Du 9 mai au 16 juin 1915 : bataille de l’Artois.
Les troupes françaises attaquent la crête de Vimy lors de la première bataille de Vimy ; le 9 mai, l’attaque est lancée par la division marocaine, menée par le 1er Etranger et le 7e Régiment de Tirailleurs. Les succès sont chèrement payés. Pour les troupes engagées, dont les 4e & 7e R.T.A. et le 8e Zouaves, les pertes sont de 2 260 officiers, dont 609 tués, et de 100 240 hommes, dont 16 194 tués, 63 619 blessés, le reste disparu.
C’est au 2e R.M. du 1er Etranger que revient l’honneur d’entrer le premier de la Légion en campagne. Dès six heures, un gigantesque tir d’artillerie s’abat sur les lignes ennemies. A dix heures précises, les légionnaires bondissent hors de leurs abris et s’élancent à l’attaque. Ils ont devant eux 4 kilomètres à franchir. Le régiment monte à l’assaut des ‘’Ouvrages Blancs’’ sur la côte 140, à proximité de Neuville-Saint-Vaast. L’adversaire, tapi dans des abris solides pendant l’infernal bombardement, est revenu à ses postes et se défend avec l’énergie du désespoir. Dans de telles conditions, la distance à parcourir est simplement effroyable. A quelques centaines de mètres des lignes allemandes, les mitrailleuses ennemies prennent sous leurs feux croisés les vagues d’assaut. Les trois quart des officiers du bataillon C sont hors de combat. Le bataillon D qui vient derrière, se charge du nettoyage et de l’occupation du terrain conquis avant de reprendre son ascension vers les crêtes. Les bataillons A et B suivent le mouvement en troisième position. Malgré la résistance des Allemands, malgré les feux croisés des mitrailleuses, l’attaque progresse vers les sommets de la côte 140. C’est un chemin semé de morts. Les légionnaires tombent à chaque pas. A 11 heures 30, après une heure et demie d’efforts héroïques, l’objectif est conquis. Le Régiment a perdu son ancien chef, le colonel Pein, commandant la 1ère brigade de la division marocaine, tous ses chefs de bataillon, les commandants Muller, Gaubert et Noiré, 50 officiers et 1 889 sous-officiers et légionnaires (300 morts, 1 000 blessés et 700 disparus). Sur un total de 2 900 hommes au départ.
Sa conduite exemplaire est sanctionnée par une citation à l’ordre de l’Armée.
25 septembre 1915 : conquête des ouvrages Wagram.
A Souain, après avoir reçu le baptême du feu en Champagne dans les secteurs de Reims et de Paissy, seul le 2e R.M. du 2e Etranger est engagé dans la bataille ; après un assaut meurtrier, il s’empare des ouvrages Wagram.
Le 2e Régiment de marche du 2e Etranger gagne une citation à l’ordre de l’armée.
28 septembre 1915 : combats de la ferme Navarin.
A son tour, le 2e R.M. du 1er Etranger du lieutenant-colonel Cot participe aux combats de la ferme de Navarin, fortement protégée par un formidable réseau de tranchées et de barbelés derrière il y a une accumulation sans précédent d’armes automatiques et de combattants. Malgré un intense bombardement préparatoire, les positions ennemies sont encore presque intactes et, quand les légionnaires s’élancent à l’assaut, ils se trouvent face aux lignes de défense allemandes à peine entamées. Les compagnies tentent l’une après l’autre de percer ce rideau de fer et de feu et ne peuvent avancer que de quelques dizaines de mètres seulement. L’ennemi, devant cette furieuse attaque, concentre son artillerie sur le petit coin de terrain auquel les légionnaires s’accrochent et c’est l’effroyable massacre. Cependant, personne ne songe à reculer d’un pas. Mais ce sacrifice n’est pas vain. Dérouté, l’ennemi a détourné la presque totalité de son feu et de ses réserves sur le 2e R.M. du 1er R.E. Pendant ce temps, les troupes amies qui attaquent à l’ouest réussissent la percée et prennent à revers la fameuse butte de Souain.
Le 2e R.M. du 1er R.E. a bien mérité sa seconde citation à l’ordre de l’Armée.
Le drapeau du 2e R.M. du 1er R.E. peut porter la fourragère verte rayée de rouge, aux couleurs de la Croix de Guerre 1914-1918.
11 novembre 1915 : création du R.M.L.E.
Après les terribles pertes éprouvées en Champagne, les deux régiments de marche de la Légion étrangère sont dissous ; c’est avec les débris du 2e du 1er Etranger et du 2e du 2e Etranger que le R.M.L.E., Régiment de Marche de la Légion Etrangère, est formé. La Légion Etrangère n’est plus représentée que par ce légendaire régiment.
