Quelques rappels historiques:
Le 11 août 1960, le Tchad devient une république indépendante.
- Le 15 août 1960, des accords de défense signés par les deux pays permettent la mise en place d’une mission d’assistance militaire technique française.
Depuis, des unités françaises sont présentes au Tchad quasiment sans interruption.
La guerre civile y commence presqu’aussitôt et n’a presque jamais cessé.
- Depuis 1966, la rébellion a embrasé le Tibesti des Toubous et le Sahel des Musulmans. Le gouvernement légal ne contrôle plus ces régions. De surcroît, les rebelles se sont attaqués à des ressortissants français.
- En septembre 1967, les ‘’bandits’’ ont attaqué la gendarmerie de Mangalmé et tué un officier français de la mission d’assistance technique.
- En janvier 1968, deux médecins français sont abattus et une infirmière est violée.
- En mars 1968, les rebelles investissent Bardaï, une ville du Tibesti. La situation empirant, le Président Charles De Gaulle envoie une compagnie du 8eP.I.Ma. qui dégage Bardaï sans coup férir. C’est l’engrenage ! La France va consacrer une part importante de son potentiel militaire à la sauvegarde du Tchad.
- En 1969, en vertu d’accords de défense bilatéraux, l’armée française intervient au Tchad avec l’opération Tacaud. En fonction des soubresauts politiques du pays, les légionnaires y seront présents dans le cadre des différentes interventions comme Manta qui vise à protéger le pays des incursions libyennes au sud du 13e parallèle ou Epervier qui depuis 1986 soutient une base logistique opérationnelle dans la capitale N’Djaména et sur l’aéroport d’Abéché au nord du pays.
Avril 1969 à décembre 1970 : le 2e R.E.P. au Tchad pour une longue intervention:
- Au Tchad, histoire et actualité se confondent. Jadis fief de la Coloniale, le Tchad s’est assoupi dans le souvenir de Lamy, de Fargeau ou de Leclerc montant le rezzou qui devait le mener à Koufra par-delà le Tibesti,
- En 1969, le Tchad se réveille en proie à la guerre civile.
- Fondé sur l’arbitraire de frontières artificielles, coupé en deux par une barrière climatique, avec un sud agricole, un nord aride et désertique, bordé par un lac qui n’en finit pas de mourir, le Tchad est un pays qui s’offre aux convoitises de son belliqueux voisin, la Libye, et qui devient le champ clos d’une lutte sans merci.
- Le gouvernement légal, aux mains de l’ethnie noire et non musulmane du pays, est en lutte contre deux mouvements rebelles inspirés et soutenus par l’étranger.
- Le président François Tombalbaye demande l’aide à la France qui a des accords de défense avec les anciens pays de la Communauté française, dont le Tchad : une aide logistique pour réduire la rébellion du Frolinat, qui a vu le jour au Soudan en 1966.
- Trois compagnies du 2eE.P. vont quitter Calvi pour Fort-Lamy, aux ordres du colonel Jeannou Lacaze, rejointes par une compagnie motorisée, formée de personnels prélevés dans les corps de Légion non parachutistes, commandée par le capitaine Aubert.
- Le 16 avril 1969, l’E.M.T. N°1 du commandant de Chastenet embarque à Nice pour Fort-Lamy. Pour la première fois de son histoire, une unité de la Légion opère en Afrique Centrale. Très rapidement, les 390 légionnaires sont équipés et pourvus de véhicules antédiluviens, qu’ils parviennent néanmoins à remettre en état.
- Plus tard en 1983, lors de l’opération Manta, la France n’hésitera pas à engager ses meilleures troupes dotées d’un armement moderne en les impliquant dans des systèmes défensifs sophistiqués.
- En 1985, la France déploie un dispositif high-tech lors de l’opération Epervier pour la protection de la base aéronautique de N’Djamena.
- Le 28 avril 1969, l’E.M.T. 1 est prêt à prendre la piste. Sa première mission le conduit dans la province du Guera, où il doit contrôler Mangalmé et installer une base avancée à Mongo.
- De Chastenet doit faire de la présence ; il n’est pas là pour se battre. Cependant, il se méfie pour avoir passé deux ans au 2eE.I. à Colomb-Béchar : il connaît bien ces contrées. Il a fait percevoir à ses hommes des chèches, des lunettes de sable et des chapeaux de brousse. Ils semblent revenus à l’époque des sahariennes. En fin de journée, la colonne arrive à Mongo. Pour des rendre à Mangalmé ; de Chastenet scinde l’E.M.T. en deux : le capitaine Milin avec les services et la 2e compagnie directement par le nord, lui-même avec la 1ère compagnie par le sud. Si le commandant de Chastenet arrive sans encombre à Baro, il n’en va pas de même pour le capitaine Milin dont le convoi se trouve pris dans une embuscade.
