Jusqu’à son intervention sur le front occidental, dans la « Grande Guerre » la Légion étrangère a été considérée par l’opinion française comme un corps de troupe exceptionnel, un peu mystérieux, refuge des aventuriers, fils de famille perdus de dettes, refuge des hommes de toutes nationalités désireux de quitter leur pays, propres à toutes les besognes, troupe de choc, on n’emploie pas encore le mot : vouée aux expéditions lointaines. La France n’a d’yeux que pour ses régiments métropolitains où servent ses enfants.
L’Afrique c’est loin et le « contingent » ne prend aucune part à ces luttes coloniales, marocaines, que la nation réprouve lorsque son sang n’y est pas versé. La néfaste aventure de Madagascar où un régiment de petits fantassins a été décimé cruellement par la maladie, n’a pas été recommencée. Lorsque les zouaves de Paris sont partis pour le Maroc, la choc a été assez durement ressentie. Lorsque deux bataillons de chasseurs alpins y ont été envoyés, peu de temps avant 1914, cela n’a pas été sans susciter des grincements de dents. Le Maroc, la colonie, ce n’est pas pour celui qui accomplit son service normal, dans un 100ème de ligne quelconque.
La guerre de 1914 va changer tout cela. La Légion étrangère va s’y tailler la principale page de gloire et va devenir extrêmement populaire. Pour la première fois, le 14 juillet 1917, un détachement de la Légion défilera dans Paris. On n’avait jamais vu cela. Sauf en 1859, pour le retour des troupes de l’armée d’Italie. La Légion était commandée par un officier supérieur petit, sec, barbichu, invariablement vêtu de toile cachou, été comme hiver et dont le nom allait passer à la postérité : Rollet, le « père Rollet », l’ancien commandant de la compagnie montée du 1er étranger, un homme d’un courage exceptionnel et d’un allant superbe.
La Légion venait, enfin ! d’être adoptée par la France entière et sur son passage, les acclamations n’allaient cesser de retentir, « Vive la Légion !» devenait l’un des cris favoris de cette foule qui ne s’enthousiasme pas aussi facilement qu’on veut bien le dire…
La Légion va donner abondamment son sang pour la défense de la France, de la civilisation française, d'une forme de liberté.
Le 14 juillet 1919, le colonel Rollet, le drapeau et une compagnie d’honneur de la Légion étrangère, du régiment de marche, vint défiler à Paris pour les fêtes de la victoire. Rapatrié en Afrique. Le 14 septembre le général Cherrier, commandant la division d’Oran décora le drapeau de la Médaille militaire :
« Héroïque régiment que son amour pour la France et sa bravoure ont placé au premier rang.
Au cours de l’épopée de 1918, et sous les ordres du lieutenant-colonel Rollet,
Après avoir brisé au bois de Hangard-en-Santerre, le 26 avril,
la marche des Allemands sur Amiens.
Après avoir le 28 et 31 mai, conservé contre les assauts
furieux de l’ennemi, à la montagne de Paris à l’ouest de Soissons.
Après avoir anéanti le 12 juin les efforts d’une division allemande tout entière
devant Amblény et Saint-Brandy. A repris ensuite ses traditions offensives, le 18 juillet,
A bousculé l’ennemi sur une profondeur de 11 kilomètres, à l’est de la forêt de Villers-Cotterêts.
Enfin, du 2 au 14 septembre, après douze jours de lutte épique, est parvenue à rompre la ligne
Hindenburg, sur le plateau de Laffaux, capturant un régiment entier.
Il préparait la nouvelle victoire en Lorraine lorsque sonna
l’armistice. »