J’ai en mémoire, une réelle émotion quand une émission de télévision présentait l’Institution des Invalides de la Légion Etrangère, l’édifice de solidarité légionnaire. Emotion, lorsque des pensionnaires sélectionnés et représentatifs intervenaient en présentant à leur manière ce qu’ils appelaient: « leur dernière étape de la vie » ». En fait, ils étouffaient d’une vraie souffrance marquée par de grands moments vécus d’une maladie incurable appelée solitude.
A ce passage télévisuel de grande écoute, une question s’imposait: “Quelle pouvait, bien être, après avoir vu cette émission, la motivation pour un ancien légionnaire à venir faire un passage prolongé ou non à "Puyloubier”. La réponse était claire, comment, en effet, venir dans ce qui était présenté comme une maison de fin de vie qui accueillait les plus démunis d’entre nous et pourtant…
Pourtant ? Il suffirait de contempler le site de ce beau domaine de Provence situé au pied de la montagne Sainte Victoire surplombant la vallée de l’Arc pour comprendre que la "vérité est ailleurs". La première impression des visiteurs est celui d’un fabuleux espace de liberté, de respiration dans un environnement grandiose où transpire une forme de bien être offerte à ces Anciens légionnaires qui ont le sentiment qu’ils sont bien chez eux et non chez les autres…
Mieux qu’un long discours, l’adjudant-chef Yves Galvez, président de l’Amicale d’Aix et la Sainte Baume, lui-même pensionnaire du domaine, nous explique pourquoi, après un vie pleine et aventureuse à souhait, il a fait le choix de venir servir l’Institution.
CM : Pourquoi, mon adjudant-chef avoir choisi Puyloubier ?
YG : « Cette question mérite une réponse claire, réfléchie avec évocation des origines de ce choix.
Ancien légionnaire, âgé de 74 ans, physiquement et moralement apte encore au service en tout lieu et toute circonstance, j’étais disponible et je me sentais parfaitement compétent et volontaire pour prendre la présidence d’une amicale d’Anciens légionnaires. Vers la fin de l’année 2017, de nombreux amis m’ont sollicité pour que je m’approche de l’Amicale du Pays d’Aix et de la Sainte Baume qui recherchait un président. Cette proposition me séduisait, cependant, j’étais conscient d’être trop éloigné géographiquement de l'Amicale, aussi, l’idée m’est venue de rechercher un hébergement près de Puyloubier. Ainsi donc, chemin faisant, avant l’élection du nouveau bureau de l’Amicale qui me fit Président, j’avais, en prévoyance, entrepris les démarches d’admission pour être accepté comme simple pensionnaire au domaine capitaine Danjou. »
CM : Devenir pensionnaire est un vrai choix de vie surtout pour quelqu’un comme vous en pleine forme, comment cette idée vous est-elle venue ?
YG : « Quand un de mes amis m’a donné l’idée de devenir pensionnaire, j’étais surpris et je lui disais en souriant que je n’étais pas encore « invalide »… Mais néanmoins, l’idée chemina dans ma tête et me semblait intéressante, je me suis renseigné sur cette éventualité. J’ai regardé d’un œil critique autour de moi et j’ai rencontré un site grandiose, de grands espaces aux pieds d’un immense massif où il faisait bon déguster les produits locaux et où, à ma grande surprise, tous n’étaient pas invalides, loin s’en faut, les âges oscillants de 31 à 101 ans. »
CM : Qu’avez-vous trouver ?
YG : « Des anciens de tous grades qui participent activement au fonctionnement de l’Institution en apportant un savoir-faire et une compétence dans les métiers les plus variés: reliure, céramique, mécanique, vignes, tout un petit monde qui aime se retrouver dans un foyer moderne en participant à ce qu’ils appellent « leurs accompagnements de vie » profitant de l’agrément convivial des tournois amicaux en tous genres ou des promenades organisées ou non et bien d’autres loisirs très appréciés. Mais surtout ce que j’ai constaté avec un vrai plaisir, c’est qu’on y mange bien. Voilà le message à faire passer ! »
CM : Précisément, quel message souhaitez-vous faire passer ?
YG : « Ami et cher camarade, tu as servi la France et la Légion étrangère en particulier avec honneur et fidélité, l’ennui te presse, tes repères se sont envolés, n’oublie jamais que tu peux, à nouveau, donner un sens à ton existence en revenant vivre, en toute simplicité, au sein de la Légion étrangère entouré de tes anciens frères d’arme.
Personnellement j’apporte le témoignage de vivre un séjour incomparable et très agréable dans un cadre exceptionnel qui respire notre devise légionnaire : « Legio Patria Nostra ». Vient donc chez toi et ne reste pas chez les autres… »
CM : Un grand merci mon Adjudant-chef !
Et cet ancien, jean qui s’exprime avec ses mots qui viennent directement du fond du coeur:
CM : Bonjour mon Ancien, comment allez-vous en ces lieux ?
Jean : « Je vois encore devant mes yeux, le lendemain matin de mon arrivée au domaine, je regardais, sans réellement le voir, un ancien sortir de l’hémicycle, il avait regardé son chien un moment, puis il était allé s’asseoir sur un banc, le regard plein de souvenir, tourné vers le soleil levant. Ici, me disais-je, le temps doit passer plus doucement surtout pour ceux qui vivent en prenant leur temps. Un rayon orangé venait caresser un écureuil, les étoiles s’effaçaient, la lune se cachait et le soleil surgissait dans un ciel sans nuage. La campagne s’éveillait doucement, des bruits dans le lointain témoignaient de la reprise d’une vie trépidante, la brume comme par miracle s’en est allée, la nature en une nuit s’était totalement régénérée. Enfin je profitais du calme, du vide, du repos. J’étais bien heureux de ne plus me soucier des tracas de nos vies dites modernes avec son cortège de contraintes: impôts, loyers, alimentation, et ces soucis administratifs qui continuellement polluaient mon existence. Ici la Légion écrit son histoire avec ses « hommes », ces étrangers, fils de France, non par le sang reçu mais le sang versé”. Au-delà de l’image forte de ces anciens légionnaires rassemblés dans ce domaine particulier, il faut savoir et pouvoir regarder en filigrane la dimension humaine d’une institution qui témoigne ce qu’affirme le code d’honneur du Légionnaire: “La Légion n’abandonne jamais les siens…”
Le lendemain, je parcourais au pas Légion, dans un calme retrouvé, les 220 hectares du domaine qui s’offraient à ma curiosité nouvelle. Que du bonheur que je partageais avec mes camarades, anciens légionnaires, il y a bien longtemps que je n'étais pas aussi bien dans ma peau. »
CM : Merci mon Ancien, tout est dit !