Franz, Johann HOTTER – 75754 - 119930 – Le port de fourragère à titre individuel

Nous voilà au tout début des années 50, alors que le monde vient juste de terminer le second conflit mondial et que la France est plongée dans le conflit indochinois depuis déjà quatre années.

Nous allons suivre le parcours légionnaire d’un jeune garçon qui quelques années auparavant en plein adolescence grimpait les collines environnant Munderfing sa ville natale, pour contempler les bombardements alliés sur l’Autriche.

Sa vie après-guerre ne le rendait pas heureux et n’assouvissait pas sa soif de découverte et d’aventures. Au détour d’une rue il voit un jour une affiche de propagande de la Légion étrangère montrant un soldat coiffé d’un képi blanc en pleine action.

Il n’en faudra pas plus pour que quelques jours plus trad le jeune Franz s’engage à la Légion avec son frère, dans la mythique Légion !

Cordonnier de métier, il laissa ses fils, ses cuirs et ses godillots pour rejoindre Marseille où il signa un contrat d’engagement de cinq ans le 25 juillet 1950. Il n’avait alors pas encore vingt ans.

L’aventure du légionnaire Hotter matricule 75754 peut commencer, direction Oran par voie maritime. C’est déjà le bout du monde pour lui qui n’avait connu que les plaines de la Haute-Autriche. Il rejoint le 1er REI à Sidi-Bel-Abbès et moins d’un mois plus tard il est affecté au 3e BEP et désigné pour aller renforcer les troupes engagées en Extrême-Orient à l’issue d’une période d’instruction dense et sans concessions.

Embarqué sur le Pasteur fin février 1951, il débarque quinze jours plus tard et rejoint la 1ère compagnie du 2e BEP. En août suite à la dissolution de la 1ère, il rejoindra la 3ème[1] compagnie. Ce trajet pour retrouver son unité, il le fera en avion entre Hanoï et Tourane au centre Annam, nous sommes au début du mois d’août. En à peine un an il avait déjà parcouru des distances et vus des pays dont il ne pouvait avant que rêver.

Il reçoit pour sa belle conduite au combat une première citation à l’ordre de la division le vingt-cinq avril 1952, pour s’être distingué à deux reprises au feu. Tout d’abord le 24 février à Such Sich en abattant plusieurs vietminh après un corps à corps farouche. Puis le 1er mars à Tri Thuy (secteur RC1), où après avoir mené un assaut sur le village à la tête de son groupe, il a abattu plusieurs ennemis, fait deux prisonniers et récupérés d’importants documents.

Elle sera suivie d’une seconde à l’ordre de la brigade fin novembre 1952, pour sa conduite comme tireur FM dans l’assaut du village de Truyen My Truong Ha. Toutes deux le seront avec attribution de la Croix de guerre des théâtres d’opérations extérieurs.

Il accède à l’emploi de 1ère classe le 1er janvier 1953 et suit son cursus de formation sans encombre. Mais la fin de son séjour en Extrême-Orient approche et malgré deux rallonges il prendra normalement fin en mars de l’année suivante.

Une nouvelle citation à l’ordre de la brigade lui est décernée le neuf décembre 1953, ornant ainsi sa croix de guerre d’une seconde étoile de bronze, pour son action lors de la prise du village d’An Tu Thu Ong au Nord-Vietnam. Quelques mois auparavant (en août), il sera décoré de la médaille commémorative de la campagne d’Indochine, puis en novembre de la médaille coloniale avec agrafe Extrême-Orient.

Le légionnaire Hotter en Algérie

Le s/s[2]. Abbeville, l’emmènera loin de ces contrées d’Asie et retrouve Oran le 13 avril 1954 pour être affecté à la compagnie de passage (CP) du dépôt commun de la Légion étrangère (DCLE). Désireux de retourner au combat il signe un nouveau contrat de dix-huit mois en octobre 1954 et embarque à nouveau pour rejoindre Saïgon le 19 de ce même mois. Cette fois-ci se sera le s/s Athos II, qui le ramènera auprès de ses camarades du 2ème BEP.