Le drapeau du R.M.L.E. porte la fourragère verte rayée de rouge, aux couleurs de la Croix de Guerre 1914-1918, avec trois citations à l’ordre de l’armée, deux gagnées par le 2e Régiment de Marche du 1er Etranger et une gagnée par le 2e Régiment de marche du 2e Etranger.
Du 4 au 9 juillet 1916 : bataille de Belloy-en-Santerre.
Le premier grand combat du R.M.L.E. se situe en juillet 1916 pendant la bataille de la Somme, à Belloy-en-Santerre, près de Roye et Amiens. A 17 heures, le 2e bataillon du commandant Waddell sort le premier des tranchées : une invraisemblable ruée laisse sur la longue pente une sanglante traînée de légionnaires tués ou blessés. Le 3e bataillon du commandant Mouchet appuie sur la droite mais se heurte aux solides défenses de la tranchée de Friedland et du boyau du Chancelier. Le glacis demeure pris en enfilade par les mitrailleuses allemandes. Le chef de corps prend alors une décision osée : le 1er bataillon du commandant Ruelland s’élance à son tour sur le champ de mort et va prêter main forte aux légionnaires établis à Belloy. A 22 heures, la position est provisoirement hors d’atteinte de l’ennemi. A 3 heures du matin, la première contre-attaque se déclenche, violente. Les allemands arrivent à reprendre une partie du village mais les assaillants sont bientôt taillés en pièces ou mis en fuite. A quatre heures du matin, nouvelle offensive, nouvel échec de l’adversaire. Le combat va durer cinq jours. Les pertes du régiment sont 25 officiers et 844 hommes tués : un tiers du régiment ; parmi eux, un jeune Américain, le poète Alan Seeger.
Le R.M.L.E. reçoit sa 4e citation à l’ordre de l’armée.
Du 17 au 21 avril 1917 : le Golfe d’Auberive.
Le R.M.L.E. se lance à l’assaut pour s’emparer du saillant des Bouleaux et conquérir Auberive ; la préparation de l’artillerie a été insuffisante, les mitrailleuses allemandes sont toujours là ; alors les légionnaires du 1er bataillon commandé par le commandant de Sampigny, improvisent ; ils se glissent par petits groupes, dégagent le terrain à la grenade. Ils sont suivis par les légionnaires du 3e bataillon commandé par le commandant Deville. Chaque boyau, chaque fortin, chaque trou d’obus est un champ clos où se livrent du corps à corps. Le 2e bataillon du commandant Waddell, tenu en réserve, entre en action. L’objectif est de s’emparer du bois des Bouleaux, des défenses du Golfe et faire tomber Auberive. Les pertes sont sévères ; le Régiment perd son chef de corps, le lieutenant-colonel Jean Duriez ; mortellement blessé, il fait appeler le commandant Deville pour lui passer le commandement du régiment. Le capitaine de Lannurien prend le commandement du 3e bataillon. Le bilan est lourd : 6 officiers et 82 hommes tués, 264 blessés, 62 disparus.
Le 18, à l’aube, l’action redémarre. Le 3e bataillon avance vers l’est, dans les premières tranchées du Golfe. Quand la nuit tombe, les légionnaires occupent toute la tranchée du Croissant ainsi que celle de Posnanie. Le régiment a perdu 39 tués, 97 blessés et 7 disparus.
Le 19 au matin, l’offensive continue ; le 3e bataillon se charge des tranchées du Golfe et le 1er bataillon d’enfonce dans le Grand Boyau et la tranchée des Uhlans. Vers 13 heures 30, la 10e compagnie pénètre à Auberive, abandonnée par l’ennemi puis la 11e compagnie parvient devant le fortin de Vaudesincourt. Mais le 1er bataillon est bloqué. Les pertes sont de 78 hommes.
Le 20, le 2e bataillon, opérant à l’ouest, brise en plusieurs points la résistance de l’ennemi ; la 6e compagnie est arrêtée par les tirs des mitrailleuses allemandes qui dirigent ensuite leurs tirs sur une compagnie du 168e R.I., appuyant l’action du R.M.L.E. L’adjudant-chef Mader et une dizaine de légionnaires foncent sur les mitrailleuses pour un assaut à la grenade. L’ennemi prend la fuite en direction de la batterie allemande. Les légionnaires continuent leur action ; un combat au corps à corps s’engage ; les Saxons vont encore lutter pendant cinq heures. Les six canons de la batterie abandonnés dans le boyau libéré sont remis à un détachement du 7e R.T.A.
