Deux mouvements: l’instinct et le désir, agissent chez les peintres comme moteurs. Pour l’un, l’instinct, point n’est de liberté, tant il faut bien manger, dormir et s’habiller. Quant à l’autre, le désir, c’est l’expression de la beauté quand s’écarte la luxure qui bestialise tant l’individu. Il y a trois degrés dans la peinture: la représentation animale ou typique, le mouvement passionnel et l’état intellectif. Ceux qui restent aux deux premiers plans ne touchent point au but de l’art qui est d’exprimer la personne éternelle. La vie et ses besoins, la passion et ses excès, sont communes à l’homme et aux bêtes. Ces dernières s’accouplent, chassent, se battent ainsi que nous. Mais nous, nous pensons et elles, non ! Celui qui croit que le but de l’art est de reproduire la nature, ne peindra rien de durable car la nature vit sans avoir d’entendement. Dans l’œuvre, la pensée doit compenser et remplacer la vie, sinon on ne verra qu’une œuvre sans âme. Commencer en esprit, pour ensuite s’efforcer de découvrir le mouvement qui correspond à son idée, et enfin, dessiner le corps de son personnage, tel est le cheminement que tout artiste devrait prendre pour la création d’une œuvre. Généralement, le spectateur aime surtout les exagérations, son admiration demande la surprise que provoque l’anormal et l’inconnu. L’œil du vulgaire se plait aux couleurs très vives et discordantes, juxtaposées. C’est une erreur barbare. Un tableau doit avoir une couleur générale dominante et apaisante aux colorations particulières, comme si la lumière qui s’y trouve faisait dominer la couleur principale. Le dessin n’a qu’un objet, l’apothéose du corps s’il dessine l’humain. “La tête est modelée du dedans au dehors. Elle n’accepte pas le modelé de la lumière extérieure pour ne pas renoncer à la puissance et au charme de l’expression” Léonard de Vinci. Ainsi ce dernier isolait courageusement la tête des influences ambiantes, pour qu’elle soit un tableau dans le tableau. Le parti pris de couper en deux le visage par la ligne du nez et de noyer un des côtés dans l’ombre ne vaut rien, disait-il, et d’ajouter: “modeler expressivement avant tout, et puis trouver un clair-obscur convenant à ce mode de peinture”. On sent des peintres que la nature fascine et subjugue, ils ne la jugent pas et la reflètent comme un étang reflète ses bords. Un maître en peinture ne subit pas ce vertige, Isabelle, maîtresse de la nature comme certains peuvent être amants, elle se défend de servilité, cette artiste prend garde aux idées de l’époque, elle pense que ce qui est beau et harmonieux coule d’une source, celle des suaves plaisirs. L’œil transmet à l’âme la douce impression et l’âme la communique à l’esprit, épanouissant nos enchantements. Pour Isabelle, il n’est pas de plus noble destinée que celle de se consacrer toute entière à son art, ni de gloire aussi pure, elle ne reproduit que de la joie et tant qu’il y aura des hommes civilisés, un peintre aura des amis partout où se verra une de ses œuvres et le ciel lui-même, dont elle est l’interprète, l’accueillera. La peinture est un langage, elle n’a de sens que si vraiment elle parle. Le bon peintre présente deux choses principales: l’homme et l’éclat de son âme et la seconde, plus difficile, car il n’a pour cela que les gestes et les mouvements. Que d’observations! Que de précisions et de justesse, quelle sympathie intelligente et subtile n’exige pas l’art ? Isabelle c’est l’émotion, la sympathie, l’amitié qui nous met en communication avec tout ce qui est humain et nous enrichit des sentiments que nous partageons. C’est cette réflexion que m’inspire la visite de la salle à manger des pensionnaires de la maison du légionnaire, c’est pour moi un tableau. L’artiste à user de toute sa sensibilité et fait montre d’un savoir faire exceptionnel quant à l’utilisation judicieuse des matériaux au point d’en faire le point fort, le lieu clé de l’Institution des Invalides de la Légion Etrangère alors qu’il en était… le point faible ! Merci Madame pour nos Anciens.
Christian Morisot.- Communication FSALE