Le sept juin 1955 il est remis légionnaire de seconde classe et rejoint la compagnie de commandement et de base (CCB) avec laquelle il rentrera en Afrique-du-Nord depuis le cap Saint-Jacques à bord du s/s Pasteur en novembre.

Après avoir rejoint Phillipeville, son régiment le 2e BEP change de nom pour devenir le 2e REP le 1er décembre 1955. Il poursuit sa formation et réussit le certificat supérieur d’aptitude technique comptable matériel en août 56 pour être muté au 1er RE à la CP2 à la fin du mois d’octobre en vue de sa libération l’avant-veille du nouvel an.

C’est à Paris qu’il se retire dans le 4ème arrondissement rue des blancs manteaux.

Mais la vie en métropole lui pèse et à peine un an plus tard, il signe un nouveau contrat provisoire de deux ans au titre de la Légion, le 11 décembre 1957 sous le matricule 119 930.

Au mois d’août 1958 le statut de son contrat est rectifié et il est à nouveau embarqué pour l’Algérie française à bord du s/s Sidi-Bel-Abbès. Cette fois-ci c’est à la 2e CSPL à Laghouat qu’il est affecté. Il retrouvera sa distinction de 1ère classe en mai 1959.

1953 – 2e CSPL - Le légionnaire Hotter à droite du capitaine

Sa quatrième citation lui sera octroyée en mars 1960, avec attribution de la Croix de la valeur militaire réhaussée d’une étoile d’argent.

Un nouveau contrat de deux ans lui permettra après avoir été rectifié d’état-civil, d’être envoyé au peloton d’élève gradé n°1 (PEG1) qui se déroule au 1er RE, à la mi-novembre 1960. A peine retourné dans son unité à l’issue de son peloton de caporal, il est mis fin à son séjour saharien trois jours plus tard et rejoint pour affectation le 1er RE le 21 mars 1961 après avoir été nommé caporal le 16.

C’est à la compagnie d’instruction des cadres (CIC) du groupement d’instruction de la Légion étrangère (GILE) qu’il est versé, avant de recevoir une cinquième citation en avril 1961 à l’ordre de la brigade avec attribution de la Croix de la valeur militaire.

 Il signe un nouveau contrat de trois ans et dans le même temps a obtenu avec une excellente moyenne le CSAT voltigeur d’élite. Début mai 1962 il termine le peloton sous-officiers, obtient le CA2[3] et est nommé rétroactivement sergent à compter du 1er mai.

Jeune sous-officier, deux mois plus tard il rejoindra la compagnie de base (CB) du 4e REI à compter du 18 août. S’en suivront d’autres mutations à la 5e compagnie, puis à la 4ème compagnie portée (CP) sur In Salah. Après avoir à nouveau rengagé, lors d’une réorganisation la 4e CP/4e REI devient la 4e CP/2e REI[4]. Franz est affecté plus tard, à l’état-major n°2 et rejoint alors Reggan à la mi-octobre 1964. C’est dans le Sahara que lui sera décerné la médaille Militaire le 18 novembre 1962.

Algérie 1957 – dégustation d’une boite de sardines sous la surveillance d’Erlich la mascotte de l’unité

Muté au 1er RE, c’est par voie aérienne qu’il partira de Colomb Béchar le 19 février 1966, pour rejoindre la CAPLE/DC[5]. Le 1er septembre 1966, il obtiendra la nationalité française. Il verra sa situation administrative être régularisée et avec effet rétroactif on lui attribuera le certificat interarmes (CIA) à compter du 1er juillet 1963 avec l’excellente moyenne de 16,92/20. Plus tard pour raison de santé il sera versé en position SAI[6]/A1 puis A9.

Le sergent Hotter quittera le service actif le 21 mai 1967, après avoir obtenu son certificat de bonne conduite pour ses presque 13 années de service passées le long des conflits indochinois et algérien.