Après une lutte, acharnée et impitoyable, de quatre jours, le Grand Boyau est conquis et le fortin encerclé. Dans la nuit, l’ennemi abandonne cette formidable position truffée de mitrailleuses.
Les légionnaires ont conquis sept kilomètres de tranchées mais la Légion est épuisée.
Le Régiment vient d’acquérir sa 5e citation, sans doute la plus belle et la plus méritée.
20 août 1917 : conquête des Ouvrages Blancs.
A Verdun, le R.M.L.E., toujours affecté à la division marocaine, doit s’emparer des Ouvrages Blancs, le village de Cumières et le bois des Forges. Vaste programme que l’on estime difficile voir impossible. A 10 heures 30, le R.M.L.E. parvient à l’objectif avec une heure d’avance.
Après un nouveau tir d’artillerie, vers 16 heures, le R.M.L.E. poursuit son attaque
Les légionnaires du 3e bataillon du commandant Deville s’emparent du réseau de tranchées de la cote 725 pendant que le 1er bataillon di commandant de Sampigny occupe le col de l’Oise.
Le lendemain, le R.M.L.E. emporte le village de Régnaville et, le premier, atteint la Meuse.
Les pertes sont cette fois minimes : 59 tués, dont un seul officier, et 300 blessés dont le chef de corps, le lieutenant-colonel Rollet, touché au bras et à la jambe par des éclats d’obus. Les légionnaires apprécient. Ils aiment que leur chef soit économe de leur sang.
Les brillants résultats obtenus et consolidés au 05.07.1917 lui valent sa 6e citation à l’ordre de l’armée : le drapeau est décoré de la Croix de la Légion d’Honneur, le 27 septembre.
Le 3 novembre 1917, il reçoit la fourragère rouge aux couleurs de la Légion d’Honneur, attribuée pour la première fois.
Du 24 au 26 avril 1918 : la ‘’Montagne de Paris’’.
En Picardie, le R.M.L.E. de la division marocaine, rappelé dans le secteur d’Amiens dès le 2 avril, suite à l’offensive allemande dans le secteur britannique de Saint-Quentin, et à la rupture du front le 21 mars, s’oppose à l’avance allemande dans le Bois du Hangard et à Villers-Bretonneux. Le 1er Bataillon forme le détachement d’assaut, le 3e Bataillon s’installe en soutien à 300 mètres en arrière tandis que le 2e Bataillon est en réserve. Malgré le tir d’artillerie, les mitrailleuses allemandes battent le glacis absolument découvert. Néanmoins, le 1er Bataillon quitte ses positions et ‘élance droit devant lui. Privé d’officiers, tous fauchés à la première attaque, le 1er Bataillon est commandé par un simple légionnaire, Kemmler, volontaire luxembourgeois. Le 3e Bataillon suit rapidement les premières vagues d’assaut ; très éprouvé lui aussi par les rafales nourries, il se jette dans le bois du Hangard et fait sa jonction avec les Anglais. Le 2e Bataillon qui prend part à la lutte à son tour permet de tenir vaille que vaille le terrain conquis. Finalement l’ennemi doit abandonner ses postions. La route d’Amiens est fermée.
Le R.M.L.E. a perdu dans la journée 13 officiers et 830 légionnaires tués ou blessés.
Les nuits et les jours qui se succèdent jusqu’au 6 mai, sont occupés à aménager les positions tenues et à repousser toutes les contrattaques.
Le R.M.L.E. qui a consenti de très lourds sacrifices, recueille sa 7e citation à l’ordre de l’armée.
Une gravure d’époque montre les combats dans le Hangard Wood.
18 juillet 1918 : l’aube de la Victoire.
Cette date marque un tournant dans l’histoire de la Grande Guerre : la victoire va changer totalement de camp. A l’aube, les Alliés s’élancent et reprennent l’offensive. Pour la Légion, cette journée est particulièrement glorieuse à l’est de la forêt de Villers-Cotterêts, à Saint-Pierre-Aigle : elle va faire du R.M.L.E. un régiment de légende. Appuyée par de petits chars Renault, la Légion progresse rapidement. La division marocaine, troupe d’élite, se révèle une des meilleures troupes de l’attaque. Après trois jours de combats, la Légion perd 780 hommes mis hors de combat, parmi lesquels le commandant Marseille du 3e Bataillon et son successeur, le capitaine de Sampigny. Mais les légionnaires ont fait 450 prisonniers et capturé 20 canons.
Le R.M.L.E. reçoit sa 8e citation à l’ordre de l’armée.
Du 1er au 14 septembre 1918, la ligne Hindenburg et l’offensive finale.