- La colonne est tronçonnée et certains éléments sont isolés. C’est le cas du lieutenant Chiaroni qui s’apprête à vendre chèrement sa peau avec l’adjudant-chef Krechmar et le légionnaire Meyer, lorsqu’il est dégagé in-extremis par le lieutenant Germanos, qui fait mettre en batterie la 12,7 de sa section, tandis que le sergent Keer des transmissions effectue un carton plein sur les rebelles. Hormis les impacts sur les véhicules et les paquetages pillés par les rebelles, le convoi n’a pas subi de pertes. En revanche, les rebelles comptent une cinquantaine de tués. A peine arrivé, le R.E.P. a accroché et le ton est donné. Les légionnaires vont devoir affronter deux mouvements rebelles, l’un partant de ses bases soudanaises, l’autre implanté dans le massif du Tibesti. Jusqu’au mois de septembre, les légionnaires parachutistes vont nomadiser dans cette région, obtenant des résultats. La guerre, ils la font comme en Algérie, les hélicoptères en moins.
- Au mois de mai, la saison des pluies qui s’annonce rend les pistes impraticables. Les véhicules sont inopérants. Une solution ; le cheval, d’autant plus qu’à plusieurs reprises, le sous-préfet a fourni des cavaliers tchadiens pour éclairer les sections, ou éventuellement poursuivre les rebelles. Le lieutenant Piétri, que de Chastenet a laissé à Mangalmé avec sa section, se prend au jeu et crée une harka montée qui participe aux opérations.
- 4 juin 1969 : le 2eE.P. perd le légionnaire Emile Degoutte à Mokoulou.
- En quatre mois, les sorties incessantes des légionnaires, qui s’appuient maintenant sur une structure A.L.A.T. plus élaborée, ont changé la donne sur le terrain. A Bitkine, Eref, Niergui, les bilans sont éloquents.
- En octobre, une opération impromptue sur Massaloua, un petit village du côté d’Am-Timan permet de mettre 68 H.L.L. hors de combat.
- Le 7 octobre, les premiers éléments de l’E.M.T. N°2 du commandant Malaterre, débarquent à Fort-Lamy et sont immédiatement engagés dans le secteur de Mongo.
- Le 25 octobre, le 2eE.P. au complet, renforcé de la C.M.L.E., est présent au Tchad, sous le commandement de son chef de corps, le colonel Lacaze, qui devient également l’adjoint opérationnel du général Cortadellas. Les six compagnies, groupées en deux états-majors tactiques, s’installent en brousse, à Mongo et Am-Timan, à portée des zones d’action rebelles. Tout le potentiel aérien est mis à la disposition du 2e R.E.P.
- Le 13 novembre, le 2eE.P. perd le légionnaire Maxime Dupuis à Fada.
- En novembre, le colonel Lacaze lance l’opération Cantharide, qui engage tous les moyens du régiment dans une zone Bokoro-Melfikole-Birkino.
- Le 3 décembre, la C.A.E. et la 2e compagnie obtiennent enfin des résultats probants.
- Les unités du 2eE.P. parcourent le Tchad de long en large.
- La motorisation des véhicules à roues légères, les transports en hélicoptère, rendent les compagnies particulièrement efficaces dans un travail souvent décousu, où l’alerte et le renseignement sont rois. Peu à peu, les bandes sont démantelées, les raids ennemis se raréfient sur les rives du Chari autant que dans les vallées des affluents orientaux. Forêts coupées de savanes et de marécages, pistes boueuses, climat humide et Chaud, sont le lot des légionnaires. Mais les poursuites perpétuelles ne les empêchent pas de nouer des relations amicales avec les populations des villages, attachées à leur mode de vie traditionnel et, depuis près de trente ans, à une présence militaire française.
Jean Balazuc P.P.P.P. Avril 2023
Sources.
Site Mémoire des hommes du S.G.A.
Site MémorialGenWeb du 2e R.E.P.
Légionnaires parachutistes du capitaine Pierre Montagnon Editions du Fer à Marquer 1989
La Légion Etrangère. Voyage à l’intérieur d’un corps d’élite. De John Robert Younget Erwan Bergot Editions Robert Laffont 1984.
