J’ai en mémoire avoir lu que dans un coin de terre qui pourrait être le bout du monde, pouvait avait lieu l’effet d’un évènement inexpliqué. J’ai découvert ce phénomène lors de mon séjour à Mururoa, alors que je naviguais sur les eaux du lagon à bord d’une vedette rapide que nous appelions “Tinu Paé” qui veut dire en langage tahitien: “Grand 5” du nom du 5ème Régiment Etranger. En fait, je regardais la rive qui défilait doucement devant nos yeux en attendant de traverser la passe pour nous retrouver en plein océan à pécher au gros.
Une cocoteraie allongée sur la ligne d’horizon attira mon attention, j’avais l’impression d’être devant un des paysages qui ont marqués mon enfance, j’étais sur la plage à Dunkerque et curieusement rien dans le décor ne pouvait me faire changer d’avis.

 

j’étais bien en présence d’un endroit familier. Pourtant, l’endroit se trouvait exactement aux antipodes l’un de l’autre, à la fois éloignés et très proches, mais absolument identiques. Comme si, penché sur un puits où pouvait se voir l’autre côté des choses tel un physicien qui montre une ombre dans l’eau d’un puits à un de ses amis et lui dit: “Est-ce par là ce que tu appelles les antipodes ?”.
Il se confirme alors que les arbres croissent la tête en bas et que les habitants à la verticale en dessous de soi ont aussi la tête en bas… il est troublant que notre imagination s’exerce en rapprochant par raccourcit le plus éloigné du plus proche. D’autres diraient que c’est ce qui fait la force de l’homo-sapien sur tous les animaux de la terre, cette capacité de créer une réalité imaginaire à partir de mots, ce qui a permis à un grand nombre d’inconnus de coopérer efficacement et d’éliminer tous les importuns…


Nous savons qu’au delà de l’horizon, il existe un autre horizon, il n’y a plus de taches blanches inexplorée sur les cartes de la planète. Sur nos écrans, le monde arrive en direct dans nos salons. A quoi bon aller voir ailleurs, puisque cet ailleurs est déjà chez nous, ainsi le dit si bien dans son poème intitulé “Retour” Harry Martinson:

“L’errant qui entre de la route
Sait qu’il n’a plus rien à raconter.
Tout est déjà connu par les appareils

nouveaux qui atteignent  tous et chacun.

De sa vie en terres étrangères, il sait qu’il n’a

rien à raconter Qui n’a pas déjà été dit mieux par

les appareils nouveaux qui arrivent toujours premiers

Il erre dans un monde où les rumeurs ne sont plus portées

par des hommes vivants. Il rencontre un paysan qui a déjà tout

entendu d’une boite qui peut capter des voix  lointaines et  recevoir

leurs conversations.  Alors  il  prend un air sérieux et demande un verre

d’eau. En buvant par petites gorgées, il dit: "En ce moment, je bois un vin qui

vient  d’être  tiré  D’un  tonneau  dans  une  ferme  à  côté  de  Funchal.
Et  il  montre  un  bout  de  pain  sorti  de  son  sac,  mord
Et dit: ici, je mange un morceau de pain que me

tend une Femme en Inde. La différence

est que moi je porte mon

imagination avec
Moi,

alors que

la  vôtre  vous  est

envoyée des pays lointains.”

Et de reprendre le livre admirable de Gilles Lapouge, “besoin de mirages” où il écrit: “Gloire et gratitude aux écrivains voyageurs! Ils sont les magiciens de la fin du voyage, les grands couturiers de la mort des choses. Ils nous fabriquent des lointains aujourd’hui, alors qu’il n’y a plus de lointain, mais seulement du proche.”

CM