Durant la "Grande Guerre", 30.000 étrangers venus défendre la France dans la Légion
Turcs, Britanniques, Polonais, Espagnols, Américains...30.000 soldats de 50 nationalités ont participé au premier conflit mondial pour défendre la France sous la bannière de la Légion étrangère, la seule unité de l'armée française à pouvoir enrôler des étrangers.
Quelques-uns connaîtront plus tard la célébrité, comme le Suisse Blaise Cendrars qui rejoint la légion dès les premières heures du conflit, en 1914. Avec l'écrivain italien Ricciotto Canudo, il prend l'initiative, en août 1914, d'un "appel aux amis de la France" incitant les étrangers "nés ailleurs, domiciliés ici" qui "ont appris à l'aimer, à la chérir comme une seconde patrie" à "lui offrir leurs bras".
Phrase prémonitoire, Cendrars, grièvement blessé un an plus tard, perd son bras et est réformé. Son expérience de la guerre marquera toute son oeuvre littéraire.
8.000 résidents étrangers répondent, dès août 1914, à l'appel de Cendrars et de ses amis. Ne pouvant, parce qu'étrangers, se battre sur le sol français, les premiers s'engagent, sous des noms d'emprunt, pour cinq ans dans la Légion, et "servir hors métropole". Un décret gouvernemental permettra ensuite un Engagement volontaire pour la durée de la guerre.
Parmi les tout premiers à répondre à l'appel, figure un groupe de jeunes Américains, souvent diplômés, issus de familles aisées. En avril 1916, ils sont une quarantaine à former "l'escadrille Lafayette", sous commandement français. Parmi eux, Eugène Ballard, un Afro-américain, fils d'esclave, docker puis boxeur avant de s'engager, à 16 ans, trichant sur son âge. Déclaré inapte pour l'infanterie après une blessure à Verdun, il rejoindra l'aéronautique française.
Autre légionnaire célèbre, l'écrivain Malaparte, né en Toscane de père allemand. Il a 16 ans lui aussi lors de son engagement, en 1914. Il rejoindra l'armée italienne lorsque son pays entrera en guerre, un an plus tard.
- "Très francophile" -
Son compatriote, Lazare Ponticelli, né en 1897, a connu la célébrité pour avoir été le dernier poilu survivant de la Grande Guerre. Pour ses obsèques, en 2008, il a eu droit à une cérémonie aux Invalides. Né en Italie, sixième enfant d'une famille très pauvre, il avait débarqué en France à dix ans. Engagé en 1914, il avait lui aussi rejoint l'armée italienne mais c'est en France qu'il reviendra après l'armistice, sans le sou, avant de faire fortune dans la fabrication de canalisations destinées à l'industrie pétrolière. Il sera naturalisé en 1939.
La Légion compte encore parmi ses soldats, le Russe Alexandre Zinoview, espion à Paris avant d'être peintre, ainsi qu'un champion cycliste franco-luxembourgeois, François Faber, vainqueur du tour de France en 1909, mort à 28 ans en Artois.
Plus d'un millier de Grecs avaient aussi rejoint les rangs de la Légion. Théodore Costopoulos en fait partie. Né en 1883, il s'engage, en décembre 1914 au bureau militaire de Marseille. Issu d'une famille de commerçants du Pirée, il avait fait ses études en Suisse et y avait créé une société d'import-export.
"On ne connait pas les motivations qui l'ont poussé à quitter, à plus de 30 ans, une vie déjà établie, pour s'enrôler" comme simple soldat, raconte son petit-fils Denis. "Sans doute parce qu'il était très francophile", suggère-t-il. Intégré dans l'armée d'Orient, Théodore Costopoulos se bat sur le front serbe avant la Hongrie et la Russie.
Il finira la guerre comme sergent avant de rejoindre l'Algérie, où est basée la Légion, avant de participer à la guerre du Rif, au Maroc, jusqu'en 1922. Malgré cela, "toutes ses demandes de naturalisation française seront éconduites", souligne son petit-fils. Il l'obtiendra en 1936... trois ans avant sa mort.
Après l'armistice du 11 novembre 1918, "les légionnaires engagés volontaires pour la durée de la guerre sont démobilisés. "95% d'entre eux rejoignent leur vie civile", indique le major Frédéric Ambrosino, un des responsables du centre de documentation de la Légion, à Aubagne. Les autres, engagés "normaux", embarquent pour l'Algérie pour rejoindre leurs unités.
"Quand a sonné le cessez-le-feu, le 11 novembre 1918, la Légion avait perdu 5.712 légionnaires", rappelle le major Ambrosino.