Braves gens, prenez garde aux choses que vous dites.Tout peut sortir d'un mot qu'en passant

vous perdîtes. Tout, la haine et le deuil !  Et ne m'objectez pas Que vos amis  sont  sûrs

Et  que  vous  parlez bas...  Ecoutez  bien  ceci :Tête-à-tête, en pantoufle, Portes

closes, chez vous, sans un témoin qui souffle, Vous dites à l'oreille au plus

mystérieux  de  vos  amis  de cœur,  ou, si  vous  l'aimez  mieux,

Vous  murmurez  tout  seul, croyant  presque  vous  taire,

Dans  le  fond  d'une  cave  à  trente   pieds sous

 terre,  Un  mot  désagréable  à  quelque

individu ; Ce mot que vous croyez que l'on

n'a pas entendu, Que vous disiez si bas dans un lieu

sourd et sombre, Court à peine lâché, part, bondit, sort de

l'ombre ! tenez, il est dehors ! Il connaît son chemin. Il marche,

 il a deux pieds, un bâton à la main, De bons souliers ferrés,

un passeport en règle. Au besoin, il prendrait des ailes,

comme l'aigle !  Il vous échappe, il fuit, rien ne

l'arrêtera. Il suit le quai, franchit la place,

 et caetera, Passe l'eau sans bateau

dans  la  saison des  crues,

Et va, tout à travers un dédale de

rues, Droit chez l'individu dont vous avez parlé.

Il sait le numéro, l'étage; il a la clé, Il monte l'escalier,ouvre

la porte, passe, Entre, arrive, et, railleur, regardant l'homme en face,

Dit : Me voilà !  je  sors de  la  bouche d'un tel.  Et c'est  fait.  Vous avez un

ennemi mortel.

Victor Hugo

Commentaire:

Sans entrer dans une discussion stérile qui ne peut être admise ici, la justesse des propos de Victor Hugo se présente dans l'actualité avec la disparition de Jean-Marie Le Pen: "détail de l'Histoire de la seconde guerre mondiale". Un mot perdu qui banalisait un crime contre l'humanité?