Eté de déconfinement, je suis au bord de mer aux premières lueurs de l’aube.

La nuit s’achève, le ciel n'attire aucune attention particulière et poutant, serait-il une loupe d’une taille effrayante dans laquelle, je regarde d’un oeil observateur ma triste condition de grain de sable humain aux plages des eaux de la terre ?

Je suis face à la mer du nord, seule mer qui partage depuis mon enfance tous mes tourments, mes soupirs et les inquiétudes de mon esprit. Elle me libère de mes peurs cachées et du supplice parfois insupportable de mes doutes.

Le cri d’une mouette s’élève au dessus de la houle, rien ne se hisse plus haut à l’horizon qu’un minuscule mât signalant un bateau de pêche à la crevette très proche du rivage. Le vent se lève comme une respiration, l’aube éclaire le ciel, la vie recommence. Sur le sable où finit la terre et commence la mer, la promesse d’un au-delà se fait clairement sentir, l’infini parait si proche et le vide d’une majestueuse immensité offre une sécurisante présence. Peu se sentent seul au bord de mer !

Il est dit que ce n’est que de l’eau salée venue des nuages voici des éternités, du temps où la terre ardente commençait à refroidir. Mais celui qui se trouve ici sur la plage aux premières heures du matin, quand le soleil commence à peser lourd sur la houle, sait bien à quoi s’en tenir. L’homme matérialiste n’y a pas sa place, il vit trop dans un monde de son cru, un monde stérile et absurde où le cri bref et désolé d’une mouette ne parvient pas jusqu’à son oreille, où la mer n’a de voix que pour faire du bruit, où la vie fait écho sans qu'il puisse s'apercevoir qu’elle est depuis la nuit des temps, une des énigmes obsédantes de l’univers qui ne trouvent jamais de réponse.

Maintenant, le ciel se confond avec la mer et la marée montante murmure son approche des terres, les cieux se cachent dans le vide, je ne suis pas seul. Il y a ici une puissance, une promesse rassurante, presque une certitude et si loin que je rejette mon espoir, la mer le retrouvera toujours et me le rapportera intact.

La science peut dire comment la mer est née, mais elle ne pourra jamais expliquer cette chose étrange qui survient quand un homme pose les yeux sur la mer ou l'océan. Il suffit de regarder  pour savoir à quoi s’en tenir et sourire avec soulagement, les eaux surgissent et reculent, tonnent avec un aplomb infini puis font profil bas, battent en retraite, soulèvent, menacent et se heurtent furieusement à leurs propres limites, pour se confondre dans une image fidèle où se démènent espoir et doute.

Les eaux de la terre appartiennent aussi aux rêveurs. Ils sont hors de portée de ceux qui ont perdu leurs âmes d'enfant, ils tiennent sous nos yeux une promesse d'éternité qui ne peut, avec bonheur et confiance, si telle est notre volonté,  ne jamais mourir.

CM