sergents. En cas d’urgence, les milices urbaines peuvent fournir huit mille cinquante-quatre sergents et les contingents féodaux huit cents chevaliers. Durant son règne, Philippe le Bel impose au peuple d’entretenir et d’équiper correctement « six sergents de pieds », dont deux arbalétriers pour cent feux (cent foyers). Les sergents d’armes sont des cavaliers faisant partie de l’élite guerrière, juste sous les chevaliers et les écuyers. Leurs équipements sont parfois si proches qu’on peut les confondre. Les sergents, quant à eux, sont en fait des fantassins. On distingue trois types de sergents ou de sergents d’armes : les miliciens, regroupés dans les corporations des villes, qui sont principalement des artisans, combattants occasionnels assignés au guet en temps normal, les sergents servant un seigneur qui
leur verse une solde (d’où le terme de soldats), les mercenaires, soldats d’élite peu scrupuleux.
En définitive, ces sergents sont la troupe elle-même à disposition du roi et ne sont pas assimilables aux sous-officiers comme nous l’entendons aujourd’hui. en revanche, devant être instruits, équipés et entraînés, ils formaient un socle aguerri.
Il en est de même du corps des sergents d’armes qui, depuis Philippe-Auguste jusqu’à Charles VII, était une troupe plus particulièrement attachée à la protection du roi.
Sergent d’armes du roi - 1230 à 1330
Sergent des fusiliers-grenadiers de la garde – 1809
Le titre de sergent de bataille est créé en 1515, sous le règne de François Ier[9]. Dans les armées étrangères, on trouve à cette époque des sergents généraux de bataille, mais ce sont des officiers équivalents aux maréchaux de camp français.
Dans une des ordonnances de François 1er pour les légions, leurs fonctions étaient bien moindres qu’elles ne le furent par la suite, car ils devaient être six dans une escouade de cent hommes, et, par leur paye, il est évident qu’ils n’étaient que des sergents de bandes. Ce sont là les premières fonctions
au sein de troupes françaises que l’on peut rapprocher des sous-officiers d’aujourd’hui. François Ier créa en 1534 six légions locales[10] de six mille hommes chacune. Chaque légion est divisée en six compagnies de mille hommes chacune commandée par un capitaine, assisté de deux lieutenants. Pour ce qui est des sous-officiers, il y avait également deux enseignes[11], quatre fourriers[12] et six sergents de bataille.
En 1635, les ordonnances fixent dans les armées de Louis XIII le nombre de caporaux (trois) et de sergents (deux) par compagnie. Le caporal a un rôle important au combat, car il est parmi les hommes les plus expérimentés pour montrer l’exemple du courage et de la compétence. Le sergent est plutôt l’homme du capitaine, qui le nomme parmi ses fidèles lorsqu’il achète sa compagnie. Il tient ses comptes et lors des quartiers d’hiver, de novembre à mars, il assure la permanence du commandement lorsque les officiers, nobles pour la plupart, retournent à la cour ou sur leurs terres. Il peut également être désigné comme semestrier pour recruter. Au combat, il veille, sur les ailes ou sur l’arrière, à assurer la cohésion des bataillons et à annihiler toute velléité de désertion.
Les sergents de bataille furent supprimés en 1668. Peu avant, en 1578, une nouvelle fonction est inaugurée au sein des compagnies d’ordonnance, celle d’exempt. Au fil du temps, cette fonction devenait le grade le plus élevé chez les sous-officiers de l’armée. L’exempt se plaçait hiérarchiquement entre l’enseigne et maréchal des logis (troupes montées) ou sergent (troupes à pied).
