Caporal en 1967 au 3ème REI à Madagascar, j’étais affecté à la compagnie de base au service auto, responsable du magazin d’approvisionnements et commandes de pièces pour l’atelier.

Le casernement de la compagnie était placé sous les ordres d’un adjudant-chef, "haut en couleurs", Sanchez-Ignessias. Cet ancien m’intriguait, les légionnaires de sa section avaient beaucoup d’estime pour lui, l’un d’eux me dit : « notre chef est un héros qui a fait Camerone et il me raconta l’histoire de ce sous-officier qui, avec 5 hommes, avait tenu tête à toute une « katiba » en Algérie.

Un jour l’adjudant-chef est venu à l’atelier-auto pour chercher du matériel. C’était pour moi, l’occasion de lui exprimer toute mon admiration pour son « Camerone » qui avait fait une belle page dans notre « Képi Blanc ».

Il me dit: " Petit, je n'avais pas le choix, ceux d'en face voulaient me couper les "corones", et j'en avais encore besoin..."

Sanchez en Algérie en 1960, au moment de son exploit, était sous les ordres du capitaine Grosjean qui vient de nous quitter, peut-être qu'ils se retrouvons en d'autres cieux, de quoi, avant notre 160ème anniversaire de Camerone, se raconter bien des histoires...

A votre lecture: Le Camerone du sergent Sanchez-Iglesias, un des nombreux Camerone de la Légion: Extraits du livre d'Erwan Bergot:

 

Six années d’Algérie ne se détaillent pas. Elles sont un tout, à peine marqué de rares combats, à peine sanctionné de quelques médailles.

Ce ne fut pas la guerre de la Légion seule. Elle en porta et dignement sa part : 63 officiers, 264 sous-officiers, 1 628 légionnaires y laissèrent la vie.

D’autres eurent plus de chance. Certains même y trouvèrent le moyen de s’y conduire en héros, d’y « faire Camerone ».

Janvier 1960, le 2ème REI vient de fêter Noël. Il opère dans la région d’Aïn-Sefra, en bordure du Sahara.

Une katiba rebelle a franchi le barrage Ouest, annonce un message au colonel Romet, commandant le régiment. "Ordre est donné de vous lancer à sa poursuite. "

Le 2èmeREI fonce sur les traces.

A l’aube, la chasse apprend au colonel Romet que la bande a été repérée dans le djebel Bini Smir. " Environ six cents hommes, apparemment solidement retranchés."

-        Armements ?

-        "Moderne. Ils ont des équipements neufs… "

La compagnie du capitaine Grosjean est désignée pour embarquer en tête dans les hélicoptères de transport. On va la poser à proximité de la bande pour la fixer en attendant l’arrivée des renforts qui convergent vers le djebel. L’hélicoptère de pointe, un H 34, balance au dessus de la cote 1 641, un mamelon arrondi, battu par le vent et couvert de maigres buissons d’alfa. Il se stabilise à un mètre du sol. D’un geste, le largeur fait signe au groupe du sergent Sanchez-Iglesias et à ses quatre légionnaires, de sauter. Puis dans un vacarme assourdissant, l’hélicoptères reprend son vol.

« Merde, demande Galejski, le caporal, où sont les autres ? »

Sanchez-Iglesias scrute l’horizon. Rien. Le H 34 s’est trompé.

« On a l’air fins, tout seuls sur ce piton idiot… » il ne finit pas sa phrase. De partout jaillit un feu d’enfer : la malchance aidant, l’hélicoptère a posé le groupe de six hommes exactement au centre de la bande rebelle…

Les autres appareils, jouant la sécurité, ne se poseront pas. Les légionnaires sont à peine à trente mètres des fellagas.

« Il faut tenir le coup ! » dit Sanchez.

La défense s’organise. En l’air, Pipers et T 6 clouent l’ennemi au sol. Pour un temps.

Tout à coup, une voix s’élève : « Légionnaires, le Maroc n’est qu’à quelques kilomètres, moins d’une heure de marche ! » Elle offre l’alternative aux six hommes : de les accompagner là-bas, en sécurité. Alors, ils bénéficieront de l’asile politique et pourront rejoindre leurs pays d’origine et y vivre en paix. En cas de refus, ce sera le massacre. Impitoyable.

Les légionnaires répondent : « Allez vous faire voir ! »

Toute la matinée, ils sont restés couchés, à plat ventre sur le sol, se battant à un contre vingt.

Soudain, à travers les hurlements des T 6, un vrombrissement puissant. Les Mammouths ! Les renforts sont là. Les copains ne les ont pas laissés tomber !

Les hautes herbes se couchent sous le vent du rotor : c’est un H 34, un hélicoptère lourd. Un officier, le lieutenant Cardonne, saute de l’hélicoptère. Mais brusquement, une avalanche de plomb fait vibrer l’appareil. Le pilote remet les gaz, s’élève sans crier gare. Le lieutenant agrippé par les bretelles de son équipement, est rembarqué précipitamment dans l’hélicoptère, par des poignes solides de ses hommes…

« Les secours ne sont pas pour maintenant ! » oberve Sanchez.

Les six hommes sont à nouveau seuls… Ils doivent continuer à tenir le coup. « Grouillez-vous ! »

Depuis le matin, le commandant Kopf fait subir à ses trois compagnies et au commando mis à sa disposition, un forcin incessant. Chacun des hommes est résolu à secourir ses camarades isolés, ceux-ci se battent au corps à corps. Ils progressent de rocher en rocher, d’abri en abri, sans cesser le feu un instant.

A chaque passage des T 6, les pilotes rendent compte par radio.

« De Bambi leader à « Trosol ». Ils tiennen le coup, vos gars, Chapeau la Légion ! »

Le soir tombe. Cela fait dix heures maintenant que les six hommes se battent.

Après la nuit, ce sera la fin de l’appui aérien. Les rebelles le savent, mais aussi que l’obscurité doit leur permettre de regagner le Maroc. Aussi, s’acharnent-ils sur cette épine plantée au cœur de leur katiba. Dès le coucher du soleil, ce doit être fini.

Le combat se poursuit pourtant et l’obscurité devient de plus en plus dense.

« Rendez-vous ! »

L’équipe du sergent Sanchez est restée imperturbable, prête à faire son métier jusqu’au bout. Elle à raison.

« Ecoutez », crie le caporal Galejski.

Au sud, une mitraillade fait renaître l’espoir. Les Amis !

Les trois compagnies et le commando sont enfin là. Ils font la jonction. Les isolés sont dégagés puis rejoints.

Après un peu de repos, les opérations reprennent, un pilote hélicoptère est éberlué : « Comment ? Ces gars-là ont résisté pendant dix heures à un contre vingt et ils réintégrent tout bonnement leur place, comme s’ils n’avaient rien fait d’extraordinaire ! Mais ils ont fait Camerone… »

Le sergent Sanchez-Iglesias, le caporal Galejski, les légionnaires Gerlich, Hortzkow, Dahmen et Paumart ont répondu :

« On a fait ce qu’on nous a appris dans ce cas-là, avec efficacité. Notre boulot, quoi, jusqu’au bout. »