"Un siècle, une épopée, un grand nom qui claironne ;
D’anonymes Héros sont ceux qui l’ont écrit.
Sans chercher les honneurs, sans gloire, sans un cri,
Ils sont morts, immortels, en léguant Camerone."

 

Le serment d'un capitaine
Avril 1863. La Légion est encore jeune, mais elle a déjà connu beaucoup de vicissitudes, parmi lesquelles et non des moindres, la campagne d'Espagne qui a décimé ses effectifs. Reformée, elle est de tous les combats de la France.
L'empereur Napoléon III engage l'armée française par-delà la mer océane, au Mexique. Etrangement, la Légion n'est pas de la partie. Or, une telle aventure ne pouvait qu'exciter l'esprit aventureux qui anime cette troupe. Ses officiers vont forcer son départ, en adressant une pétition à l'Empereur. De lourdes sanctions tombent sur les plus anciens dans les grades les plus élevés, mais au début de l'année 1863 la Légion embarque deux bataillons à sept compagnies pour Vera Cruz.
Sans le savoir, ces hommes commencent à réunir les éléments d'une légende.
Comme à son habitude, la Légion veut combattre en première ligne mais se voit attribuer une mission d'escorte et d'arrière-garde dans la zone la plus insalubre du pays. Qu'à cela ne tienne, les légionnaires s'adaptent. Ils s'installent à Chiquihuite, dans une région infestée par le typhus, le paludisme et la fièvre jaune ou vomito negro, aux ordres du colonel Jeanningros. Légionnaire de fraîche date qui n'est sorti d'aucune école, il possède une inestimable expérience de la guerre et des hommes.



 

Apprenant qu'un convoi est en route pour Puebla assiégée par l'armée française, il décide d'envoyer une compagnie de protection à sa rencontre. Cette compagnie est confiée au capitaine Danjou.
Le 30 avril 1863 au matin, le Capitaine Danjou à la tête de la 3° compagnie du Régiment étranger attaqué par les bandes mexicaines, accepte le combat et se retranche à Camerone, une ferme délabrée, pour y établir un point d'appui et attirer sur lui le principal de l'effort de l'adversaire, fort en nombre. Dans la matinée, sentant la situation s'aggraver à chaque instant, mais voulant éviter l'attaque du convoi, il décide de résister à tout prix. Il prête le serment de se défendre jusqu'à la mort face aux hordes mexicaines qui l'assaillent…
Le serment d'un capitaine tissait déjà le linceul de ces hommes et allait faire d'un obscur combat dans les ingrates Terres Chaudes du Mexique, une épopée mondialement connue.
Le combat qui oppose une soixantaine de braves légionnaires à deux mille mexicains, entre de plain-pied dans l'Histoire pour devenir l'immortel Camerone.
Elevé à la hauteur d'un mythe, il fut pourtant bien réel ce combat si intimement lié à Légion étrangère et à l'histoire de l'Armée française. Il est devenu l'expression d'un symbole de résistance farouche, jusqu'au dernier souffle du dernier homme : Faire Camerone !
Mais tout n'a-t-il pas été dit et écrit selon la sensibilité de chacun sur ce combat ? Pourtant, hormis les noms des officiers et des cinq derniers rescapés, qui se souvient de ces hommes ? Qui sont ces braves qui ont voulu - en s'engageant dans les rangs de la légion étrangère - redevenir des hommes parmi les hommes malgré leurs lourds passés ? Qui sont ces soldats qui ne savent pas encore qu'ils vont faire partie de cette phalange qui va repousser la fatigue, la poussière, l’haleine étouffante de la mort sous un ciel de braise et entrer dans l'Histoire.

Ce sont les mêmes qui, partout dans le Monde, seuls, à deux ou à mille, jeunes ou anciens, vont, le 30 avril, une fois encore, glorifier la mémoire et la grandeur du sacrifice de leurs devanciers.
Ce sont des légionnaires !
Antoine Marquet