En France, au début du XVIIIe siècle, sous l’Ancien Régime, la place des bas-officiers est très réduite au sein des unités de l’armée de Terre. Les sergents sont les principaux bas-officiers. Ils secondaient les officiers dans l’encadrement quotidien de la troupe. le sergent est alors issu du rang et choisi parmi tous les gradés du régiment. Cette exigence marque la volonté de sélectionner les meilleurs, sans considération d’âge. La réalité est parfois autre : le vieillissement des sergents, qui
se remarque surtout lors de la période 1733-1745, est la conséquence de trop nombreuses nominations à l’ancienneté, signe manifeste des difficultés de recrutement.
Contrairement aux officiers, la notion de carrière n’existe pas puisque, le grade de sergent atteint, il n’y a pratiquement plus d’avancement. Certes, le sergent est payé douze sols par jour, soit deux fois plus que le soldat et son niveau de vie se situe entre celui de l’artisan (seize sols) et de l’ouvrier (neuf sols). Ses conditions de vie sont souvent celles de la troupe et sa seule compensation[13] est la possibilité de finir ses jours aux Invalides.
En 1760, le bas-officier est donc un rouage essentiel dont l’exigence de qualité est reconnue. Si le taux d’encadrement est bon, les charges sont lourdes. Le sergent a, en particulier, quelque peine à faire respecter les ordres souvent contradictoires du major et du capitaine. Une réforme s’impose.
Dans la première moitié du XVIIIe siècle, le choix des bas-officiers était laissé à l’arbitraire des capitaines et du colonel. Le ministre Choiseul, par une innovation étonnante pour l’époque, se détermina à appliquer les formes électives à la nomination des sous-officiers. En vertu de ces écrits, les plus anciens bas-officiers dans le grade desquels une vacance était survenue s’assemblaient pour
procéder au choix de trois candidats. Ainsi lorsqu’il y a vacance d’une place de sergent, les douze plus anciens sergents du régiment, ainsi que les porte-drapeaux, proposent au choix du colonel les trois caporaux les plus aptes sans tenir compte de l’ancienneté. Les électeurs de premier degré dressaient en conséquence une proposition qu’ils soumettaient au major et aux capitaines. Ces officiers faisaient, sur ces choix, un rapport au commandant du régiment qui nommait définitivement. Mais ce système de promotion convint mal aux colonels et ne fut pas appliqué dans les faits.
Dans le même temps, toujours en 1762, une véritable politique de recrutement est inscrite dans les ordonnances des 10 et 22 décembre. Pour être sergent, outre savoir lire et écrire, il faut avoir le talent de se faire obéir. Le sergent commande une division (douze hommes). Cette organisation fonctionnelle s’accompagne de la création du poste de sergent-fourrier qui s’occupe des écritures et d’administration.
Au fil du temps, le sergent, anciennement officier sous les ordres d’un capitaine, qui lui aussi avait un rôle plus important que de nos jours, son nombre devenant croissant et ses fonctions moindres devint un bas-officier, puis, après la Révolution, un sous-officier.
Un peu plus de trois ans après le début de la Révolution, un décret en 1793, exagérait le système de l’élection dans le cadre de l’avancement interne du corps des sous-officiers et interdisait, pour ainsi dire, aux porteurs d’épaulettes (les officiers) la faculté d’y intervenir. Tout était assez vague, en fait de promotions de sous-officiers, lorsque le décret du 2 août 1811 détermina quels devaient être l’ancienneté de service et le nombre des années de grade du sujet susceptible d’être promu. Le grade de sergent ne devait plus être obtenu avant l’âge de 20 ans révolus. Mais, à bien des égards, une pareille mesure était souvent impossible à appliquer.
