C’est avec une grande émotion que le colonel (er) Pierre Brière a reçu d’un de ses anciens chefs un document de 14 pages intitulé « Souvenirs du Viet-Nam (1950-1953), rédigé par le père Just de Vesvrotte.
Un constat s’impose, notre Colonel est un passionné d'Histoire et de la Légion étrangère en particulièrement surtout celle d’Indochine et de l’Algérie, ces deux drames français, plaies béantes qui permettent de mettre en lumière la qualité du légionnaire que rien ne saurait entamer, conservant les vertus militaires et spartiates de ses anciens.
Pierre Brière, délégué de la FSALE, homme de convictions, conservait depuis 40 ans, coincé au fond de ses tiroirs, un petit carnet de chants écrit par un aumônier catholique signé Just de Vesvrotte, un de ces « curés sac à dos » exercant son sacerdoce en temps de guerre au sein du 3ème REI en Indochine.
Ainsi, son souhait de connaître un peu mieux cet homme de foi capable d’écrire une si belle prière vient d’être exhaucé avec ce « document » écrit sur le vif du quotidien d’un religieux qui est avant tout un homme de devoir qui avait fait le choix d’accompagner les légionnaires dans leur délicate mission en Indochine. 14 pages écrites sans recherche d’écriture, que des anecdotes plus riche les unes que les autres, un vrai régal.
Illustrations par le peintre aux Armées Louis Frégier:
Merci beaucoup, mon Colonel, pour ce partage:
Nous proposons de mettre une anecdote par jour en plus de l'actualité du site, la première: " le prêtre et l'argent".
Bonne lecture !
Introduction :
Ce temps peut paraître bien lointain… Mais avec le recul, apparaissent peut-être mieux les évènements essentiels, dont la relecture révèle l’importance. Les moins marquants disparaissent et demeurent comme des témoins, ceux qui ont le plus construit les êtres que nous sommes.
Selon l’expression de Marie-Jean Mossand, ces évènements ont été des avènements, des espaces, déranger, bousculer, réclamer un acte, un choix, une conversion. Just de Vesvrotte.
Le prêtre et l’argent :
Le vaguemestre du 3ème REI était sans doute un pope dans quelque village de Russie. Par quelles routes mystérieuse était-il arrivé à la Légion ?
Un légionnaire ne parle pas de son passé. Doté d’une barbe magnifique, il tenait au grand honneur qui lui était fait d'accompagner, lors des défilés, le drapeau du régiment. Nous avons lié, avec le temps, une profonde amitié.
Au bout de quelques mois, alors que nous étions seuls dans son bureau de la base arrière, il voulut me faire une confidence : « Père, me dit-il, il y a déjà plus de 30 légionnaires qui sont venus me voir pour savoir si vous envoyez de l’argent en France. » Il est vrai qu’avec le grade de capitaine et les primes de territoire extérieur, je jouissais d’une solde confortable. Mais, comme nous l’avait écrit le pape Pie XII quelques années plus tôt, je considérais que cet argent ne m’appartenait pas à proprement parler, puisque je ne le recevais pas en vertu de mes mérites, mais du fait de ma fonction. Il devait être consacré, pour une bonne part, à mon apostolat. C’était aussi l’avis des légionnaires.
Et le vaguemestre de poursuivre : « Père, la première des choses que les légionnaires réclament à leur aumônier, c’est de ne pas tenir à l’argent. » Et j’appris ainsi quelle était la première valeur qu’ils exigeaient de moi. La seconde, je la découvris plus tard. Au cours d’une opération, ils attendaient qu’avec les brancardiers j’aille chercher les blessés. Ceci étant admis, ils préféraient, comme ils disaient, « que je n’aille pas avec les femmes ». et, par la suite, ils m’auraient pardonné une soirée un peu trop arrosée.
Ainsi s’expliquait l’accueil du colonel Laimay à mon arrivée : « Père, je vous trouve bien jeune pour un aumônier de Légion. Mais, on vous verra à l’usage. Ou bien vous serez adopté ou bien vous devrez quitter le régiment. »
J’y suis resté trois ans.
Demain: " Les cochons et les canards catholiques."