Sous un déluge de mitraille et de feu

Véritable enfer

Les héroïques Défenseurs de Verdun

Feront preuve de longs mois durant

D’un courage et d’une ténacité

Sans exemple

Roland d’Orgelès

Un millier d’hommes blottis, coude à coude, casque à casque; muets, ils attendent le signal et regardent la pente fumante qu’il va falloir gravir… Penché sur la tranchée, on essaie d’imaginer leur masse anxieuse. Des dos voûtés, couverture en travers… Leurs fusils luisent, tout droit…Ils sont prêts, ils vont sortir…

Les mitrailleuses devaient crépiter déjà, à l’aveuglette, dans la brume du petit matin… On le connaît, on l’a senti, ce remous indécis qui balance les corps et vous jette, étourdis, sur le bord de la sape, face à tout…

Et pourtant, malgré les efforts de son esprit tordu, notre Ancien, ne parvenait pas à reconstituer cette vision, l’instant simple et tragique d’avant la mort où le temps paraît hésiter dans le grand sablier… Depuis, l’herbe a poussé sur les parapets, des liserons s’entortillent autour des chevaux de frise, et malgré le chaos de cette terre bossuée, malgré les débris d’armes et les lambeaux qui traînent, malgré les croix, on ne peut pas croire que ce fut vrai.

Ainsi, la vie de milliers d’êtres, l’orgueil de nations entières, a tenu dans ce bout de champ; deux grands peuples ont, pendant quarante ans, formé des hommes, forgé des armes, pour se heurter un matin à ce carrefour. Comme c’est petit, la guerre !

La crête, l’infranchissable crête, c’était cette petite pente, et le fortin, cette case à ras de terre, percée d’un créneau. Tout cela était pourtant si grand, dans leur mémoire… Les lieux se sont rapprochés, les mamelons sont rentrés en terre, on dirait que l’horizon, avec le temps, s’est resserré.

De même que les enfants se souviennent d’un parc où il n’y avait qu’un jardinier, d’une rivière où il n’y avait qu’un ruisseau, les soldats ont conservé des choses une image déformée.

Ils revoyent en songe les boyaux encombrés comme des rues, les tranchées familières, les gourbis où chacun avait son coin, et tout cela n’était qu’un peu de terre remuée le long de la route...

C’est aussi à tout celà qu’il nous faudra, confinement ou non, commémorer ce 11 novembre 2020 ! là où nous serons, peut-être qu'un jour nous aurons l'intelligence de prendre le temps au présent pour déshabiller le passé afin d’habiller l’avenir…

CM