Une ordonnance, celle du du 2 août 1818 qui régit encore les règles de l’avancement alors que la Légion est créée en 1831 dit à propos des sergents :
« Titre II – Des caporaux et des sous-officiers :
Alinéa 10 : les sergents et maréchaux des logis seront tirés de la classe des caporaux et brigadiers fourriers, …
Alinéa 11 :… Pour être nommé sergent ou maréchal des logis, il faudra ; 1° être âgé de 21 ans révolus ; 2° avoir servi activement dans un corps de troupes réglées, deux ans au moins, dont six mois en qualité de caporal ou de brigadier ; 3° savoir lire et écrire ; 4° être en état d’instruire les recrues ; 5° être en état de commander un peloton ; 6° connaître suffisamment le service intérieur de police et de discipline, le service des places et celui de campagne, en ce qui concerne les fonctions de sous-officier…
Alinéa 12 : Le capitaine commandant la compagnie ou escadron fera au chef de bataillon ou chef d’escadron un rapport par écrit, dans lequel il désignera,… ; 2° les cinq sujets qui, parmi les caporaux ou brigadiers, sont, par leur moralité et leur instruction, susceptibles de remplir l’emploi de fourrier et d’être élevés au grade de sergent ou de maréchal des logis ;
Sergent de fusiliers
Régiment étranger – 1863-1867
Sergent du RMLE - 1919
Le même texte, dans le chapitre II, article 3, définie la composition de la Légion comme suit pour ce qui concerne les sergents :
« Au niveau du petit état-major, on retrouvera parmi les treize sous-officiers :
– un maître d’escrime (adjudant ou sergent),
– un chef armurier (en général du grade de sergent),
– quatre sergents[14].
Pour chacune des seize compagnies formant les quatre bataillons, on retrouvera au sein des sous-officiers :
– six sergents,
– un sergent-fourrier.
En 1838, une nouvelle ordonnance était édictée, mais elle ne faisait que préciser un peu plus les différents critères dans le cadre de l’avancement sans grand changement notable. Elle apportait également des précisions intéressantes sur l’instruction requise pour pouvoir prétendre à un avancement. « Pour être nommé sergent ou sergent-fourrier, 1° Être en état de démontrer en entier l’école du soldat ; 2° Connaître théoriquement l’école de peloton, et être à même de remplir les fonctions de guide dans toutes les manœuvres de ligne et de tirailleurs. »
Pour la Légion étrangère, quelques spécificités sont apportées en ces termes ;
« 198. L’avancement au grade de caporal et aux emplois du grade de sous-officier roule[15] dans chaque portion de corps qui se trouve réunie sur un même point, quel que soit le nombre des bataillons dont cette portion est composée. Les détachements moindres d’un bataillon concourent avec le bataillon auquel ils appartiennent, quelle que soit leur position respective.
Pour s’assurer les services d’un corps de professionnels appelé à servir sa diplomatie expansionniste, Napoléon III améliore les conditions de vie et de retraite des sous-officiers. La solde journalière du sergent passe de 1,07 F. à 1,43 F. qui dépasse alors légèrement celle de l’ouvrier parisien. Cela conduit à un allongement des services et à un vieillissement du corps qui atteint 32 ans de moyenne d’âge en 1866.
Dans le bataillon où sert Charles des Écorres, dont on connaît la véracité des écrits, nous apporte des précisions sur l’état du corps de sous-officiers, mais aussi sur son mode de vie avant 1881. Il décrit également dans son livre, Au pays des étapes, son récent poste de sergent-fourrier comme un véritable travail de bénédictin, qu’il cherche d’ailleurs à permuter avec un autre sergent : « J’ai tellement aligné de chiffres, écrit d’ordres et de rapports depuis six mois, que je jure de ne plus prendre une plume quand je serai sergent. » Ces sergents-fourriers avaient un rôle très important au sein des compagnies, comptables
des hommes des matériels et du numéraire, ils secondaient le capitaine dans bien des tâches.
Les cassations sont monnaie courante. Dans les registres matriculaires, c’est indéniable. Certains de nos devanciers yoyottaient entre promotions, rétrogradations et cassations. Dans ces époques anciennes, les conseils d’enquête étaient très courants et en grande majorité assez expéditifs. Seuls les titulaires de la Médaille militaire ou de la Légion d’honneur bénéficient d’une toute relative complaisance dans l’étude de leur cas. Cependant, ces sanctions disciplinaires ne sont pas un coup d’arrêt aux carrières, car le droit de rebondir est bien réel et un grand nombre retrouveront leur grade ; cela parfois assez rapidement.
