Il se disait apparemment qu’un clou chasse l’autre ; comme Don Quichotte au retour de sa seconde campagne, j’étais en train d’échanger ma folie guerrière contre une folie romanesque et pastorale, il fallait me laisser faire. — (Victor Cherbuliez, L’aventure de Ladislas Bolski, Hachette, Paris, 1869, page 93).

Le transport à Paris s'exécute surtout en utilisant le Métro, c'est indiscutablement le moyen le plus efficace pour circuler d'un bout à l'autre de la capitale.
A voir que les voyageurs sont rivés sur leur téléphone portable ou tablette; je me demande si rester ainsi “branchés” sur l’écran de leur smarphone, leurs nuits les ont quittés, ils ont tous l'air tellement fatigués... Leurs téléphones portables doivent éclairer chez eux la pénombre… une forme de veille de la luminosité réduite mais active, celle qui trouble le sommeil ! ils ne peuvent que confondre la lumière bleue des leds de leur appareil à celle blanche du jour… L’horloge du dormeur se trouve obligatoirement déréglée, déréglée aussi leur vie, leur travail, tout !
Au réveil, la première de leur action consiste à démarrer le parcours du connecté en lisant les messages puis basculent sur Facebook ou autre réseau sociaux…
Niveau inquiétant du temps moyen quotidien passé sur le téléphone. Les statistiques dépassent l’imaginaire, les “jeunes” en particulier consacrent 5 heures et demi par jour aux jeux videos, 8 heures à l’ensemble des écrans connectés.
J'en était à ce point de mes réflexions en regardant vivre ces parisiens citoyens du monde quant à leur origine au regard de leurs couleurs bigarrées, quand
une femme d’un âge indéfini, accompagnée d’une sono à roulette entre dans le wagon:


Je pense immédiatement: “elle va me pourrir encore un peu plus le voyage !”. Je me réfugie derrière mon journal, tous aux alentours affichent visiblement la même attitude, qui derrière son livre, qui sous les écouteurs de leur Ipod ou autres. C’est dans cette atmosphère d’indifférences hostiles que la femme se met à chanter "a capella", sans musique, juste aidée de son ampli.
Une belle magie s’opère, l’air de la chanson est doux, la voix rauque, une plainte. On s’imagine au dessus d’un champ de bataille, pourtant ce n'est pas un chant de guerre, plutôt une infinie tristesse, le chant des morts qui s’élève d'un charnier. Un appel à la vie, le chant des vivants.
A l’intérieur du wagon, une chose étrange se passe, tous ont les yeux rivés sur la femme. Les écouteurs sont retirés, les portables rangés, les livres fermés.
Une femme sur une place isolée pleure silencieusement à chaudes larmes, sans honte.
Avant de nous quitter, sans faire l’aumône, la chanteuse lui parle et lui caresse la joue, une fée vient de passer…
Que d’humanité dans cet échange.
Décidément je deviens sensible et cet “incident” me fais penser que tout n’est pas perdu malgrè les machines à enlever des parties du cerveau, l’hystérie médiatique et la cacophonie aujourd'hui nous summerge tant ...
Un chant, un simple chant exécuté gratuitement par un ange nous offre un retour à notre humanité.
Que s’est-il passé ?
Un miracle sûrement, à ne point douter, je partage !


CM