Du monde des armes à la fabrication d'un snack pour apéro, il n'y a qu'un pas... ou plutôt un accident de parachute, après lequel deux ex-légionnaires ont changé de secteur, se tournant vers la production de biltong, viande séchée d'Afrique du sud.
«C'est en 2010, après nos accidents de parachute respectifs, que l'idée a germé à l'hôpital Laveran à Marseille. On a eu presque deux ans de convalescence», raconte l'Irlandais Gerard «Sully» Smith. «Quand j'ai été rétabli, on était en 2011-2012, juste après la crise, il aurait été très dur de rentrer en Irlande, au village. On a décidé de rester et de nous lancer. Aujourd'hui, il y a des entreprises qui en importent, mais on est les premiers à fabriquer du biltong en France!», affirme-t-il.
Dans leurs locaux situés dans un quartier du nord de Marseille, cet Irlandais de 31 ans, et son compère américain, Warren Stribling, 30 ans, ont presque tout construit de leurs propres mains, grâce à ce qu'ils ont appris à la Légion, notamment une grande chambre froide où ils fabriquent leur viande séchée marinée.
«En afrikaans, le mot signifie tranche (tong) de fesse (bil), c'est la partie du boeuf utilisée pour le produire», expliquent les deux amis. Grand classique en Afrique du Sud, le biltong s'y est popularisé lors du «Grand trek», la traversée du pays par les Afrikaners pour échapper aux Anglais dans la première moitié du XIXème siècle.
Les Trois Frères Biltong
«Aux Etats-Unis, j'ai grandi en mangeant du jerky, qui ressemble au biltong, et j'ai appris à en faire, après la fin de la saison du cerf», raconte Warren, casquette vissée sur la tête, originaire d'une petite ville de l'Arkansas.
Juste après le lycée, Warren a d'abord servi dans l'US Air Force, notamment en Irak, avant de rejoindre la Légion étrangère sous le nom de «Carl Slater» et d'être stationné à Calvi, en Corse, lieu de son accident.
«Mon père, explique Sully, avait un ami sud-africain, un médecin installé en Irlande. C'est lui qui lui a appris (à sécher la viande). Quand j'ai quitté l'Irlande, mon père m'envoyait des sachets de biltong, c'était introuvable en France! Puis il m'a dit "Tu es un grand garçon, tu peux le fabriquer toi-même !"»
Gerard Smith, originaire du Donegal, dans le nord-ouest de l'Irlande, se fait appeler «Sully» en référence au nom qui lui a été attribué à la Légion, «Harry Sullivan». Ce colosse roux à la barbe fournie a effectué des missions à Djibouti, au Tchad, en Guyane française avant de se blesser en parachute.
«Notre entreprise s'appelle Les Trois Frères Biltong car nous avons commencé avec un troisième camarade de la légion, un Sud-africain», qui n'a pas pu poursuivre l'aventure, explique Warren. «L'idée de base est qu'en France, ce type de snack de viande séchée nous manquait, alors on a décidé de le fabriquer et de le vendre aux restaurateurs ou directement aux particuliers sur notre site internet», à hauteur respectivement de 70 et 30%.
La première commercialisation date de cet été. La start-up table sur un chiffre d'affaires prévisionnel de 70 000 euros pour la première année et une production de 200 kg de biltong par mois.
Dans leur chambre froide, ils font sécher et mariner leur viande avec du sel, du vinaigre de vin rouge, de la coriandre et du poivre noir. «Il n'y a pas d'autres conservateur que le sel, ça se garde longtemps, et il y a très peu de matière grasse, car le morceau de viande que nous utilisons est le rumsteak, une pièce pauvre en graisse mais très goûteuse», expliquent les ex-légionnaires.
Aucun des deux n'a fait d'études de commerce. Comment ont-ils appris ? «En regardant des vidéos sur Youtube!», plaisante Warren, avant d'ajouter : «Plus sérieusement, on a beaucoup lu.»
Toutes les infos sur leur site : http://www.tfbiltong.com/
SOURCE : AFP