Regardons, pour illustrer ce propos, le parcours du sergent Plessis, matricule 1, à la création du Deuxième régiment de la Légion étrangère.
Le sergent Jean-Xavier Plessis est affecté au 2e Régiment étranger le 1er avril 1841 lors de sa création et en prend le premier matricule. Sa carrière est le reflet de ce dont nous venons d’évoquer :
- Engagé à la Légion étrangère le 28 janvier 1836 et arrivé au corps (1er RE) le 21 mars 1836,
- Caporal le même jour, le 21 mars 1836.
- Sergent quatre mois plus tard, le 11 juillet 1836.
- Sergent major le mois suivant, le 11 août 1836.
- Remis fusilier (cassé simple légionnaire), le 10 octobre 1836. Condamné par le deuxième conseil de guerre permanent du corps d’occupation d’Afrique, à trois ans de travaux publics pour désertion à l’intérieur, le 14 mars 1838. Gracié par Ordonnance royale du 9 août 1840.
- Sorti de prison et rentré au corps (1er RE), le 29 septembre 1840.
- Caporal le 21 février 1841.
- Sergent-fourrier le 22 février 1841.
- Passé au Deuxième régiment de la Légion étrangère, le 1er avril 1841.
- Sergent le 26 octobre 1841.
- Remis fusilier le 21 novembre 1842.
- Mort accidentellement à la chambre le 24 mai 1843.
Après le premier conflit mondial le manque de cadres est si important au sein des armées que jusqu’en 1928, les chefs de corps ne sont pas enthousiastes ; ils accusent l’augmentation des effectifs, la nécessité de les encadrer et la qualité médiocre des jeunes sous-officiers, surtout des sergents. Le déficit d’encadrement est si prégnant que l’on nomme sergents tous ceux qui paraissent capables de l’être.
Malgré cela les sous-officiers de Légion sont souvent admirés par leurs hommes et en premier lieu les sergents qui sont en contact permanent avec la troupe. De nombreux récits nous vantent leurs qualités, parfois leur rudesse, mais ce n’est pas le trait de caractère qui prévaut, loin de là. En revanche, les témoignages sont unanimes, ils commandent réellement. Un légionnaire en 1925 décrit les sergents ainsi : « Ce ne sont pas des êtres insignifiants et qui ne détiennent qu’une parcelle
d’autorité. Leur prestige, leur pouvoir en font presque des officiers. Ils portent des galons d’or, vivent en dehors de la troupe, ont leur mess, leurs cuisiniers, leurs garçons de table, leur état-major. Chacun d’eux a son ordonnance et tout est calculé pour rehausser leur prestige. Aussi commandent-ils réellement. Base et ciment de la Légion, ils font preuve d’un dévouement inlassable, à l’exercice comme au combat. Fiers de leur rôle, ils maintiennent le culte des traditions et forment l’amalgame des régiments. »
Sergent Gustave Chuvetz
Mdl Schleider – 1960 – 2e REC
L’étude des archives permet d’établir des profils de carrière type autour des années trente : « Sergent au plus tôt vers deux ans de service, c’est-à-dire, en moyenne, vers 27 ans, il a une chance sur trois ou quatre, de devenir sergent-chef vers dix ans de service, une sur six ou sept, d’atteindre le grade d’adjudant vers dix-huit ans de service. »
En 1937 le taux de pension annuel d’un sergent était situé dans les fourchettes suivantes :
Grade |
Après quinze ans |
Après vingt-cinq ans |
Sergent |
5 500 – 6 300 F. |
7 600 – 7 800 F. |
Un sergent avait donc une pension mensuelle d’environ 525 F. à quinze ans et d’environ 650 F. à vingt-cinq ans. Pour avoir des éléments de comparaison, un ouvrier métallurgiste parisien gagnait en moyenne en 1937, 1 125 F. et un manœuvre en province 610 F.