Le sergent Hotter

Dans un article képi blanc qui lui est consacré en mars 2007 (KB n°686 – p62-63), l’ex-légionnaire Karl Bauer fait mention du fait que le sergent Hotter s’était vu attribué à titre individuel le port de deux fourragères aux couleurs de la médaille militaire et de la croix de guerre des TOE. De cela il n’est pas fait mention dans son dossier militaire et dans les différents états signalétiques des services et documents divers le constituant.

Cela n’est pas forcément incohérent car suivant les textes de référence, ce droit au port de la fourragère est certifié par une attestation du chef de corps au moment de la radiation des contrôles, mais le 2e REP n’a reçu sa fourragère aux couleurs de la Légion d’honneur qu’en 2019. Il est donc certain que Frantz HOTTER n’a reçu ce droit de port individuel qu’après cette date. Rappelons que le 2e BEP dont le 2e REP est héritier a été récompensé de six palmes (six citations à l'ordre de l'armée) obtenues pendant la campagne d'Indochine qui ont donc permis d’attribuer au 2e REP la fourragère aux couleurs de la Légion d’honneur. Le sergent HOTTER du fait de ses deux fourragères a donc participé à ses six actions qu’il ait été cité ou non à cette occasion et dans deux unités différentes sinon il porterait la fourragère aux couleurs de la Légion d’honneur. On peut raisonnablement penser que sa fourragère aux couleurs de la médaille militaire lui vient du 2e BEP. Pour sa seconde fourragère je n’ai pu la rattacher à une unité précisément.

Profitons plutôt de cet article pour regarder comment ce port individuel est accordé, car si cela était bien connu de nos anciens il n’en est pas de même aujourd’hui du fait que les citations attribuées aux unités sont moins nombreuses et les fourragères reprennent celles obtenues sur plusieurs théâtres d’opérations parfois anciens.  

Pour mémoire, le drapeau du 2e REP est décoré de la fourragère à la couleur de la Légion d’honneur au titre de la croix de guerre des TOE, avec six palmes, et de la fourragère à la couleur de la croix de la Valeur militaire avec olive aux couleurs de la Médaille militaire (Quatre palmes : Loyada 1976-Kolwezi 1978, Afghanistan 2010 et 2011, Mali 2013). Il est à noter qu’il est le seul régiment à avoir mérité la fourragère à la couleur de la Légion d’honneur au titre des opérations en Extrême-Orient.

Les fourragères

Historique et descriptif

Les fourragères viennent du milieu agricole. C’était à l’origine, des cordes à fourrage portées autour de l’épaule gauche par les dragons autrichiens. Elle n'avait pas de ferrets. C'était une simple corde avec de gros nœuds, de grosses tresses à ses extrémités, qu'on appelait raquettes. Les artilleurs et les hussards de Napoléon les adoptèrent. Après avoir disparu de l’uniforme en 1870, elles réapparaissent durant la grande guerre, en 1916 plus précisément.

La fourragère devient alors un insigne spécial destiné à rappeler d’une façon apparente et permanente les actions d’éclat de certains régiments et unités formant corps, cités à l’ordre de l’armée.

Elle est accordée pour un conflit nettement déterminé et limité dans le temps, comme la guerre 1914-1918, la guerre 1939-1945 et les opérations de guerre sur les théâtres d’opérations extérieurs.

La fourragère se compose d’un cordon rond partiellement natté à trois brins, terminé par un nœud et un ferret.

Elle se porte autour du bras gauche, fixée sur l’épaule par un bouton doré convexe de 12 mm spécialement cousu à cet effet sur le vêtement.

La fourragère est normalement portée avec la tenue de cérémonie. Elle est facultative en tenue de sortie et, en principe, interdite avec les tenues de service courant. Elle n’est pas portée avec la tenue de soirée.

Le droit au port de la fourragère est accordé à tous les militaires comptant à l’effectif et inscrits sur les contrôles des corps, compagnies ou unités auxquels elle a été attribuée. Elle est remise solennellement aux recrues lors de la présentation du drapeau. La fourragère est retirée aux militaires qui ont changé de corps, mais toutefois, ceux qui se sont acquis des titres au port individuel peuvent continuer à la porter.