Histoire de la Légion Etrangère 1831-1981 de Georges Blond Plon 1981
Bulletins de l’A.S.A.F.
Français par le sang versé Képi Blanc ECPAD
Fanion Vert et Rouge.
F.S.A.L.E.
Aubert, capitaine légionnaire, commandant la compagnie motorisée rattachée au 2e R.E.P. pour l’intervention au Tchad.
de Chastenet Louis, officier légionnaire au 2e R.E.I. à Colomb-Béchar pendant deux ans ; commandant parachutiste, chef de l’E.M.T. N°1 du 2e R.E.P. au Tchad d’avril 1969 à juillet 1970. Décédé le 14 mai 2015.
Chiaroni, lieutenant légionnaire parachutiste, chef de section de la 2e compagnie du 2e R.E.P. au Tchad en 1970 ; il tombe dans une embuscade le 28.04.1970 ; son détachement est dégagé in extremis par la section du lieutenant Germanos ; directeur du S.M.F.E.L.E. en 1988.
Cortadellas Edouard, né le 25.01.1913 à Toulouse ; engagé en août 1935 au 17e R.T.S. ; sous-lieutenant au 12e R.T.S. en 1937-1939 ; lieutenant au 26e R.T.S. en 1940 ; en Indochine de janvier à septembre 1941 ; il rallie la France Libre fin 1941 ; en Chine, commandant le poste de Long-Tchéou à la frontière du Tonkin en 1943-1944 ; parachuté le 17.03.1945 sur Diên-Biên-Phu, il est un des éléments de la colonne Alessandri qui rejoint la Chine ; chef de bataillon en avril 1951 ; lieutenant-colonel, commandant en second du R.C.C.C. de septembre 1958 en avril 1959, en Algérie ; puis commandant le secteur de Tlemcen jusqu’en mai 1961 ; loyaliste ; chef de corps du 7e R.P.I.Ma. de juin 1962 à août 1965 ; I.H.E.D.N. en 1965-1966 ; général, commandant la 25e brigade aéroportée de Pau d’avril 1968 ; puis, arrivé à Fort-Lamy en août 1969, il prend le commandement des forces franco-tchadiennes jusqu’en septembre 1972. Commandeur de la Légion d’honneur, Grand Officier de l’O.N.M., titulaire de huit citations sur ses trois croix de guerre. Décédé le 14.09.1989.
Degoutte Emile, légionnaire parachutiste du 2e R.E.P., mort pour la France le 04.06.1969 à N’Djamena.
Deiber Marcel alias Dupuis Maxime, né le 22.08.1945 à Saïgon en Cochinchine ; légionnaire parachutiste au 2e R.E.P. ; tué le 13.11.1969 à Fada au Tchad.
Dribar Mirko, légionnaire parachutiste au 2e R.E.P. ; tué le 23.10.1970 à Zouar au Tchad.
Fourmann Christian Raymond, né le 15.01.1936 à Saint-Maurice dans le Val de Marne ; légionnaire du 1er R.E., mort pour la France dans une action de combat le 28.11.1970 à Fada au Tchad.
Germanos Raymond, né le 16.02.1941 à Kamechliyé en Syrie ; saint-cyrien en 1961-1963 ; sous-lieutenant au 129 R.I. à Constance en R.F.A. en 1965-1967 ; lieutenant légionnaire parachutiste à la 2e compagnie du 2e R.E.P. en 1967-1969 ; commandant la 3e compagnie du 2e R.E.P. en 1971-1973 ; lieutenant-colonel au 2e R.E.P. en 1980, lors de l’opération Barracuda en R.C.A. en 1980 ; colonel, chef de corps du 2e R.E.P. de juillet 1984 à juillet 1986 ; général, commandant le SIRPA en 1990-1991 lors de la première Guerre du Golfe ; général commandant la 11e D.P. en 1991-1993 ; directeur de l’I.H.E.D.N. en 1998-1999 ; général d’armée, inspecteur général des Armées du 31.03.1999 au 31.10.2001 ; admis en 2e section le 17.02.2002.
Heer, sergent légionnaire des transmissions du 2e R.E.P. Lors de l’embuscade du 28.04.1970, il effectue un ‘’carton plein’’ sur les rebelles.