Dans un manuel militaire traitant de l’instruction, édité en 1940, celle des cadres est jugée comme primordiale et la valeur des unités mobilisées dépendante de la qualité morale et professionnelle de l’encadrement.
La formation des cadres non-officiers se compose tout d’abord d’une instruction militaire de formation dans certains organes spéciaux et dans les pelotons d’élèves gradés. Par la suite, ils reçoivent une instruction militaire, dite d’entretien et de perfectionnement, essentiellement pratique à l’intérieur des unités et, pour certains en fonction de leur spécialité, une partie plus théorique dans des centres, stages ou autres moyens.
Il est alors défini que le sous-officier d’infanterie doit ; être rompu à la pratique du commandement de l’unité correspondant à son grade ; pouvoir participer à l’instruction de cette unité, et notamment mener l’instruction technique des recrues ; être capable, au combat, de commander l’unité supérieure. Le spécialiste, quant à lui, doit pouvoir remplir, dans son service, les fonctions du grade supérieur.
Dans les textes règlementaires, il est également prévu que chaque corps de troupe organise annuellement un peloton II, destiné à former les sergents d’active à nommer dans l’année. Ce peloton, dont le commandement est assuré par un officier (jusqu’au grade de capitaine en fonction de l’effectif des élèves) est toujours régimentaire et d’une durée minimale de deux mois.
Le sous-officier de 1945 ressemble beaucoup à celui de 1939. Son expérience de la guerre moderne est plus vaste, pour avoir été confronté à de nouveaux théâtres, à de nouveaux modes d’engagements. Les meilleurs sergents de 1939 ont eu le temps de devenir adjudants en 1945.
L’Indochine et sa folie meurtrière va souvent propulser de jeunes sergents à des postes de responsabilités plus importants en vacance. J’illustrerai ce propos en prenant pour exemple l la 6e compagnie du 2e BEP qui en octobre 1952 avait deux sergents comme chefs de section. A la Légion, l’instruction est donc principalement axée sur de solides connaissances théoriques et techniques, le commandement ainsi que sur la communication opérationnelle et les moyens de celle-ci. L’apprentissage ou le perfectionnement du français est non moins important. La mise en pratique est tout aussi poussée avec des exercices et des mises en situation nombreuses. Tactique, lecture du terrain, placement des pièces d’appui, manœuvre du groupe de combat, etc.
Néanmoins le plus important est ailleurs. Pour un sergent, être un bon technicien et un bon tacticien est certes indispensable, mais il doit surtout être un bon décisionnaire.
Avec la prolongation du conflit la situation change, L’encadrement d’alors de la Légion n’est plus ce qu’il avait été autrefois, qualitativement comme quantitativement », écrit le colonel Vallider[16], le 15 mars 1951. « Des sous-officiers hâtivement nommés, sans formation véritable, des officiers
n’ayant jamais servi à la Légion et non volontaires pour y servir… ». Le problème, en Indochine, est tout simplement qu’il n’y a pas assez de sous-officiers pour satisfaire la demande. Il tient en partie au même déficit, aussi grave, en officiers qui oblige à affecter des sous-officiers dans leurs emplois.
En 1955, au sein de la CIC, la formation des sous-officiers se décomposait en plusieurs stages : Le PEG2 était le premier d’entre eux pour accéder au corps de sous-officiers et donc au galon de sergent. Ce stage permettait aux caporaux et caporaux-chefs d’acquérir les rudiments des connaissances techniques, mais également d’instruction générale, qui leur permettront ensuite d’exercer correctement leur fonction de chef de groupe. Outre ces connaissances militaires et générales, il y avait aussi un volet de formation ou plutôt de préparation intellectuelle à ce que j’appellerai l’esprit sous-officier. Initiation aux usages du corps des sous-officiers, règles de popote, savoir-être, etc. C’était bien évidemment une composante importante de la formation, même si elle se traduisait rarement par des notes, mais acquérir cet esprit était le sauf-conduit pour une intégration réussie au sein du corps des sous-officiers.
