A l’aune de la définition des OPEX, la guerre de Corée ne répond pas explicitement à ses critères puisqu’ elle débute en 1950 et qu’elle se termine en 1953, donc avant l’officialisation de cette terminologie qui s’applique aux opérations effectuées depuis 1963.
Cependant au double titre qu’il s’agit du premier engagement de l’Armée française dans un cadre onusien et également parce que la secrétaire d’Etat chargée des anciens combattants et de la mémoire ait demandé de faire du souvenir de la guerre de Corée un temps fort de l’année 2023, l’évocation de l’engagement du bataillon français prend tout son sens, préfiguration des OPEX sous mandat onusien qui suivront :
« Au moment où, pour la première fois depuis près de 80 ans, un conflit de haute intensité se déroule à nouveau sur le sol du continent européen, il est indispensable de renforcer les forces morales de notre pays qui sont un élément essentiel de la cohésion de notre Nation. Pour cela, l’entretien et l’enrichissement de la mémoire de la mission des forces françaises durant la guerre de Corée sont des outils précieux » (1)
Genèse d’un conflit :
Le 15 août 1945, après la capitulation des forces japonaises en Corée, la division de la Corée en deux zones, soviétique et américaines, le long du 38° parallèle est adoptée.
Le 25 juin 1950, la Corée du Nord, communiste, envahit sa voisine.
Le 27 juin 1950, le conseil de sécurité de l’ONU, réuni en urgence condamne l’agression et appelle ses membres à apporter leur aide à la Corée du Sud.
L’engagement du bataillon français de l’ONU (BF/ONU) :
Engagée en Indochine, la France ne peut faire qu’un effort limité et sur insistance répétée du secrétaire général de l’ONU. Le 25 août 1950 est mis sur pied un bataillon composé, à cette date, essentiellement de volontaires afin de ne pas pénaliser l’armée d’active aux effectifs comptés.
Insigne du bataillon
Ce bataillon est destiné à combattre au sein d’une unité américaine, le 23ème régiment d’infanterie de la 2ème division d’infanterie. De ce fait, il est organisé selon les effectifs et les dotations en usage dans l’armée de terre des États-Unis. Soit un millier d’hommes répartis en une compagnie de commandement du bataillon, une compagnie d’accompagnement et trois compagnies de combat.
Pour le commander, le général Monclar âgé de 59 ans, renonce à ses étoiles pour des galons de lieutenant-colonel. Celui-ci figure parmi les soldats les plus décorés des deux guerres mondiales.
L’arrivée du bataillon en Corée coïncide avec l’intervention chinoise « imposée » par Staline à Mao Zedong qui vient à la rescousse de la Corée du Nord en très grande difficulté devant la première offensive onusienne.
Rapidement, grâce au combat de Wonju (janvier 1951) de Twin Tunnels et de Chipyong-Ni (février 1951), les combattants français font montre de toute leur valeur au feu et se voient accorder la reconnaissance des troupes américaines. Au printemps 1951, le BF/ONU s’illustre une nouvelle fois dans la contre-offensive des Nations-unies, notamment à Inje (mai 1951). Cette gloire, justement méritée éclipse cependant la crise du moral, largement méconnue, que les hommes du bataillon connaissent après un semestre passé en première ligne. Les pertes très sévères, la lassitude physique née des fatigues dues à plusieurs mois de combats incessants, l'attente sur les pitons dans des conditions climatiques extrêmes et l'éloignement créés, au printemps 1951, une baisse significative du moral au sein des hommes du bataillon.
La reprise de l'offensive chinoise donne lieu à de furieux combats, symbolisés pour les volontaires du bataillon français par l’assaut et la prise du piton 931, plus connu sous le nom de Crèvecœur. Les premiers assauts sur Crèvecœur, dévastée par les bombardements au napalm, retournée par les obus de l’artillerie américaine, débutent le 15 septembre 1951 et tout de suite, les pertes se révèlent effroyables pour les bataillons américains dont les effectifs fondent après chaque tentative. Le bataillon français est engagé quant à lui à partir du 26 septembre et il revient à la 3e Compagnie de déloger les Nord-Coréens du sommet et des flancs du piton : c’est le début d’une bataille qui va durer quinze jours. Lorsque le bataillon est relevé le 21 octobre, il a perdu 60 des siens et près de 260 ont été blessés, mais Crèvecœur est, grâce aux sacrifices des volontaires français et de leurs compagnons d’armes américains, aux mains des troupes des Nations-unies.
La bataille de Crèvecœur (Images Défense)
Le bataillon participe encore aux combats d’Arrowhead en octobre 1952 et résiste aux assauts de l’armée chinoise. Il subira ensuite des bombardements répétés de l’artillerie chinoise et des attaques localisées.
L’armistice de Panmunjom du 27 juillet 1953 met « fin » à la guerre de Corée opposant le Nord communiste soutenu par la Chine au Sud soutenu par l’Organisation des Nations Unies. Officiellement donc, Corée du Nord et Corée du Sud demeurent en état de guerre. Le front se fige à hauteur du 38° parallèle.
La conduite du bataillon fut exemplaire, malgré un milieu physique difficile constitué de moyennes montagnes et de crêtes effilées et des températures excessives. Son renom est aujourd’hui inscrit sur son emblème qui arbore notamment, et de façon unique dans l’histoire de l’Armée française, 3 citations présidentielles américaines et 2 citations présidentielles coréennes.
Sur les quelque 3 400 Français qui combattirent au total au sein du BF/ONU (2), 269 trouvèrent la mort et plus d’un millier furent blessés. Dans le cimetière militaire des Nations Unies de Pusan, au sein du carré français devant lequel a été érigé un monument en granit noir, 44 tombes individuelles où reposent des soldats français ; de plus, sur le mur du souvenir figurent le nom de tous les soldats de l’ONU morts pendant le conflit.
Plaque à l’entrée du carré français.
La guerre de Corée fut un conflit de très haute intensité, préfiguration de ce que pourrait être les conflits futurs.
Puisse cet article permettre de contribuer à raviver la mémoire sur cet épisode glorieux où, une fois de plus, des soldats français firent honneur à leur Pays !
1. Extrait de la tribune de madame Patricia Miralles, secrétaire d’Etat chargée des anciens combattants et de la mémoire in « Les chemins de la mémoire N° 282, printemps 2023 »
2. Le 25 octobre 1953, les survivants embarquent pour l’Indochine pour former le Groupe mobile 100 qui participa, entre autres, aux tentatives de rupture d’encerclement du camp retranché de Dien Bien Phu par le Vietminh et y subit de très lourdes pertes.
Pour illustrer cet hommage, Vert et Rouge souhaite mettre à l’honneur un de ses Grands Anciens :
Un légionnaire exemplaire, volontaire pour le bataillon de Corée,
L’adjudant-chef Paul FAUCONNET
« UNE GRANDE ÂME »
Parrain des promotions 282 et 284 de l’Ecole Nationale des Sous-Officiers d’Active, son parcours militaire témoigne de son engagement au service de la France au sein des différentes Unités où il a toujours servi avec Honneur et Fidélité.