Nous ne saurions trop nous mouvoir dans l’arène politique, cependant dès lors qu’un de nos anciens Chefs prend la parole devant les médias, ainsi le fait le général (2s) Bruno DARY dans un article du « Boulevard Voltaire » concernant la commémoration de l’Armistice du 11 novembre, nous nous sentons concernés…
Ce que nous souhaitons ? Tout simplement rappeler le souhait des Anciens poilus et victimes de guerre au lendemain de la Grande Guerre, lors d’un congrès qui les rassemblait à Clermont Ferrand en 1922, juste avant que le 11 novembre ne soit accepté comme fête nationale.
Suite à ce congrès, les anciens combattants prennent une position catégorique vis-à-vis de cette manifestation et précise entre autres : « de ne pas faire du 11 novembre une cérémonie militaire :
« Dans toute la France, des couronnes seront déposées au pied des monuments aux morts par les représentants des Associations d’Anciens combattants et Mutilés assistées par les représentants du Gouvernement et des Corps constitués. »
De même, à la fin du compte rendu du congrès est indiquée la manière de célébrer cette nouvelle fête nationale, le journal des mutilés se fait précis :
« Ce qui importe, c’est que la fête du 11 novembre soit dépourvue de tout apparat militaire. Ni prise d’armes, ni revues, ni défilé de troupes. C’est la fête de la Paix que nous célébrons. Ce n’est pas la fête de la guerre. Nous voulons qu’on laisse les vivants tout entiers au souvenir d’une heure où ils ont précisément savouré l’admirable pensée qu’ils allaient désormais pouvoir vivre pour des œuvres de paix, pour des œuvres civiles. »
Mais alors, les drapeaux, les clairons, les Marseillaises ? Le déroulement des cérémonies du 11 novembre ne trahit-il pas ces intentions ? N’est-il pas une concession au « militarisme » ?
Absolument pas répondent les Associations, si l’on consent à déchiffrer, ces cérémonies comme un ensemble de signes articulés. Le lieu de la manifestation, comme le nom l’indique, est le monument aux morts. Certains, il est vrai, arborent un poilu triomphant, encore que le plus grand nombre soient de simples stèles, sans connotations glorieuses ou cocardières. De toute façon, le monument joue dans la cérémonie le rôle d’une tombe. Partout, le fait de fleurir collectivement le monument comme la minute de silence, forme laïcisée de la prière, et l’appel des morts s’inscrivent dans la ligne des cérémonies funéraires. Le 11 novembre, devant les monuments, on ne célèbre pas le culte de la Patrie victorieuse, mais celui des morts. » On ne célèbre pas le nationalisme face à l’étranger, mais le citoyen mort pour la liberté.
C’est ce que confirme le sens des échanges et des déplacements. La cérémonie n’est pas présidée par les Officiels, mais par les anciens combattants, eux-mêmes, qui se rangent symboliquement avec leurs drapeaux du côté du monument. C’est-à-dire du côté des morts.
Et pour terminer, rien de plus instructif que de suivre le sergent Tapin qui rend hommage aux instituteurs dont l’enseignement, dit-il, a préparé la victoire, il leur donne d’étonnants conseils :
« Et maintenant, les instituteurs préparent leurs élèves pour la guerre future, suivant le mouvement cocardier actuel qui entretient l’esprit belliqueux d’autrefois et nous fait passer aux yeux des étrangers pour des impérialistes ? Propager ces tendances, est-ce faire œuvre d’utilité nationale, n’est-ce pas heurter le grand principe de transformation de l’esprit humain qu’on peut arrêter momentanément mais jamais interrompre et dont les étapes successives constituent le « progrès ».
Maudire la guerre, ce n’est pas affirmé son impossibilité future : c’est une étape car haïr la guerre, c’est commencer à la rendre moins probable et après un tel drame, ce nouveau mot d’ordre s’impose, dicté par la sagesse, la science, la raison. »
« Haïr la guerre » : c’est une croisade qui doit aujourd’hui commencer dans le monde entier pour qu’une telle malédiction prévienne dans l’avenir un nouveau conflit mondial… Pour travailler à tuer la guerre, la journée du 11 novembre s’offre à nous comme une arme précieuse et salutaire. Aussi, donnons à cet anniversaire toute sa portée et dans sa plus grande manifestation, attendons-en les bienheureux effets. Nous servirons ainsi tout à la fois la cause de la Patrie et celle de l’Humanité. »
Au regard des divergences dont font montre les Associations d’Anciens combattants, il est à craindre que l’union n’est pas la force principale qui les animent, chacune donne son interprétation quant à la manière de célébrer et de penser l’armistice. Beaucoup n’ont pas compris que celle-ci doit, avant tout, exercer une action morale sur ses destinataires et renforcer leur union en dépassant les antagonismes. Pour cela elles doivent convaincre le cœur plus encore que la raison. Sans l’union, rien n’est possible. Face à l’esprit combattant, le mal est la division, fléau que l’on ne cesse de conjurer tant il menace sans cesse non seulement la Nation, mais les Anciens combattants eux-mêmes. Le monde des Anciens combattants est un amalgame d’hommes, très différents par la pensée, la condition sociale, les croyances et les idées, mais ils ont en commun d’avoir formé dans le creuset de la guerre un esprit nouveau, appelé l’esprit combattant. Devant la mort, l’amour apparaît comme la source de la vie. Les Anciens combattants ont tourné le dos à la mort et ouvert tout grand leurs bras à l’amour. L’amour des leurs, l’amour de leurs compagnons de misère, l’amour de leur pays. Qu’ils possèdent une religion ou qu’ils soient libres penseurs, qu’ils soient des hommes de droite ou de gauche, qu’ils soient riches ou qu’ils soient pauvres, ils se retrouvent toujours, qu’ils le veuillent ou non, dominés par un sentiment qui unit les hommes de bonne volonté. Souvenons-nous que malgré les bonnes résolutions et les chaleureux discours, le temps d’une génération et tout recommençait pour une nouvelle guerre encore plus meurtrière… Les leçons données par l’Histoire valent souvent mieux qu’un long discours moralisateur.
Pour revenir à la polémique née suite aux propos du Chef de l’Etat, le général (2s) Bruno DARY précise : « Cette polémique est inutile, il faut juger sur les faits, le fait qu’il se soit déplacé sur tous les grands champs de bataille, qu’il ait invité plus d’une centaine de chefs d’Etat et de gouvernement, qu’il fasse participer les drapeaux des Anciens combattants montre que la dimension militaire est bien présente. »
CM