L’attribution des différentes décorations – croix de guerre 14-18, croix de guerre 39-45, croix des TOE, croix de la valeur militaire ou croix de compagnon de la libération entre autres – est souvent complétée par celle de fourragères.
Les origines de la fourragère sont assez vagues en raison de la confusion régulièrement faite entre la fourragère et les aiguillettes, voire les cordelières.
Les fourragères - Article rédigé par Marie Larroumet:
Les aiguillettes servaient jusqu’au début du XVIe siècle d’instruments d’attache des vêtements, des pièces d’équipements ou d’armures. Ce qui les caractérise c’est le ferret, enveloppe métallique situé aux 2 extrémités de la tresse, sorte d’aiguille analogue aux aiguilles métalliques de lacets de chaussures. Les aiguillettes sont de nos jours notamment portées par certains gendarmes – aiguillette rouge ou or pour les personnels de la garde républicaine et blanche pour d’autres -.
Actuellement portée par les personnels de la police parisienne en tenue de gala, très ressemblante à la fourragère, de couleur rouge et se terminant par un ferret, la cordelière symbolise la croix de la légion d’honneur qui décore, depuis août 1944, le drapeau des gardiens de la paix parisiens car, cette formation n’ayant pas obtenu un assez grand nombre de citations à l’ordre de l’armée, son drapeau n’a pas droit au port d’une fourragère.
La fourragère quant à elle dérive du souvenir de la corde à fourrage que le soldat enroulait autour de son épaule : elle se compose d’un cordon rond partiellement natté à 3 bruns et se termine par un nœud et un ferret. Elle fut portée par les troupes à cheval jusqu’à la guerre de 1870-1871.
A partir de la Première Guerre mondiale (1914-1918), la fourragère devint une décoration faisant en quelque sorte, le pendant de la croix de guerre à laquelle elle se réfère.
Une fourragère est accordée pour un conflit nettement déterminé et limité dans le temps – les deux Guerres mondiales ou des interventions extérieures précises –. Lorsqu’elle est attribuée à titre collectif, tous les militaires servant dans l’unité à laquelle elle a été décernée peuvent l’arborer. En revanche, une fois quitté le corps, seuls ceux ayant pris part à l’action pour laquelle la fourragère fut accordée peuvent continuer à la porter.
Lors du premier conflit mondial, devant le nombre de citations obtenues par nos formations dès le tout début de la guerre et dans le but de stimuler l’émulation des régiments, le commandement créa un « insigne spécial destiné à rappeler d’une façon apparente et permanente les actions d’éclats des régiments et unités formant corps, cités à l’ordre de l’armée ».
C’est ainsi que la circulaire du 21 avril 1916 institua ce que l’histoire a retenu sous le nom de fourragère 14-18, à savoir une fourragère constituée d’une tresse aux couleurs du ruban de la croix de guerre du même nom, vert et rouge.
Mais devant le nombre croissant de régiments cités à l’ordre de l’armée, il parut nécessaire d’établir une distinction fondée sur le nombre de citations obtenues. Dès lors, de nouvelles dispositions furent officialisées par deux circulaires de 1918, la première créant les fourragères dites « simples », et la seconde créant les fourragères dites « doubles » : 2-3 citations = fourragère aux couleurs du ruban de la croix de guerre 14-18, 4-5 citations = fourragère aux couleurs du ruban de la médaille militaire (jaune et vert), 6-8 citations = fourragère aux couleurs du ruban de la légion d’honneur (rouge), 9-11 citations = fourragère double aux couleurs du ruban de la Légion d’honneur et à celui de la croix de guerre 14-18, 12-14 citations = fourragère double aux couleurs du ruban de la légion d’honneur et à celui de la médaille militaire, + 15 citations = fourragère double aux couleurs du ruban de la légion d’honneur.
Il est à noter que la fourragère la plus « élevée » jamais portée est la fourragère double aux couleurs du ruban de la légion d’honneur et du ruban de la croix de guerre 14-18 qu’arborent fièrement sur leur emblème le 3e régiment étranger d’infanterie (3e REI), héritier du régiment de marche de la Légion étrangère (RMLE), et le régiment d’infanterie chars de marine (RICM), héritier du régiment d’infanterie colonial du Maroc (RICM).
