L’esprit critique se porte encore bien, surtout en ce qui concerne les événements du passé, chacun qui les aura vécus affiche sa version des faits, parfois différente des faits eux-mêmes… Mais à quel point la vérité du moment se transforme en réalité historique ? Figer notre mémoire collective dans des certitudes immuables serait pour le moins… totalitaire !
Il me vient en tête une idée impossible à réaliser: la prochaine fois que je surprends une conversation, lors d’une rencontre amicale entre anciens légionnaires, je la consignerait par écrit, elle pourrait venir alimenter les archives de notre histoire légionnaire.
Nous avons constamment et régulièrement relancé nos Anciens pour qu’ils nous fassent part de leur vécu au sein de la Légion étrangère. Le constat est sans appel, trop peu répondent…
Il nous faudrait peut-être revoir notre méthode de récupération de ces petites histoires. Mais tout ne semble pas perdu ainsi le colonel (er) Pierre Gros qui nous propose quelques anecdotes « rafraîchissantes à souhait » ou le partage proposé par notre délégué ou Pierre Brière concernant : « les souvenirs du Viet-nam de l’aumônier Just de Vesvrotte, deux Pierre qui nous offrent leurs "pierres" à l’édifice... « Mémoires ».
Aujourd’hui, la méthode de récupération des histoires est partout en plein essor, ainsi depuis plusieurs dizaines d’années au Royaume Uni, un institut de recherches biologiques créé en 1936 avait pour mission d’enregistrer auprès de gens différents ce qu’ils pouvaient exprimer sur leur vie quotidienne. Pour compléter cette initiative national, la “BBC” réalisa une émission radio qui visait à faire un portrait oral de la Grande-Bretagne en réunissant des milliers de conversations enregistrées un peu partout dans le pays. Conclusion, des extraits choisis sont diffusés tous les jours avant les informations. Ainsi, au delà du bavardage, cette initiative s’inscrit dans le sillage du succès d’un livre sur la société londonienne dans lequel est mis sur un pied d’égalité les témoignages d’un conducteur de cyclo-pousse, d’un fonctionnaire municipal, d’un urbaniste, etc… l’ensemble créant un vaste portrait du pays.
J’imagine faire la même chose avec notre institution Légion étrangère des Anciens et la Fédération, se chargerait d'archiver les récits de vie de ces témoignages venant de personnes très différentes, enregistrés avant qu’il ne soit trop tard !
Un rêve difficile à réaliser, il nous faudrait regrouper les souvenirs avant qu’ils ne sombrent dans l’oubli, vaste programme très difficile à réaliser, un de mes illustres Anciens me disait amicalement et récemment avoir lu notre appel de demande d’anecdotes et me précisait qu’il n’en a pas et que s'il en avait : « elles ne mériteraient pas d’être livrées en patûre au public ! ».
Cette volonté de consigner et de conserver des archives est symptomatique de l’état d’esprit de notre Fédération. Le rythme de notre vie moderne, le vieillissement de l’âge moyen des membres des amicales créent un besoin de reconstitution d’un puzzle qui expliquerait à nos héritiers, gens du futur, le mystère de cette institution particulière qui avait pour devise l’honneur et la fidélité et qui appliquait la solidarité avec un esprit de Famille bien mal appliquée à notre époque par l’ensemble des nations.
Des nations qui devaient faire face à une catastrophe humanitaire engendrée par une pandémie qui tue à volonté et qui provoquait la peur de l’autre, réflexe de survie. Les puissances s’affichent impuissantes. En 2020, on n’a jamais autant dépensé pour l’acquisition de tous types d’armes… Les gens du futur auront, peut-être, l’intelligence de ne pas juger notre époque avec leurs yeux du moment... Si tel est le cas, nos mémoires serviront une bonne et juste présentation d’une institution unique et exceptionnelle où se cotoyaient fraternellement presque 150 nationalités.
CM