Polonais de la garde impériale d'après Andréas Rosenberg
Histoire : création de la Légion Etrangère en Algérie en 1831.
Les légionnaires sont les héritiers des centaines de milliers d’étrangers, originaires de presque tous les pays d’Europe, qui, à toutes les époques, ont considéré comme un honneur de servir la France. Suisses, Ecossais, Irlandais, Allemands, Italiens, Espagnols, Polonais, Hongrois…formant dans l’Histoire de France une fresque haute en couleurs, émaillée de multiples faits d’armes, rehaussée du sang de nombreux sacrifices. Certaines années, ce sont plus de 40 000 étrangers qui servent dans l’Armée Française. Ce service étranger a fourni à la France deux Connétables et vingt Maréchaux.
- En 1743, cinq régiments sont formés avec des Suisses : Zurich, Saint-Gall, Schaffhouse, Thurgovie et Bâle.
- En 1790, à l’avènement de la République, l’Assemblée Nationale interdit l’emploi de troupes étrangères en France et supprime les régiments étrangers.
- En 1792, les Suisses du roi de France Louis XVI se font massacrer le 10 août aux Tuileries pour l’honneur et au nom d’une tradition vieille de trois siècles.
- En 1792, elle prescrit la création d’une ‘’Légion franche étrangère’’. Cette Légion accueille tous les guerriers étrangers, sans distinction de nationalité, qui seraient prêts à combattre et à mourir pour la liberté.
- Les premières unités formées sont composées, comme sous l’ancienne Monarchie, d’étrangers appartenant à la même nationalité : Légion italique, Légion des Francs du Nord, Légion polonaise, Légion portugaise, Légion irlandaise.
- En 1805, des régiments hétérogènes sont créés ; ils sont composés, malgré leur appellation, de soldats sans distinction de nationalité : régiment de la Tour d’Auvergne (créé par décret impérial de Napoléon 1er le 30 septembre 1805), régiment d’Isembourg avec des Allemands, Polonais et Russes (créé par décret impérial le 1er novembre 1905), bataillon d’Irlande créé le 31 août 1803 puis étendu à un régiment, et enfin, régiment de Prusse levé le 13 novembre 1806 avec des prisonniers de guerre prussiens.
- De 1809 à 1811, les régiments suisses sont engagés en Espagne par l’empereur Napoléon 1er; dans la fumée des batailles contre les Anglais de Wellington, leurs uniformes rouges augmentent le risque de tirs fratricides ; alors les colonels leur font porter des capotes grises malgré la très forte chaleur : pas une plainte !
- En 1811, ces régiments deviennent les 1er, 2e, 3e et 4e Régiments étrangers. Par décret impérial du 3 août 1911, le régiment de la Tour d’Auvergne devient le 1er Régiment Etranger.
- Novembre 1812 : les quatre régiments suisses traversent en tête la Bérézina et arrêtent toutes les contre-attaques des Russes. Ils se sacrifient dans des combats terribles face aux canons russes, permettant le passage des 30 000 rescapés de la Grande Armée. Les quatre régiments sont décimés.
- Pendant les Cent Jours, leur nombre sera doublé. Ils sont dissous par ordonnance royale du 6 septembre 1815, après la deuxième abdication de l’Empereur.
- En septembre 1815, les éléments des huit régiments étrangers forment ‘’la Légion Royale étrangère’’ par la même ordonnance royale du 6 septembre 1815.
- En 1818, la Légion Royale devient la ‘’Légion de Hohenhole’’.
- En 1821, cette Légion devient le régiment de Hohenhole.
9 mars 1831 : une loi organise la Légion Etrangère ; cette loi marque la véritable création de l’Armée d’Afrique. Elle autorise les généraux commandant des zones occupées hors du territoire national à former des corps militaires composés d’indigènes et d’étrangers. C’est la première consécration légale des Spahis, des Tirailleurs et de la Légion.
10 mars 1831 : le Roi Louis-Philippe et le ministre secrétaire d’Etat à la Guerre, le Maréchal Soult, duc de Dalmatie, signent l’ordonnance royale de la création et de l’organisation de la Légion Etrangère. Dans son premier article, l’ordonnance précise que ‘’il sera formé une Légion composée d’étrangers’’.
- La création de la Légion Etrangère, dont le Maréchal Soult, ministre secrétaire d’Etat à la Guerre, précise aussitôt qu’elle ‘’ne pourra pas être employée sur le territoire continental du Royaume’’, n’a pour but que d’éloigner de France les officiers et les soldats, français ou étrangers, jugés encombrants, remuants ou dangereux pour la monarchie.
