Dans toutes les armées, depuis des siècles, des récompenses honorifiques sont décernées sous formes diverses en suppléments de gratifications en nature pour reconnaître les mérites militaires des combattants.
Décorations françaises sur nos emblèmes, article proposé par Marie Larroumet pour "Vert et Rouge
En France, sous l’ancien régime – période antérieure à la Révolution Française (1789-1799) durant laquelle le pays était dirigé par un roi –, les récompenses étaient décernées en fonction de la nature des services rendus et de la position sociale de leurs auteurs. Si les promotions au grade supérieur, les dotations, l’anoblissement, constituaient les récompenses les plus courantes accordées par l’autorité royale aux militaires issus de la noblesse, les bas officiers – lire sous-officiers – et les simples soldats, eux, se voyaient généralement récompensés de façon beaucoup plus humble.
Pour réparer cet oubli, la fin du règne de Louis XV (1710-1774) vit notamment l’apparition des Croix de Vétérance qui, bien qu’étant avant tout le témoignage d’une longue présence au service du roi, reconnaissaient aussi la valeur de celui à qui elles étaient décernées, sachant que, créées entre 1771 et 1774, d’abord pour ce qui était l’équivalent à l’époque de l’armée de Terre puis pour la Marine, cette décoration, aussi dite Croix des 2 épées, n’était décernée qu’aux sous-officiers totalisant plus de 24 ans de service.
Après les avoir supprimées dans un premier temps, la période révolutionnaire se vit de nouveau contrainte de reconnaître de façon visible et matérielle, les témoignages de la valeur de ses soldats. C’est ainsi que différents attributs d’honneur – sabres, fusils, carabines, grenades, baguettes – vinrent orner la silhouette de ceux qui quelques années plus tard allaient être décorés de la Légion d’Honneur ou de la Médaille Militaire.
Créée par volonté du Premier Consul, Napoléon Bonaparte (1769-1821), la Légion d’Honneur devait reconnaître les valeurs civiles et militaires de celui auquel elle était décernée (voir bulletin précédent présentant la Légion d’Honneur). Si dans un premier temps tel fut le cas, petit à petit cette décoration ne fut plus réservée qu’aux Officiers. Voulant réparer cette injustice, l’Empereur Napoléon III (1808-1873) créa la Médaille Militaire afin de reconnaître la valeur et la fidélité des humbles.
Les engagements sanglants qui marquèrent le début de la Première Guerre mondiale (1914-1918) amenèrent la création d’une nouvelle récompense, qui non seulement devait reconnaître la valeur et l’esprit de sacrifice de celui à qui elle était décernée, mais aussi permettre de le citer en exemple afin de galvaniser l’ardeur de ses camarades, à savoir la Croix de Guerre qui vint désormais décorer de façon égalitaire, aussi bien l’officier que le soldat. La loi du 8 avril 1915 institua ainsi « une Croix de Guerre » destinée à matérialiser les citations attribuées à titre individuel à l’ordre des différentes échelons de l’organisation Militaire (régiment, brigade, division, corps d’armée, armée), sachant qu’il fut décidé que les citations seraient matérialisées sur la décoration par des palmes ou des étoiles : 1 citation à l’ordre de l’Armée = 1 palme en bronze, 1 citation à l’ordre du Corps d’Armée = 1 étoile en vermeil, 1 citation à l’ordre de la Division = 1 étoile en argent, 1 citation à l’ordre de la Brigade ou du Régiment = 1 étoile en bronze ; une palme d’argent remplace 5 palmes en bronze. Il est à noter que le ruban, vert et rouge, de cette Croix de Guerre est une reproduction quasiment à l’identique de celui de la Médaille de Sainte-Hélène, médaille commémorative qui fut créée en 1857 pour honorer les militaires français ou étrangers ayant servi la République ou l’Empire entre 1792 et 1815.
Vinrent ensuite 3 nouvelles croix dont les règles d’attributions furent calquées sur celle de 1914-1918 : la Croix des Théâtres d’Opérations Extérieurs (TOE) créée par la loi du 30 avril 1921, la Croix de Guerre 39-45 créée par le décret-loi en date du 26 septembre 1939 et la Croix de la Valeur Militaire (CVM) créée par le décret du 11 avril 1956 – cette croix fut créée car les opérations menées par l’armée française en Algérie depuis 1954 n’étant, à l’époque, pas considérées comme une guerre mais comme des « opérations de maintien de l’ordre », il était impossible de décerner ni des Croix de Guerre ni des croix TOE pour récompenser les actions d’éclats de ceux qui y participaient.
D’abord accordées à titre individuel, toutes ces décorations le furent bientôt également à titre collectif. En ce cas, elles sont portées sur la cravate des emblèmes des formations (voir bulletin savoir lire un emblème).
La croix de la Légion d’Honneur
Le 27 juin 1859, l’Empereur Napoléon III dans son ordre général n° 24 décida que « Lorsqu’un régiment prendra un drapeau à l’ennemi, ce régiment sera autorisé à porter la croix de la Légion d’Honneur attachée au-dessous de son Aigle » – durant le Second Empire (1852-1870) la hampe des emblèmes se terminait par un aigle –. Le premier régiment à jouir de cette récompense fut le 2e Zouaves après qu’il se fut emparé d’un drapeau autrichien, le 4 juin 1859, à la bataille de MAGENTA.
