Huile sur toile de Louis PyC:
j'ai bien failli ne pas publier ce texte tant il me semblait délicat de narré l'aventure de cet ancien légionnaire rencontré au hasard d’une balade à Aix en Provence. Néanmoins, il reste intéressant à plus d'un titre et en particulier en tant que témoignage d'un des nôtres qui vit marginalement pas très loin de nos deux maisons qui peuvent l’héberger. En fait, un légionnaire reste un légionnaire même si les sentiments de honte et de rejet dominent puisque non conformes à notre "code d'honneur de l'ancien légionnaire". Mais avant la magie de Noël, il est très difficile de comprendre ce qui pousse ces Anciens, à faire le choix de cette façon marginale de survivre.
Témoignage sur le vif d’un Ancien que nous appelons « Helmut ».
A méditer...
- « Bonjour, je m’appelle Helmut, ancien légionnaire, j’ai tenté une période d’essai dans une de nos maisons qui hébergent des anciens légionnaires. Quand je suis arrivé, j’ai en mémoire mes impressions :
- « Je serais presque inquiet, que se passe-t-il, que m’arrive-t-il ? J’étais mieux avant, le bien-être me serait-il intolérable quand, depuis des années, j’étais devenu habitué aux situations misérables ? J’ai le sentiment qu’il est vraiment trop difficile de se retrouver brusquement sans autre souci que celui de se laisser vivre, c’est presque insupportable… La misère, c’est une sorte de glissement inévitable, une aspiration, qui vous entrainent, impuissant, dans une noyade marginale, de celles qui vous font vivoter en marge d’une société indifférente à votre sort… Un trou, où les seuls plaisirs sont de vrais poisons: alcool et toutes ses dérives, maladie, paresse, drogue, malnutrition. Pour y échapper, seule l’errance apporte une fragile ébauche passagère de solution. En fait, on s’enfonce un peu plus dans une position sans lendemain. Alors, il arrive un moment où plus rien n’a réellement d’importance, vivre autrement semble inconcevable, la bascule vient de se faire, vous respirez là où vous êtes, à la recherche d’une petite pièce de monnaie. Mendicité qui se fait sans complexe, à ces personnes venues d’un autre monde qui passent devant vous, sans un regard, ou pire : affichent ostensiblement leur mépris. Heureusement, certaines d‘entres-elles, prises de pitié, vous accordent leur obole providentielle. Un os pour le chien. Le sentiment de fierté et le besoin de dignité qui dans une vie antérieure marquaient ma manière de vivre, n’existent plus. Je n’ai plus d’autres ambitions et motivations que celles d’offrir à mon corps épuisé, ses litrons de « pinard ». Exercice parfois périlleux compte tenu de la concurrence, mais seule et unique préoccupation qui m’enlève toutes illusions de liberté ; nourrir mon alcoolisme est devenu une obsession permanente et ma raison de vivre. Quant il m’arrive de rencontrer ces étranges animaux que sont les humains, certains veulent me venir en aide et souhaitent me « sortir de là », comme ils disent. Je réalise alors, toujours et bien vite à leur contact, que leur marché propose, une insupportable conduite, celle de reprendre ma vie d’avant, celle qui m’a poussé à vivre assis, à regarder circuler les inconnus, d’en bas. La loi de la nature est sans concession, je connais même des groupes de jeunes, filles et garçons, qui arpentent souvent avec leurs chiens la « civilisation », jeunes victimes d’un système social pour eux aussi inadapté. » Saint Ex disait: « nous sommes responsables de l’animal que nous apprivoisons »…
- Après réflexion, j’ai repris ma fausse liberté de la rue… »
Heureusement très peu des nôtres font ce choix, sans juger, sans condamner, nos Amicales sont là aussi pour apporter leur aide aux plus démunis d’entre nous qui sont dans ces situations précaires. Cette réalité vécue par de nombreuses de nos Amicales leur impose une action souvent discrète qu’il leur faut mener avec beaucoup de délicatesse et une incorruptible amitié même si aucune solution n’est envisageable... Constat ! Hélas...
CM