Couverture KB N°602-juillet 1999
© AALME
Un nouveau mode de recrutement « rang » pour le corps des sous-officiers a été défini en 2011. Il visait à promouvoir sous-officiers, donc sergents, les meilleurs caporaux-chefs en capitalisant sur
leurs qualités de leurs expériences opérationnelles. Ce recrutement
était limité en volume[17] dans la mesure où il offrait une durée de services en qualité de sous-officier plus courte que celle des recrutements direct ou semi-direct. Ainsi, sous réserve de remplir les conditions d’inscription au BSTAT[18] et de son obtention, les perspectives optimales pour les meilleurs d’entre eux au sein de la Légion étrangère, allaient jusqu’à la promotion au grade d’adjudant.
Pour faire simple, les candidats sélectionnés pour cet avancement rang, devaient être capables d’assumer toutes les fonctions du sergent qu’il devenait, dès le jour de leur promotion, sans qu’il y ait besoin, au préalable, d’effectuer une formation technique.
La Légion étrangère a mis en place pour les caporaux- chefs sélectionnés, un stage d’acculturation sous-officier, d’une quinzaine de jours au sein du 4e RE de Castelnaudary. L’objectif de cette formation est de leur donner tous les outils, mais également toutes les informations utiles quant au
comportement, aux usages, à l’état d’esprit et au savoir-être au sein du corps des sous-officiers. À l’issue, ils sont ornés lors d’une cérémonie de leurs nouvelles épaulettes de sergent et rentrent dans leurs unités d’origine dans leur toute nouvelle condition de sous-officier.
La seconde décennie de ce siècle voit d’autres bouleversements importants survenir au sein de l’armée de Terre dans les domaines de cursus et de formation. Après la refonte des parcours d’accession au statut officier pour les sous-officiers et militaires du rang, c’est le cursus de formation
des sous-officiers qui est rénové avec un parcours défini à quatre jalons ou quatre balises présenté en 2021. Ce nouveau parcours introduit également la création d’un nouveau grade de sergent-chef breveté.
Le parcours de carrière du sous-officier se trouvera donc articulé autour de quatre concepts de compétences « Acquérir ; Consolider ; Exploiter ; Transmettre », dont le pivot est sanctuarisé
par la fonction de chef de section ou son équivalent.
L’accès au grade de sergent se trouve dans le concept d’acquisition de connaissances sanctionné par l’obtention d’un brevet militaire du 1er degré et donnant la possibilité d’exercer la fonction de chef de groupe.
Le sergent évoluera ainsi au gré des réformes et des textes, tantôt promu un peu précipitamment sous la pression des besoins en effectifs ou au contraire formés avec sérieux, mais il a désormais bien sa place comme le grade d’entrée dans la catégorie des sous-officiers. Les formations changent d’appellation et de durée mais le fond et l’idée générale du but à atteindre reste les mêmes.
Au fil des décennies il a parfois été difficile de définir le rôle ou les caractéristiques des sergents seuls au sein du corps des sous-officiers mais ils en sont bien le commencement et la grande qualité du corps reflète celle des sergents.
Sergent – opération sentinelle – Nice 2020
Sous-officier de la légion étrangère de 1831 à nos jours – Jean-Michel HOUSSIN
Sources :
- http://www.guerriers-avalon.org
- Revue historique des armées – No 2 – 1986 – Article de M. Michel Claudel
- SHD registre matriculaire 2e Régiment de la Légion étrangère, 34YC5271 - 2e RLE-1er VOL- 1 à 1000.
- Revue historique des armées – Numéro spécial 1981 – Légion étrangère 1831-1981 – Article du lieutenant-colonel (er) Pierre Carles.