Si cette prescription est toujours en vigueur, depuis 1902 la croix de la Légion d’Honneur est également attribuée aux régiments et écoles comme récompense exceptionnelle pour service rendu à la Nation depuis la création du Corps. C’est le régiment des Sapeurs-Pompiers de PARIS qui le premier se vit épinglé cette décoration sur la cravate de son emblème « pour reconnaître les actes de courage et de dévouement et les services que rend en toutes circonstances le régiment ». Suivi parmi les premières formations décorées, dès 1905, le 1er régiment étranger (voir bulletin Camerone de l’année 2021).
Enfin, pendant la Première Guerre mondiale, face aux innombrables actes de bravoures dont firent preuve nos formations, le Ministre de la Guerre décida que lorsqu’un régiment aura obtenu six citations à l’ordre de l’Armée, il pourra être l’objet d’une proposition tendant à lui conférer la Légion d’Honneur. Voici pour quelle raison, le 3e régiment étranger d’Infanterie – 3e REI –, héritier du régiment de marche de la Légion étrangère – le RMLE qui se vit décerner la Croix de Guerre 1914-1918 avec 9 palmes – porte la Légion d’Honneur sur son drapeau.
La Médaille Militaire
A la fin de la Première Guerre mondiale, la Médaille Militaire fut décernée comme suprême récompense militaire aux corps particulièrement glorieux déjà décorés de la Légion d’Honneur. La Médaille Militaire était donc et reste toujours, la plus haute décoration collective. Et revoici le 3e REI et son régiment devancier, le RMLE qui se vit attribué la Médaille Militaire alors qu’il avait déjà la Légion d’Honneur.
Les Croix de Guerre 1914-1918, 1939-1945 et TOE
Le 30 octobre 1917, le Ministre de la Guerre décida que la Croix de Guerre 1914-1918 serait également attribuée aux drapeaux et étendards des régiments cités une fois à l’ordre de l’armée, chaque nouvelle citation à l’ordre de l’armée donnant droit à une nouvelle palme en bronze et ainsi de suite. Il en fut ensuite de même pour la Croix des TOE et pour la Croix de Guerre 1939-1945. De nombreux régiments de Légion se sont vus décerner ces décorations. A titre d’exemple : le 1er régiment étranger de cavalerie (1er REC) est décoré de la croix de guerre 1939-1945 avec 3 palmes de bronze et de la croix de guerre des TOE avec 4 palmes de bronze, la 13e DBLE porte la croix de guerre 1939-1945 avec 4 palmes de bronze et la croix de guerre des TOE également avec 4 palmes de bronze, le 2e régiment étranger de parachutistes (2e REP) est décoré de la Croix de guerre des TOE avec 6 palmes de bronze.
La Croix de la Valeur Militaire
Fin 2011, pour faire suite à la volonté du président de la République de reconnaître les mérites des unités s’étant particulièrement distinguées dans le cadre de conflits récents conduits sur des théâtres d’opérations extérieurs, le décret n° 56-371 du 11 avril 1956 portant création d’une Croix de la Valeur Militaire fut modifié afin de permettre au Ministre de la Défense de décerner aux unités françaises et étrangères, à tout moment et quel que soit l’échelon, des citations comportant l’attribution de la CVM . Cette décoration a été décernée à plusieurs régiments de la Légion étrangère. A titre d’exemple : le 1er REC est décoré de la CVM avec 1 palme de bronze, 1 étoile d’argent et 1 étoile de vermeil, le 2e REP porte la CVM avec 5 palmes et 1 étoile d’argent ou encore le 2e régiment étranger de génie s’est vu attribuer la CVM avec 2 palmes de bronze.
Il existe quelques autres décorations collectives qui ne seront pas traitées ici, sachant qu’elles ne sont pas portées par les emblèmes des régiments de la Légion étrangère.
Les seules décorations non évoquées plus haut qui furent, dès leur création remises à la fois à titre individuelle et à titre collectif, sont celles créées par le général de Gaulle (1890-1970), durant la Seconde Guerre mondiale (1939-1945) : la Croix de la Libération et la Médaille de la Résistance, toutes deux portées par le drapeau de la 13e demi-brigade de Légion étrangère (13e DBLE) qui fut l’un des premiers régiments à rallier la France Libre (voir bulletins Appel du 18 juin et 13e DBLE).
L’Ordre de la Libération fut créé, le 17 novembre 1940, par le Général de Gaulle alors réfugié à Londres après que la France eut capitulé face à l’Allemagne, le 22 juin 1940. Cet Ordre se voulait être le pendant de la Légion d’Honneur que le gouvernement français continuait à largement distribuer malgré l’occupation du pays (voir prochain bulletin présentant l’Ordre de la Libération). 1061 Croix de la Libération furent ainsi décernées dont 18 à des formations militaires.
La Médaille de la Résistance Française fut instituée par l’ordonnance du 9 février 1943 signée par le Général de Gaulle pour reconnaître, comme l’explique l’article 1 de ladite ordonnance, « les actes remarquables de foi et de courage qui (…) auront contribué à la résistance du peuple français contre l’ennemi et contre ses complices depuis le 18 juin 1940 ». Après la Croix de la Libération, c’est la seconde décoration créée par le Général de Gaulle pendant la guerre. La Médaille de la Résistance fut décernée à plus de 65 000 personnes et collectivités entre le 9 février 1943 et le 31 décembre 1947, dont 9 sont toujours portées par des formations militaires toujours inscrites à l’ordre de bataille. Il est à noter qu’à partir de 1950, cette décoration put être à nouveau attribuée mais uniquement à titre posthume et sous conditions.
L’attribution de ces différentes décorations est souvent complétée par celle de fourragères suspendues aux côtés de la cravate à l’anneau situé au sommet de la hampe.
Vert & Rouge Info
Rédaction de ce bulletin : Commandant (RC) Bérengère Nail