En juillet 1925, fut créée une fourragère aux couleurs du ruban de la Croix de guerre des TOE (bleu et rouge), destinée à récompenser les unités citées plusieurs fois à l’ordre de l’armée sur les théâtres d’opérations extérieures. En 1926, il est décidé que cette fourragère sera aux couleurs du ruban de la Médaille militaire à partir de quatre citations, sachant que, dans ce cas, elle recevra une olive aux couleurs du ruban de la Croix de guerre des TOE placée au-dessus du ferret. Ce n’est qu’en 1954, qu’une circulaire vint réglementer l’ensemble des dispositions relatives à la fourragère des TOE, les calquant sur celles de la fourragère de 14-18 en y joignant l’olive aux couleurs du ruban de la croix de guerre des TOE, sachant que la fourragère décernée pour 9-11 citations est aux couleurs du ruban de la légion d’honneur et à celui de la croix de guerre des TOE.
Par analogie aux dispositions intervenues durant la Première Guerre mondiale, il fut décidé en avril 1945 de rendre hommage par une fourragère aux régiments qui combattirent à partir de l’entrée en guerre de la France - 2 septembre 1939 – et ayant obtenu au moins deux citations à l’ordre de l’armée.
Les fourragères décernées pour la guerre de 1914-1918 et pour celles de 1939-1945 sont donc identiques. C’est l’adjonction (ou non) d’une olive qui vient les différencier. De façon générale la couleur de la fourragère indique le nombre de citations à l’ordre de l’armée obtenues par une formation dans chacune des deux guerres tandis que les olives servent à préciser le conflit pendant lequel les citations ont été octroyées. Trois cas de figure sont ainsi possibles : 0 olive = fourragère obtenue pour les combats de la Première Guerre mondiale, 1 olive = fourragère obtenue pour les combats de la Seconde guerre mondiale, l’olive étant alors aux couleurs du ruban de la croix de guerre 39-45 (rouge et vert), 2 olives = fourragère rappelant des combats de chacune des deux guerres mondiales. Dans ce dernier cas, la fourragère qui est portée est celle qui se réfère au plus grand nombre de citations obtenues dans l’un ou l’autre des conflits et les couleurs des olives sont les suivantes : 2-3 citations = olive, soit au couleurs du ruban de la croix de guerre 14-18, soit à celles du ruban de la croix de guerre 39-45, 4-5 citations = olive aux couleurs, en haut du ruban de la médaille militaire, et en bas à celles, soit du ruban de la croix de guerre 14-18, soit à celles du ruban de la croix de guerre 39-45, 6-8 citations = olive aux couleurs, en haut du ruban de la légion d’honneur et en bas, soit à celles du ruban de la croix de guerre 14-18, soit à celles du ruban de la croix de guerre 39-45, 9-11 citations = olive coupée en 3 avec, en haut les couleurs du ruban de la légion d’honneur, au milieu un liseré blanc et en bas les couleurs, soit du ruban de la croix de guerre 14-18, soit du ruban de la croix de guerre 39-45. Il est donc à noter que la fourragère aux couleurs du ruban de la croix de guerre 39-45 n’existe pas malgré quelques idées qui ont la vie dure…
Fourragères 3°REI
Après qu’il eut été décidé, en 2011, de remettre des CVM à titre collectif, une fourragère liée à cette décoration fut créée. La multiplicité des théâtres d’opérations sur lesquels sont envoyées nos armées depuis une quarantaine d’années et la complexité de leurs interventions font que les règles d’attribution de cette fourragère sont différentes des précédentes et beaucoup plus complexes.
La fourragère CVM est accordée aux unités ayant obtenu soit au moins 2 citations à l’ordre de l’armée sur un même théâtre sachant que, dans ce cas, une agrafe portant le nom du dit théâtre est apposée sur le ruban de la CVM et sur la fourragère, soit au moins 3 citations à l’ordre de l’armée au titre de différents théâtres sans donner lieu au port d’une agrafe mais à celui d’une olive. Ce système d’olives est le suivant : 1-3 citations = pas d’olive, 4-5 citations = olive aux couleurs du ruban de la médaille militaire, 6-7 citations = olive aux couleurs, dans le haut du ruban de la légion d’honneur et, dans le bas du ruban de la médaille militaire, 8-9 citations = olive aux couleurs du ruban de la légion d’honneur, + 10 citations = olive aux couleurs, dans le haut du ruban de la légion d’honneur et, dans le bas du ruban de la médaille militaire, les 2 parties étant séparées par un liseré blanc. Chaque olive doit porter une agrafe métallique indiquant le nom du théâtre durant lequel les citations ont été obtenues.