- - Éditions « D’un autre ailleurs… » - 2023.
[1] Ou encore ; sargant, sargent, sergant suivant Barbazan, sergeant suivant Desciau et Villehardouin, sergient, ou serians, sériant, suivant Borel (Pierre), serjans, serjant, serjanz, serjeant (resté dans l’anglais, suivant Duane).
[2] Sergenterie, subst. fém. Office de sergent, bureau, résidence du sergent, ou fief dont le détenteur était tenu de faire des exploits pour le compte du seigneur dominant.
[3] Les sergents devaient mettre en forme les demandes des plaideurs et exécuter les décisions rendues par les juges, mais ils s’occupaient plus particulièrement des significations dans les juridictions seigneuriales.
[4] Personne ayant pour fonction de forcer les contribuables à payer leurs dus.
[5] Rodolphus de diceto.
[6] Le Service national a été suspendu par le président Jacques Chirac en rendant l’armée professionnelle, au travers de la loi no 97-1019 du 28 octobre 1997, publiée au Journal officiel de la République française no 260 du 8 novembre 1997, p. 16251 – en conséquence, L’appel sous les drapeaux est suspendu pour tous les Français qui sont nés après le 31 décembre 1978 et ceux qui sont rattachés aux mêmes classes de recensement.
[7] Général de bataille, maître d’école, prévôt, en sergent à cheval, à masse, à pied, au camp, aux gardes, cassé, civil, d’affaires, d’artillerie, de campement, de cavalerie, de compagnie, de compagnie d’élite, de compagnie hors rang, de contrainte, de détachement, de détails, de dragons, de drapeau, de fusiliers, de grenadiers, de garde, de garde de police, de garde de police en route, de gardes françaises, de grenadiers, de la douzaine, de la maison du roi, de légion, de l’épée, de ligne, de patrouille, de planton, de pied, de police, de querelle, de remplacement, de ronde, de semaine, de semaine en route, de subdivision, de tirailleurs, de vétérans, de ville, de voltigeurs, des bandes, des gardes françaises, d’ordonnance, d’ordre, du guet, du Moyen Âge, du roi, en campagne, en route, féodé, fieffé, fourrier, français.
[8] Ce terme est repris sous bien des orthographes, dixiénier, ou dixiennier, ou dizenier, etc.
[9] François Ier (né sous le nom de François d’Orléans le 12 septembre 1494 à Cognac et mort le 31 mars 1547 à Rambouillet) est sacré roi de France le 25 janvier 1515 dans la cathédrale de Reims. Il règne jusqu’à sa mort.
[10] La première en Normandie, la deuxième en Bretagne, la troisième en Picardie, la quatrième en Languedoc, la cinquième en Guyenne ; la Bourgogne, la Champagne et le Nivernais devaient fournir la sixième ; le Dauphiné, la Provence, le Lyonnais et l’Auvergne la septième.
[11] Dans l’infanterie ce sont des sous-officiers, en revanche, dans la cavalerie cette charge est donnée à des officiers. Ce grade disparaîtra en 1762 pour faire place aux porte-drapeaux et aux sous-lieutenants.
[12] Créés en 1534, ce sous-officier est chargé de tous les détails des logements d’une compagnie. Il y eut des fourriers généraux et des fourriers major d’armée. Les fourriers généraux, supprimés en 1792, étaient également appelés fourriers marqueurs.
[13] Qui ne lui est pas propre d’ailleurs.
[14] Premier secrétaire du trésorier, premier secrétaire de l’adjoint au trésorier, garde-magasin de l’habillement, fourrier.
[15] Roule – formulation ancienne pouvant être remplacée par – est organisé.
[16] Commandant la zone sud des hauts plateaux au centre du Viêt-Nam.
[17] Deux en 2011 – Vingt en 2021 pour la Légion étrangère.
[18] Brevet Supérieur de Technicien de l’Armée de Terre