- Lors de la séance ministérielle portant sur la création de la Légion Etrangère, le bureau de l’habillement prescrit que l’uniforme sera identique à celui des régiments d’infanterie de ligne (la tenue de campagne réglementaire comporte une capote de couleur gris de fer mélangé). Pour faciliter la marche en colonne, les légionnaires remontent les pans qui viennent se boutonner à hauteur des reins.
Buste du colonel Eugène Stoffel par Alphonse de Stuers
4 mai 1831 : le colonel Stoffel est nommé chef de corps de la Légion Etrangère. Le colonel Stoffel, officier Suisse, baron d’Empire, est le premier chef de la Vieille Légion Etrangère. Le colonel a de nombreux problèmes à résoudre, notamment des problèmes administratifs avec une organisation à peine ébauchée : de plus il ne dispose pas d’habillement, pas d’armement ; enfin, l’encadrement est insuffisant.
Les débuts de la Légion sont difficiles car les légionnaires viennent pour différentes raisons, attirés par le goût de l’aventure ou contraints par le chômage ou pour des raisons les plus diverses. Tous les éléments sont confondus, bons et mauvais. Cependant, ces éléments disparates deviennent peu à peu des unités homogènes. Le mérite en revient aux vieux soldats de l’Empire, aux anciens cadres des régiments suisses et de la Légion de Hohenhole, comme le sergent Route de Worck, venus reprendre du service dans la Légion.
- Successivement, sept bataillons vont être constitués en France : Suisses, Allemands, Espagnols, Italiens et Polonais sont en majorité parmi les engagés.
- Les bataillons vont être formés dans des villes disposant de casernes vides, disponibles mais abandonnées depuis longtemps, d’où de graves problèmes de logement chez l’habitant.
- Les 1er et 2e bataillons sont formés à Langres, le 3e à Bar-le-Duc, le 4e à Agen, le 5e à Auxerre et le 6e à Chaumont. Le 7e sera formé à Alger.
Août-Septembre 1831 : la Légion Etrangère débarque outre-Méditerranée, dans les trois provinces côtières, avec cinq bataillons ; quatre à Alger, les 1er, 2e, 3e, 5e ; un à Oran, le 4e.
- Les trois premiers bataillons ont été formés essentiellement avec des Suisses et des Allemands, à Langres et à Bar-le-Duc.
- Le 1er Bataillon est organisé avec des hommes provenant des régiments suisses de Charles X et du régiment de Hohenlohe.
- Les 2e & 3e Bataillons reçoivent des Suisses et des Allemands.
- Le 4e Bataillon, composé d’Espagnols, est formé à Agen.
- Le 5e Bataillon, composé de Sardes et d’Italiens, se forme à Auxerre.
- Un 6e Bataillon, formé de déserteurs belges et néerlandais, s’organise à Chaumont ; il n’est constitué complètement qu’en mai 1833, à Bône.
- Le 7e Bataillon, réservé aux Polonais, est formé à Alger et complété en 1834.
- Les vrais professionnels, les seuls, les vrais soldats depuis toujours, des vétérans du Régiment de Hohenlohe, des anciens des régiments allemands et suisses, héritiers des lansquenets, qui ont manié la grande épée à deux mains, constituent à la Légion une armature, comme un corset de fer où les voyous et les amateurs n’en mènent pas large.
- Le colonel Stoffel donne aux gradés de telles consignes (on sabre les traînards) que la tourbe la plus molle est vite éliminée.
Le colonel Stoffel a deux adjoints : les chefs de bataillon Clavet-Gaubert et Salomon de Mussis. Quelques décisions vont façonner la Légion :
- Former des pelotons de cadres, notamment avec des étudiants allemands.
- Faire élire les sous-officiers.
- Former des compagnies d’élite.
Les bataillons de la Légion sont rapidement devenus des unités de valeur, aptes à accomplir leurs missions, à défendre les villes où ils sont stationnés.
La Légion est désormais prête à se battre.
Novembre 1831 : sa conduite en Algérie vaut à la Légion Etrangère la reconnaissance officielle : le Roi lui confère un drapeau.
Jean Balazuc P.P.P.P.
8 septembre 2017
Sources principales.
Algérie, œuvre française de Pierre Goinard - Robert Laffont – 1984.
