La première fiche indiquait que monsieur Adolphe Beaucé, peintre militaire, avait exécuté le tableau et que le colonel Gardy l'avait fait ramener en 1952, de Tours à Sidi-Bel-Abbès. Il était également fait mention de trois restaurations. Les deux premières avaient été réalisées par des légionnaires en 1952 et en 1963. La troisième, qui date de 1971, avait été assurée par un atelier de restauration marseillais. A cette occasion, une estimation de la valeur du tableau avait été faite par ce même atelier.
L'autre fiche indiquait, quant à elle, que le tableau provenait du musée des Beaux-arts de la ville de Tours et que la restauration faite en 1963 avait été "un véritable massacre". Le résumé de la biographie d'Adolphe Beaucé était également inscrit sur cette seconde fiche.
Si les informations figurant sur les deux documents nous permettaient de suivre le ta-bleau depuis 1952, nous n'avions toujours pas de visibilité sur la période qui allait de son exécution jusqu'à son arrivée à Sidi-Bel-Abbès.
C'est un peu par hasard qu'une des pièces manquantes du puzzle est apparue en consultant un site internet consacré aux albums des salons de peinture du XIXème siècle. Sur une des photos publiées dans le catalogue du salon des peintres vivants qui s'était tenu en 1869, figu-rait celle du tableau de Camerone. La légende correspondante indiquait: "Beaucé, lot numéro 150, Combat de Camarone (Mexique), le 30 avril 1863". Une recherche plus poussée nous apprenait que l'État s'était porté acquéreur du tableau qui entrait dans les collections natio-nales du musée de Versailles. A partir de ces éléments, il était facile de dater le tableau. Sa-chant que Beaucé était rentré du Mexique avec le corps expéditionnaire français en 1867 et que son tableau avait été présenté au salon de 1869, on peut estimer la datation de cette œuvre à 1868.
Où se situait le rapport entre le musée de Versailles et la ville de Tours? Simplement par le fait que le général Jeanningros, commandant le Régiment étranger au Mexique, avait été nommé, en 1871, au poste de commandant la subdivision militaire de Tours. Ayant eu con-naissance de l'existence de ce tableau qui évoquait cette page glorieuse écrite par la 3ème compagnie de son régiment, le général avait demandé que l'œuvre soit mise en dépôt à l'Hô-tel du grand commandement de Tours.
Le tableau de Camerone est accroché dans le bureau du général. Les années passent et le tableau reste en place. En mars 1951, le colonel Gardy, officier de Légion, est nommé gou-verneur militaire de Tours. Là, il découvre le tableau. Quelques mois plus tard, le colonel Gardy prend les fonctions de commandant du Groupement autonome de la Légion étrangère. Il demande alors que le tableau soit envoyé à Sidi-Bel-Abbès. L'œuvre de Beaucé, restaurée par le sergent-chef Marin-Gillet en 1952, ornera dans un premier temps son bureau, puis sera exposée dans la salle d'honneur réaménagée après la guerre d'Indochine. En 1961, la nouvelle salle d'honneur de la Légion étrangère est inaugurée. Le tableau de Camerone y figure en bonne place. Voilà donc la trace du tableau retrouvée depuis son exécution en 1868 jusqu'à 1961.
Ensuite le parcours du tableau suit celui du patrimoine historique de la Légion étrangère. En 1962, la Légion quitte Sidi-bel-Abbès. Les objets provenant de la salle d'honneur et du musée du souvenir sont déposés à l'Institution des invalides de la Légion étrangère à Puy-loubier. Quand, en 1966, le nouveau musée est inauguré à Aubagne, le tableau de Camerone retrouve sa place dans la nouvelle salle d'honneur.
Son acquisition par l'État, le 28 mai 1869, fait que cette œuvre est inscrite aux collections du Fonds national des arts contemporains. C'est donc sous le statut d'un dépôt du FNAC que le tableau de Camerone est exposé dans la salle d'honneur du musée de la Légion étrangère.