La campagne du Mexique de 1862 à 1867 laisse une trace bien plus marquée dans les traditions des unités de l'armée française que dans les manuels d'histoire. C'est pourquoi il nous a paru intéressant d'établir un panorama du legs de cette campagne à nos traditions et en particulier celui de la création de l'insigne du 1er RE:
Le corps expéditionnaire comprend des unités de toutes les armes: fantassins de la Ligne, artilleurs, hussards, chasseurs à pieds et à cheval, chasseurs d'Afrique, zouaves, tirailleurs algériens, légionnaires, tringlots, sapeurs et pontonniers... Les drapeaux des unités suivantes sont décorés de la Légion d'honneur durant la campagne: 99ème Régiment d'infanterie, 3ème zouaves, 518ème Régiment d'infanterie, 2ème et 3ème Régiments de tirailleurs algériens, et en-fin le 1er Régiment de chasseurs d'Afrique qui aujourd'hui encore, est le seul régiment de cavalerie a en être titulaire. Les chasseurs d'Afrique gagneront d'ailleurs auprès de leurs adversaires mexicains (les juaristes) le surnom évocateur de carniceros azules ce qui signifie les bouchers bleus...
La Légion étrangère s'y forge une réputation de courage et de sacrifice par le combat de Camerone, bataille qui figure désormais sur tous les emblèmes des corps de la Légion et dont la date anniversaire est devenue jour de fête pour le corps. Les fêtes régimentaires nées à la fin du XlXème siècle gardent également la mémoire de cette campagne. En effet, en 1909 pas moins de six unités hors Légion étrangère célèbrent une bataille du Mexique.
Sept nouvelles inscriptions viennent charger les plis des emblèmes: Aculcingo 1862, Ca-merone 1863, Puebla 1863 (sur quatorze emblèmes en 1909), San Pablo Del Monte 1863, San Lorenzo 1863 (sur cinq emblèmes en 1909), Matehuala 1864, et Oayaca 1865.
Certaines unités furent oubliées du fait de la guerre de 1870 et les inscriptions de la cam-pagne du Mexique resteront absentes de leurs drapeaux. En 1869, l'empereur décide que les chasseurs à pied doivent recevoir l'inscription Puebla pour la participation de quatre batail-lons à la campagne, mais celle-ci ne devait être rajoutée que lorsque les soies seraient à changer ce que la guerre de 1870 empêcha.
Les soldats reçurent quatre décorations différentes au titre de cette campagne. En effet, en plus de la médaille de la campagne dont nous reparlerons plus loin, l'empereur Maximi-lien au cours de son rapide et tragique règne décerna trois décorations créées par ses soins et destinées aux différentes catégories de personnel mexicains ou alliés:
- le Mérite militaire équivalent de la Médaille militaire, il est destiné aux soldats et aux sous-officiers s'étant particulièrement distingués;
- l'Ordre de l'Aigle mexicain destiné à décorer les officiers supérieurs et les généraux;
- l'ordre de Notre Dame de Guadalupe destiné à récompenser les officiers (1).
Ces trois décorations disparurent en même temps que leur créateur en 1867.
La médaille de l'expédition du Mexique (2) est créée par décret impérial du 29 août 1863 afin d'être accordée par l'Empereur... à tous ceux qui auront pris part à l'expédition du Mexique; cette décoration fut attribuée aux 38 000 hommes du corps expéditionnaire ainsi qu'aux marins ayant pris part activement à cette campagne. Le ruban de la décoration est intéressant à plus d'un titre. Il reprend en effet tous les éléments présents sur le drapeau mexicain: les trois couleurs (le vert, le blanc et le rouge), ainsi que l'aigle terrassant un ser-pent. Le serpent représente le dieu Quetzalcoatl se sacrifiant pour le genre humain (son sang irrigue et fertilise la terre pour la culture du maïs). D'après la légende, les Aztèques fondè-rent Mexico à l'endroit même où une scène semblable s'était déroulée.
Le ruban de cette décoration donna plus tard naissance à l'insigne du 1er Régiment étran-ger (3) qui est à notre connaissance le seul insigne à rappeler cette campagne.
Le colonel Dupin ancien officier du Dépôt de la guerre est chargé du commandement de la contre-guérilla française composée de cavalerie, d'infanterie et même de deux pièces de montagne. A lui seul l'uniforme du colonel pourrait faire l'objet d'un article. Au demeurant la tenue des troupes impériales au Mexique tranche étonnamment avec le "désordre" uni-formologique des troupes antagonistes de la guerre civile américaine livrée en même temps que cette campagne.
Enfin comme tout doit toujours finir avec des chansons, nous ne pouvions pas manquer de citer Eugénie chanson immortelle composée par un légionnaire lors de son passage vers le Mexique, qui figure toujours aujourd'hui au registre des chants officiels de l'armée française (TTA 107).