Sur décision du président de la République, une fourragère aux couleurs du ruban de la croix de la Libération (vert) a été créée par arrêté du 23 février 1996. Cette fourragère est destinée à pérenniser l’Ordre de la Libération (voire bulletin futur Ordre de la Libération) et à préserver de l’oubli le souvenir des 17 unités militaires compagnons de la libération. Les chefs de corps de ces formations se sont ainsi vus remettre cette fourragère lors de la cérémonie commémorant l’Appel du 18 juin (voire bulletin Appel du 18 juin), le 18 juin 1996 au Mont-Valérien. Depuis cette date, le conseil de l’Ordre a accordé, de façon dérogatoire, le port de cette fourragère à 4 autres formations : d’une part du fait de leur nom, au porte-avions Charles de Gaulle et aux officiers de l’école spéciale militaire, école qui forme les officiers de recrutement directe de l’armée de terre, de la promotion « compagnons de la libération » avec une autorisation de port limitée à leur 3e et dernière année de scolarité, et d’autre part du fait d’un héritage supposé ou de reprise de traditions, aux unités qui composent la Direction Générale de la Sécurité Extérieure (DGSE) – cette décision part du principe que si, lorsque le Général de Gaulle décernait la croix de la libération, le Bureau Central de Renseignements et d’Actions (BCRA), ancêtre de la DGSE, avait formé corps il aurait probablement été fait Compagnon – et aux élèves de la première année de l’école de l’air et de l’espace, école qui forme les officiers de recrutement directe de l’armée de l’air et de l’espace – cette décision fait suite à la reprise des traditions de l’escadrille de Chasse française n°1, seule unité compagnon dont les traditions n’avaient pas été reprises, par la première année de cette Ecole -. Il est à noter que, si ce sont les formations qui sont décorées de cette fourragère, seuls leurs personnels sont autorisés à la porter. Leurs emblèmes ne doivent pas l’arborer, sachant qu’ils ont déjà la croix de compagnon cousue sur leurs soies.
Le 2°REP: Attribution de la fourragère aux couleurs du ruban de la croix de la valeur militaire (11 juillet 2013)
Aiguillettes de la Gendarmerie
Deux remarques complémentaires s’imposent ici :
• L’attribution de la croix de la légion d’honneur et de la fourragère aux couleurs du ruban de cette décoration n’est pas liée. Certains régiments peuvent s’être vus décernés la légion d’honneur sans porter la fourragère aux couleurs de son ruban – par exemple, le 1er régiment étranger (1er RE) – et d’autres s’être vus attribuer la seconde sans avoir reçu la première – par exemple, le 2e Régiment Etranger de Parachutistes (2e REP) dont le drapeau porte une croix des TOE avec 6 palmes à laquelle est associée une fourragère aux couleurs du ruban de la légion d’honneur avec une olive aux couleurs du ruban de la croix des TOE, ou encore le 61e Régiment d’Artillerie (61e RA actuellement stationné aux alentours de Chaumont dans l’est de la France) qui étant décoré, en plus de la CVM avec 1 étoile de bronze, de la croix de guerre 14-18 avec 6 palmes, 1 étoile de vermeil et 1 étoile de bronze, s’est vue décerner la fourragère aux couleurs du ruban de la légion d’honneur (exemple destiné à illustrer mon propos, sachant qu’aucun régiment de la Légion étrangère n’entre dans ce cas de figure).
• La fourragère triple n’existe pas. C’est la fourragère double, la seule portée étant la fourragère aux couleurs des rubans de la légion d’honneur et de la croix de guerre 14-18, associée à une autre fourragère simple, comme celle de la croix des TOE ou de la CVM, qui donne l’illusion que les 3 fourragères sont liées… L’erreur est fréquente, y compris de la part de ceux qui portent de telles fourragères : les Chefs de Corps successifs du 3e REI et du RICM s’adressent très régulièrement au service historique de la défense (SHD) pour comprendre !
Il existe quelques autres fourragères dont le ministère de l’Intérieur est à l’origine (fourragère tricolore pour actes de courage et de dévouement ou fourragère d’or pour actes de courage et de dévouement) mais qui ne sont pas portées par des unités de la Légion étrangère et dont il ne sera donc pas question ici.
Bonne lecture… et relecture pour ceux que ce sujet passionne !
Amitiés légionnaires.
Vert & Rouge Info
Rédaction de ce bulletin : Lieutenant-Colonel (RC) Bérengère Nail