Krechnar, adjudant-chef légionnaire parachutiste du 2e R.E.P. Il tombe dans une embuscade le 28.04.1970 avec le lieutenant Chiaroni ; son détachement est dégagé in extremis par la section du lieutenant Germanos.
Lacaze Jeannou, né le 11.02.1924 à Hué en Indochine française ; F.F.I. en 1944; reçu à Saint-Cyr en 1945; il sort de l’E.A.I. en 1947; affecté au 1er R.E.I. au Kef en Tunisie ; affecté au 2e R.E.I. en Indochine jusqu’en 1951 ; chef de section au 3e bataillon, grièvement blessé à la tête le 05.01.1948 lors de l’assaut du village d Hô Chim. Affecté en 1951 dans un R.T.M. Capitaine, commandant la 5e compagnie du 129e R.I. en Algérie ; muté à la 11e D.B.P.C. en 1959. Chef de corps du 2e R.E.P. le 18.07.1967 ; campagne du Tchad de 1969 ; puis intervention au Togo et en Côte d’Ivoire ; général, commandant la 11e D.P. en 1977-1979 ; intervention du 2e R.E.P. à Kolwezi au Zaïre ; interventions au Liban et en Mauritanie ; gouverneur militaire de Paris en 1980 ; général d’armée, chef d’état-major des armées de 1981 à 1985. Grand officier de Légion d’honneur, Croix de Guerre des T.O.E. avec trois citations dont une palme, Croix de la Valeur militaire avec trois citations. En 1989, il se lance dans la politique. Décédé à Paris le 01.08.2005.
de Larre de la Dorie Michel, né le 28.05.1943 à Juvisy-sur-Orge en Seine et Marne ; médecin-capitaine du 2e R.E.P. ; tué le 06.03.1970 à Safay dans le Tchad.
Malaterre Pierre, né le 14.06.1926; commandant légionnaire parachutiste, chef de l’E.M.T. N°2 du 2e R.E.P. au Tchad d’octobre 1969 à décembre 1970. Il termine sa carrière militaire comme colonel. Commandeur de la Légion d’Honneur ; officier de l’O.N.M. ; Croix de Guerre des T.O.E. avec deux citations, Croix de la Valeur militaire avec cinq citations. Décédé en Corse le 16.02.2014.
Meyer, légionnaire parachutiste du 2e R.E.P. Il tombe dans une embuscade le 28.04.1970 avec le lieutenant Chiaroni ; il est dégagé in extremis par la section du lieutenant Germanos.
Milin, capitaine légionnaire parachutiste ; le 28.04.1970, il commande la colonne comprenant les services et la 2e compagnie du 2e R.E.P. entre Mongo et Mangalmé au Tchad : le convoi est pris dans une embuscade sans subir de pertes humaines.
Piétri Michel, lieutenant légionnaire parachutiste, chef de section du 2e R.E.P. de l’E.M.T. N°1 au Tchad en 1970 ; sa section est implantée à Mangalmé ; il crée une harka montée qui participe aux opérations ; le 13.02.1970, sur renseignements, sa section montée met hors de combat onze H.L.L. et récupère de l’armement et une importante documentation. Chevalier de la Légion d’honneur le 13.09.1978. Colonel, commandant le C.N.E.C. en 1986-1988. Officier de la Légion d’Honneur par décret du 17.04.1997.
Ravic Ranko, légionnaire parachutiste du 2e R.E.P., mort pour la France dans une action de combat le 28.11.1970 à Fada au Tchad.
Wabinski Jean-Michel, né le 12.05.1941 à Lille ; engagé au titre de l’ESMIA de Saint-Cyr 1959-1961 ; chef de section au 9e R.C.P. en 1962-193 : affecté à la Légion, au 2e R.E.P. à Mers-el-Kébir le 12.05.1963 ; affecté à la 4e compagnie de la 13e D.B.L.E. dans la Côte Française des Somalies en 1965-1967 ; 2 ans dans les Chasseurs Alpins ; commandant la C.E.A. du 2e R.E.P. en 1970-1972 ; au Tchad en juillet-décembre 1970, il signe un des plus beaux bilans de la campagne dans le Tibesti ; Lieutenant-colonel, commandant en second le 2e R.E.P. en 1981-1983 ; colonel, chef de corps du 2e R.E.P. en 1986-1988 ; en opération au Tchad de mai à octobre 1987 : D.M.D. du Loiret en 1993-1995 ; général, commandant de l’E.T.A.P. en 1995-1996. Commandeur de la Légion d’honneur et de l’O.N.M.