La Légion participe à l’offensive sur la ligne Hindenburg. Le R.M.L.E. est alors commandé par le lieutenant-colonel Rollet. Les bataillons sont commandés par des officiers exceptionnels : commandant Jacquesson (1er), capitaine de Lannurien (2e) et capitaine Maire (3e). Le 1er le Régiment relève les Américains qui ont essuyé un échec, fin août. Quatre divisions allemandes sont successivement usées par la division marocaine. Pendant treize jours, le Régiment progresse, réalisant des prodiges.
Le 2, les vagues d’assaut du Régiment, celles du 2e bataillon en tête, foncent derrière les barrages roulants et enlèvent Terny-Sorny de haute lutte, capturant des centaines de prisonniers. L’ennemi réagit violemment et le 1er bataillon arrive juste à temps pour renforcer le 2e bataillon décimé, dont le chef ; le capitaine de Lannurien est mortellement blessé.
Le 5, le 3e bataillon lance un véritable coup de boutoir et s’empare de Sorny, puis avec une seconde attaque aussi vive, il prend Neuville-sur-Margival et, dans la nuit du 5 au 6, le tunnel de Vauxaillon. A lui seul, le 3e Bataillon du commandant Maire capture un nombre de prisonniers supérieur à son effectif.
La progression, bien que ralentie, continue ; l’artillerie ennemie se développe et les obus toxiques pleuvent. Le port du masque est presque continuel, ajoutant aux fatigues des hommes.
Le 14, à 4 heures 50, c’est le suprême assaut. Au signal du lieutenant-colonel Rollet, le bataillon Maire progresse rapidement, malgré de très grosses pertes et fait tomber toutes les résistances. A la grenade, les nids de mitrailleuses sont réduits un à un.
La première vague arrive aux tranchées et submerge les occupants. Derrière les compagnies d’assaut, suivent les équipes de nettoyeurs qui combattent au fusil-mitrailleur, au lance-flammes et au couteau, brisant net toute tentative de rétablissement de l’ennemi.
Le 14, à 8 heures, les premiers éléments sont maître des hauteurs. Rapidement, des mitrailleuses sont installées au bord du plateau. Il est midi quand la densité du combat diminue.
L’exploit est réalisé : il y a une brèche dans la ligne Hindenburg. Le R.M.L.E. tient une position solidement établie au cœur de la ligne Hindenburg.
Le 14, à 17 heures, l’ennemi, après une intense préparation d’artillerie, déclenche une contre-attaque sur tout le front tenu par lev 7e R.T.A ?; le 3e bataillon du R.M.L.E. et le bataillon malgache . Le bataillon Maire livre un des combats les plus brillants face à de puissantes vagues d’infanterie qu’il repousse victorieusement.
C’est la fin de la bataille qui fut la plus longue, la plus glorieuse, mais aussi la plus douloureuse depuis la création du régiment. La Légion perd 275 tués dont 10 officiers, 1 118 blessés dont 15 officiers, sur le plateau de Laffaux.
Le R.M.L.E. reçoit sa 9e citation à l’ordre de l’armée. Il reçoit la fourragère double aux couleurs de la Légion d’Honneur et de la Croix de Guerre 1914-1948.
En trois années, le R.M.L.E. comptera 139 officiers, 349 sous-officiers, 3 628 légionnaires tués ou disparus. Sans parler des blessés.
Le 23 avril 1919, le R.M.L.E. s’embarque pour l’Algérie.
Le 14 septembre 1919, un an jour pour jour après la fin des furieux combats sur la ligne Hindenburg, le drapeau du R.M.L.E. reçoit, à Tlemcen, la plus haute récompense de l’Armée française : la Médaille militaire, attribuée seulement aux Maréchaux et aux Généraux en chef vainqueurs et à deux régiments de toute l’Armée, le R.I.C.M. et le R.M.L.E.
Le 14 septembre devient le jour de la Fête du Régiment.
Le 11 novembre 1919, les légionnaires de R.M.L.E. sont de retour à Paris pour célébrer, avec toute l’Armée, toute la Nation et les Alliés, l’anniversaire de la victoire.
Le 20 juillet 1920, par décret, le R.M.L.E. change de nom : à compter du 15 novembre 1920, le R.M.L.E. devient le 3e Régiment étranger.
Jean Balazuc P.P.P.
Sources principales.
La Légion Etrangère de John Robert Young et Erwan Bergot - 1984.
Le 1er Etranger de Philippe Cart-Tanneur et Tibor Szecsko – 1986.
Le 3e Etranger de Philippe Cart-Tanneur et Tibor Szecsko - 1988.
La Légion Etrangère – 150e anniversaire – Historia N° spécial - 1981
La Légion, Grandeur et Servitude – Historama N° spécial - 1967
La Charte