 

Le port des fourragères à titre individuel

Le port à titre individuel est acquis aux militaires (7) ayant effectivement pris part à plusieurs faits de guerre visés dans les citations à l’ordre qui ont valu au corps l’attribution de la fourragère :

  – deux pour la fourragère aux couleurs du ruban de la Croix de Guerre ;

  – quatre pour la fourragère aux couleurs du ruban de la Médaille militaire ;

  – six pour la fourragère aux couleurs du ruban de la Légion d’honneur ;

  – neuf pour la fourragère aux couleurs des rubans de la Croix de Guerre et de la Légion d’honneur ;

  – douze pour la fourragère aux couleurs des rubans de la Médaille militaire et de la Légion d’honneur ;

  – quinze pour la fourragère double aux couleurs du ruban de la Légion d’honneur.

 Dans ce cas, la fourragère portera, sur un coulant ou une agrafe en métal placée au-dessus du ferret, le numéro du corps d’origine ou le nom de l’unité ou de la formation au titre de laquelle elle a été attribuée.

On comprend donc que cette fourragère changera de couleur en fonction du nombre d’actions ayant valu une citation à l’unité auxquelles le militaire aura participé.

Les militaires remplissant les conditions indiquées ci-dessus, pour conserver la fourragère, continueront à la porter aux mêmes couleurs, même si leur ancien corps venait à obtenir une fourragère d’un ou plusieurs échelons supérieurs.

D’autre part, si, changeant de corps et quittant une unité dotée de la fourragère, ils n’ont pris part effectivement qu’à un nombre d’actions donnant droit à une fourragère d’un échelon inférieur à celle que l’unité quittée s’est collectivement acquise, la seule fourragère qu’ils ont le droit de continuer à porter est celle que leur ont valu les actions auxquelles ils ont participé en personne.

Par exemple, un militaire quitte un régiment doté de la fourragère, aux couleurs du ruban de la Médaille Militaire, après n’avoir pris part effectivement qu’à trois actions d’éclats : la fourragère à laquelle il aura droit désormais sera celle aux couleurs du ruban de la Croix de Guerre.

Le sergent er Franz Hotter © Képi blanc

 

Décorations du sergent (er) Franz Hotter

Chevalier de la Légion d’Honneur, médaille Militaire, Croix de guerre des TOE avec deux étoiles d’argent et deux de bronze, Croix de la Valeur militaire avec une étoile d’argent et une de bronze, Croix du combattant volontaire avec agrafe Indochine, Croix du combattant, médaille coloniale avec agrafes Extrême-Orient et AFN, Médaille commémorative des opérations de sécurité et de maintien de l’ordre en AFN, médaille commémorative de la campagne d’Indochine, médaille de Reconnaissance de la Nation.

Sources :

-        http://www.france-phaleristique.com/fourrageres.htm

-        Magazine képi blanc n°686 mars 2007

-        Dossier individuel du sergent Franz Hotter – BALE/COMLE

-        Facebook – 2e REP – Photo de Adjudant B portant les deux fourragères du 2e REP lors d'une remise de Croix de la valeur militaire avec palme

[1] En septembre 1952 la 3ème compagnie changera d’appellation pour devenir la 5ème compagnie toujours au sein du 2e BEP.

[2] Abréviation internationale pour désigner un bateau à vapeur Steamship.

[3] Certificat d’Aptitude n°2

[4] Le 01/05/1964.

[5] Compagnie administrative des personnels de la Légion étrangère

[6] Section d’administration du personnel isolé

[7] Seuls seront exclus de ce droit, en cas de changement de corps, les militaires qui, postérieurement à la délivrance de la fourragère, subiraient des condamnations ou tiendraient une conduite qui les rendraient indignes de conserver cet insigne. Dans ce cas, la décision sera prise par le chef de corps ou de service de l’intéressé.

 

     

Major (er) Jean-Michel Houssin

Chargé de la mémoire légionnaire auprès de la FSALE