Celà faisait trop longtemps que je souhaitais écrire quelques mots sur ce phénomène de société qu’est devenu le téléphone portable:
- “Allô Pierre, t’es où?”
- “Arthur c’est Nathalie, Caroline est insupportable, elle ne veut rien comprendre…”
Définitivement, je n’aime pas les portables et je hais plus encore ma propre dépendance de ne savoir m’en défaire.
Je constate avec beaucoup de peine qu’il n’est plus de trottoirs, plus de terrasses de café, plus de boutiques, plus de musées, plus de cimetière sans les sonneries horribles et les exaspérants babillages. Mais comment serait-il possible de “désinventer” ce qui a fait de par le monde un moyen de communication direct ?
En fait, ce qui me dérange le plus, c’est moins que les utilisateurs n’hurlent dans le minuscule appareil un déferlement de “bla-bla”, que d’être gommer, par eux, je suis l’homme invisible. Je suis en même temps agressé et aboli. Ils agissent comme si je n’étais pas là, avec un naturel tellement évident que j’ai parfois envie de crier et de faire ainsi acte de présence.
L’impudence est aussi le fait d’un être humain qui tisse avec ses congénères des rapports tordus. Pour ces bavards, il n’y a personne, ils ne voient pas leurs interlocuteurs, ils les transpercent en déversant leur vie privée ou professionnelle dans l’espace public. Avec eux, ce dernier disparait, la comparaison entre la solitude et la compagnie s’efface. Ce qui est le plus navrant dans cette “vômissure verbale”, c’est l’oubli tranquille de son obscénité, ce triste constat prend une autre dimension avec les nouveaux smarphones qui accaparent l’attention de 3 personnes sur 4 dans le Métro parisien et je regarde avec beaucoup de considération peinée ce qu’est devenue la vie quotidienne des chauffeurs de taxi, des coiffeurs et des commercants. Je laisse à votre imagination le spectacle des cadres et voyous, mamans en retard, artistes stressés, donneurs d’ordre, tous se succèdent sans interruption dans leur véhicule, leurs magasins en communiquant. C’est en toute innocence qu’ils encombrent le monde entier de leurs préoccupations domestiques et utilitaires. Le portable, c’est le cordon ombilical élargi aux dimensions du monde.
Ces minuscules machines affranchissent l’homme de tout ce qui est extérieur et leur remet sans cesse à l’esprit, à la bouche, à l’oreille, les soucis qui accaparent la vie.
Communication, ce mot recouvre désormais la méthodique destruction du monde humain par des machines intelligentes et marque la muflerie déroutante d’une société que ne peut plus qu’être égoïste.
Faites de temps en temps le geste de rendre silencieux vos portables et savourez un petit bonheur, celui de savoir profiter de ce et ceux qui vous entourent.
CM