La défense de la Frite:

J'ai imposé à mon épouse de faire des frites comme ma mère les faisait. Je mesure l'horreur pour une femme dont le mari ne jure que par la magie culinaire de sa mère: "ma mère ceci, ma mère cela". Pour faire ses frites, la sainte femme coupait les pommes de terre assez grosses, les saississait dans l'huile, tout simplement ! Aujourd'hui encore je reste marqué par les goûts découverts dans ma petite enfance: "limande au four (celle qui débordait de la poêle), cuite avec échalottes et vin blanc", "langues et joues de morue, de porc et de bœuf accompagnés de petites pommes de terre nouvelles (Bintjes bien sûr)", et toute la cuisine du dimanche que nous faisait notre mère, digne héritière de recettes aujourd'hui oubliées. Mais la frite, Madame, Monsieur, tout le monde est en accord, sans elle le monde occidental ne serait plus ce qu’il est censé être, son alimentation, jusqu’à pas longtemps, ne se faisait pas à base de semoule de blé, ni de riz. Accompagnez moi donc dans cette périlleuse défense d'une cause un peu folle :

Alimentation indispensable au moral de nos concitoyens qui deviennent de plus en plus tristes et stressés à cause des nouvelles nutritions qui sculptent leurs corps et entretiennent leur santé physique au détriment de celle de l'esprit, vous savez, cet endroit souvent méconnu où se cache l'intelligence... (mille et une excuses, je m’égare…).

Il est vrai que mon Ami Antoine m’inspire tant il utilise à souhait, dans certaines de ses lettres, des faits divers, de curieuses observations, celles de la vie courante qu’agrémentent la comédie humaine à l’identique souvent de ce qui se faisait, au temps où, Balzac lui-même était en pleine inspiration !

Des histoires, toutes plus « croustillantes » les unes que les autres.

J’ai dit « Croustillantes » ?...

Aujourd’hui me plongeant dans la même inspiration que mon ami, dans un style qui m’est propre, je souhaite m’engager dans la défense d’une cause qui me tient particulièrement à cœur: celle de « la Frite universelle » !

Loin de vouloir plaisanter, l’affaire est plus sérieuse qu’elle n’y parait. Originaire du Nord de la France, voisin immédiat de nos amis belges, il me vient le souvenir précieux de moments de petits bonheurs, quand je pense au cornet de frites avalé goûlument sur la plage, alors que la faim me tiraillait de sa morsure animale. La frite, c’est le repas idéal du  plat pays qui est le mien, le “légume” le plus utilisé de l’alimentation nordiste.

C’est le plat le plus simple à faire, il suffit de découper les patates, le reste va de soi, ça cuit dans l’huile chaude. Voilà pour la recette.

Je me souviens, gosse, à l'école, de cette rumeur qui commençait à circuler pendant la “récré”: “il paraitrait qu’il y aura des frites ce midi”. On se passait l’info, l’agitation gagnait les rangs chez les garçons, les filles quant à elles, avaient déjà un petit régime…

Il faut avoir un esprit bien cruel aujourd’hui, pour enlever à nos enfants une des meilleures choses qui adoucissent  leurs dures journées scolaires.

Imagine-t-on à sa juste valeur, le degré de stress qu’atteint l’homme et la femme consultant à tous moments leurs téléphones portables, sans pleine conscience de ce qui les entourent, ces risques énormes: le sida, le chômage, la maladie d’Alzheimer, le coronavirus, le réchauffement climatique, le racisme, la rue, l’insécurité et bien d’autres périls… par surcroît, on aurait l’outrecuidance de se prive de frites à midi ? 

« Avoir la frite » n’est-ce pas une expression qui signifie avoir du tonus, de l’entrain ?

Hélas, les frites sont remplacées par les haricots verts sans goût, le stupide poireau, l’abominable brocoli, l’infect navet, le ridicule petit pois, sans évoquer le topinambour de triste mémoire qui revient à la mode. Enfin… tous ces légumes, qui figuraient au menu des gueux, des serfs ou des manants.

Pas un présidentiable n’a accordé, dans son programme, la plus infime place à la défense de la Frite. C’est à désespérer de la République.

Les ados, ceux qui peuvent voter, savent ce qu’ils doivent à la frite. Aujourd’hui, elle est bafouée et calomniée par des ministres inconscients qui parlent santé et d’alimentation; beaucoup d’électeurs, de droite comme de gauche, se souvenant de leur enfance, ne voteront pas pour ces détracteurs de la Frite.

Nous n'avons pas encore fait une association, Antoine et moi, pas question pour l’instant de penser à l’affilier à la FSALE, celà ne saurait tarder, si une telle Amicale devait voir le jour, elle associerait la frite à la morue du Portugal, tout un programme, mon bon Monsieur !

Pourquoi non ? il est tellement nécessaire de traiter des sujets sérieux en cette période déprimante…

CM