La Guerre d’Algérie du capitaine Pierre Montagnon - les Editions Pygmalion – 1984.
La Légion Etrangère – 150e anniversaire – Historia – 2e trimestre 1981.
La Légion Etrangère, Grandeur et Servitude – Historama – Novembre 1967.
Histoire de l’Afrique du Nord du Général Edmond Jouhaud – Les 2 coqs d’Or – 1968.
La Légion Etrangère - Voyage à l’intérieur d’un corps d’élite - John Robert Young & Erwan Bergot – Editions Robert Laffont – 1984.
Le 1er Etranger – Philippe Cart-Tanneur & Tibor Szecsko – E.F.M. 1986.
La 13e D.B.L.E. – Tibor Szecsko – E.F.M. – 1989.
Nouvelle histoire de la Légion Etrangère – Patrick de Gmeline – Editions Perrin – 2016.
Français par le sang versé, les hommes de la Légion Etrangère – Képi Blanc – Editions du Côteau – 2011.
Clavet Jean-Louis Hilaire Martin Stanislas dit Clavet-Gaubert, né le 11.11.1774 à Toulouse dans la Haute-Garonne ; ancien du 2e Génie ; affecté en juin 1815 à l’Armée du Nord ; chef de bataillon affecté à la Légion Etrangère en avril 1831.
Route de Worck, Belge ; sergent de grenadiers du Régiment de Hohenlohe ; à la dissolution du régiment, il ne peut pas s’engager dans l’armée française n’étant pas naturalisé français ; engagé en 1831 au 1er Bataillon avec le soutien du chef de bataillon Clavet-Gaubert ; il parle l’allemand, l’italien, l’espagnol et le français.
Salomon de Mussis, chef de bataillon affecté à la Légion Etrangère en avril 1831 : commandant le 1er Bataillon en 1832, il s’illustre dans la défense de la Mitidja ; commandant supérieur de Bougie, il est assassiné le 04.08.1836 par le cheikh kabyle Mohamed Amézaïan.
Soult Nicolas Jean de Dieu, né en 1769 à Saint-Amand la Bastide dans le Tarn ; fils d'un notaire languedocien, Jean de Dieu Soult s'engage jeune en février 1785 comme simple soldat au Régiment Royal Infanterie à Saint-Jean d’Angely, dans l'Armée de Louis XVI. A la Révolution, il connaît un avancement rapide car, bien qu'il n’ait appartenu à aucune école militaire, il choisit le service d'état-major où il se distingue. Il fait toutes les guerres de la Révolution aux côtés de chefs prestigieux, tels Hoche, Jourdan, Masséna et Murat. Devenu Maréchal de France, puis duc de Dalmatie sous l'Empire, il reçoit de Napoléon d'importants commandements qui le conduisent en Allemagne, en Pologne et surtout en Espagne. En 1813-1814, au cours d'une mémorable campagne dans le midi de la France, il contient l'Anglais Wellington malgré des forces très inférieures à celles de son adversaire. Exilé pendant la Restauration, il gagne l'estime de Louis-Philippe. Parvenu au trône, celui-ci en fait un ministre puis, à plusieurs reprises, un président du Conseil. En 1831, il supervise la création de la Légion Etrangère. Lorsque, honoré dans toute l'Europe, Soult meurt en 1852, il a été promu Maréchal-Général de France. C'est un exceptionnel chef de guerre, associé à l'épopée napoléonienne, mais aussi un remarquable administrateur et homme politique.
Stoffel Christophe, fils d’un lieutenant-colonel du régiment de Saint-Gall ; il sert à douze ans au 3e Régiment suisse ; il fait les guerres de l’Empire, notamment en Allemagne et au Portugal ; officier de la Légion d’Honneur, baron d’Empire depuis 1813 ; il commande le 70e de Ligne lorsqu’il est mis en demi-solde et contraint à s’exiler. Il est réintégré par la Restauration comme chef d’état-major de l’armée des Pyrénées. En 1830, il prend sa retraite. Colonel, premier chef de la Vieille Légion Etrangère, nommé en mai 1831 ; à Alger en juillet 1831. Officier suisse au service de la France depuis près de trente ans, il a notamment servi dans les rangs de la Grande Armée en Espagne. En juin 1832, le colonel Combes lui succède.
Beau soldat, il a un caractère souvent difficile mais ses origines helvétiques garantissent son métier et son sens de la tradition du service ; son passé et son expérience lui confèrent un prestige incontestable.