SOLIDARITE : Les Coréens n'oublient pas les anciens soldats du bataillon de Corée

Dans sa boite aux lettres, fin avril, Michel Ozwald a ouvert une enveloppe blanche. Une missive un peu particulière, qui a fait chaud à cœur à cet ancien militaire de carrière.

« Nous vivons depuis plusieurs semaines, une période inédite due à la pandémie qui frappe le monde entier. Notre gouvernement de Corée porte une attention particulière aux vétérans de la guerre de Corée en ces moments délicats. Ainsi en mon nom, et celui de la République de Corée, tout en vous exprimant la solidarité du peuple coréen, je tiens à vous faire parvenir ces masques » : la lettre est signée par l’ambassadeur de Corée en France. Il souhaite à Michel Ozwald de rester en forme, malgré l’épidémie qui fait rage.

Ce geste d’amitié tant d’années après la guerre de Corée (1950-1953) a ému cet habitant de Danjoutin dans le Territoire de Belfort. Michel Ozwald, avait 19 ans quand il embarqué en 1951 pour la Corée pour relever le bataillon français sur place. La guerre faisait alors rage entre le Nord de la Corée, communiste, et le Sud, soutenu par les Nations Unies. Michel Ozwald fait partie là-bas du bataillon de l’ONU, composé d’un peu plus de 3 000 soldats français. 

"Les Coréens ne nous oublient pas, et cela me touche"
Recevoir ces masques et cette lettre, « cela m’a fait plaisir, je ne m’attendais pas à cela. Les anciens combattants en France, on en parle pas trop. Alors qu’il n'y a pas de masques, ces gens là, 70 ans après la Guerre de Corée, ils pensent aux anciens qui ont fait la guerre avec eux... Ils ne nous oublient pas, et cela me touche, parce que le temps a passé. Je suis devenu un vieillard, mon Dieu, et ça fait plaisir, ça réchauffe le cœur » confie Michel Ozwald touché par ce geste de Séoul.

Coronavirus : un ancien vétéran de la guerre de Corée reçoit des masques de l'ambassade de Corée
A près de 88 ans, MICHEL OZWALD est l'un des derniers vétérans du bataillon français de la guerre de Corée. Quelques 3000 Francais , on l'ignore souvent, ont combattu sous les couleurs de l'ONU aux côtés des américains et des sud coréens entre 1950 et 1953. Contre les chinois et les coréens du nord. Et Séoul n'oublie pas nos soldats... même 70 ans après ... Michel Ozwald a en effet reçu des masques chirurgicaux de la part de l'ambassade de Corée comme tous les vétérans de cette guerre effacée de notre mémoire collective par le conflit en Indochine.

Michel Ozwald, enfant de l’assistance publique
De la Corée, Michel Hozwald se souvient du froid. Des températures à -30, -35 degrés. Le Franc-comtois fait partie des derniers vétérans de la Guerre de Corée encore vivants en France. « Je suis parti en Corée, j’avais 19 ans, les autres avaient 25 ou 30 ans. Aujourd’hui ils sont tous morts, ou il n’y en a plus beaucoup » confie d’une voix claire Michel Ozwald.
"En m’engageant dans l’Armée, je voulais sortir de  l’enfer où je vivais"
Si Michel Ozwald s’est engagé dans l’Armée, c’est par espoir. « Je suis un enfant de l’assistance publique. J’ai été abandonné à la naissance. Je suis né dans l’Aisne. J’ai vécu la douleur des enfants de l’assistance rejetés de partout » explique Michel qui n’a rien oublié de cette souffrance. Le travail dans une ferme dès l’âge de 14 ans, un vol dont on l’accuse dans une boulangerie et dont il n’est pas l’auteur.
« Mes parents m’ont manqué. Quand j’ai été accusé, maltraité, j’aurais bien aimé pleurer dans les bras de quelqu’un. J’ai beaucoup pleuré » se souvient-il.
« On n’avait qu’un espoir nous les gosses de l’assistance publique, c’était de s’engager à l’âge de 18 ans. Moi je me suis engagé pour l’Indochine. Nous sommes partis relever le bataillon de Corée, je n’avais pas d’idéologie particulière,  je voulais sortir de  l’enfer où je vivais. On me disait tu va mourir là-bas, ça m’était égal » raconte l’ancien vétéran.

En Corée, des tranchées comme celles de la guerre de 14-18

De sa vie, de son enfance sans parents, Michel Ozwald a écrit un livre Parcours d'un combattant.

De cette guerre de Corée, il se souvient des tranchées comparables à celle de la guerre de 1914-1918. « On était là-bas dans des tranchées, comme en 14 avec des cadavres en décomposition qu’on ne pouvait pas évacuer car on était matraqués par les Chinois. C’était terrible » se remémore-t-il. « J’ai passé mon temps en Corée aux avant-postes, au combat, à être à disposition d’un capitaine qui me disait, il faut tirer là et là » raconte Michel Ozwald qui terminera au grade de colonel dans l’Armée française.
Par deux fois, l’ancien vétéran a été invité à retourner en Corée. « On est toujours reçu comme des princes, des dieux » dit-il. Coréens et Français réunis dans l’Association nationale des anciens et amis des forces françaises de l'ONU et du bataillon et régiment de Corée se retrouvent tous les ans sur les Champs-Elysées pour raviver la flamme du soldat inconnu. Le lien entre les deux nations, et ses hommes n’a jamais été rompu
Ces masques venus de son passé coréen, Michel Oswald leur voue une valeur inestimable. Celle du cœur. De la fidélité. D’une reconnaissance presque éternelle au delà des frontières.