La délégation Sud-Ouest de la FSALE a tenu à rendre hommage le 31 juillet 2024 a honoré la mémoire du chef de bataillon Bernard Cabiro, au cimetière de Mont-de-Marsan à l’occasion du 31ème anniversaire de sa disparition.
Six Amicales étaient représentées avec cinq drapeaux ; au total, une trentaine d’Anciens étaient réunis autour de la sépulture du « Grand CAB »…
A noter la participation coordonnée avec l’Amicale des parachutistes militaires des Landes (ALPBM), dont le Président, le lieutenant-colonel (er) Francis de Montaigne, était présent avec deux drapeaux supplémentaires et à l’initiative de cette cérémonie les années précédentes.
Deux gerbes ont été déposées, l’une par ce dernier, une autre par le capitaine (er) Joseph Estoup, toujours aussi disponible, solidaire et infatigable, et le général (2s) Henry Clément-Bollée au nom de la FSALE.
Après le mot d’accueil du Lieutenant-colonel Francis de Montaigne, le général (2s) Clément-Bollée prononcait au nom du Président de la FSALE, Jean Maurin, un discours présenté ci-après.
Ces interventions étaient suivies d’une minute de silence du refrain de la « Marseillaise » et du "chant du 2ème REP" entonnés "A Cappella" en l’honneur de ce grand et illustre ancien.
A l’issue, un "verre de l’amitié" était offert en centre ville, occasion pour les uns et les autres de se retrouver avant dislocation.
Cérémonie, courte, sobre mais émouvante, qui a permis à chacun de se souvenir de cette grande figure de notre Panthéon légionnaire et de prendre, une fois de plus, conscience de l’exemple qu’elle fut pour nous et pour les générations qui l’ont suivie.
Mot du général (2s) Henry Clément Bollée:
"Evocation du Chef de Bataillon Bernard CABIRO
Mont-de-Marsan, le 31 juillet 2024
Chers amis,
Il y a un peu moins de deux mois, à Gan, nous avons évoqué la mémoire des hautes et nobles figures du Lieutenant-colonel Georges Masselot et du Capitaine Antoine Ysquierdo.
Aujourd’hui, 31 années, jour pour jour, après sa mort, la Fédération des Sociétés d’anciens de la Légion étrangère et l’Association Landaise des parachutistes brevetés militaires, s’unissent pour honorer la mémoire d’une autre figure légendaire des unités parachutistes et de la Légion étrangère, le Chef de bataillon Bernard Cabiro.
Natif de Mont-de-Marsan, son patriotisme chevillé au corps et son fort tempérament l’entraînent, après quelques actes isolés de résistance, plusieurs tentatives échouées de rejoindre Londres et quelques semaines de prison en Espagne, à s’engager volontairement en 1943, en Afrique du Nord, au 8ème Régiment de Tirailleurs marocains.
Avec son régiment, il participe à la Campagne d’Italie, pendant laquelle il est déjà deux fois cité au combat et nommé Caporal-chef en mai 1944. En septembre, il débarque en Provence et, pendant la Campagne de France, il effectue la marche triomphale de « l’armée de Lattre » vers l’Alsace. Elle s’achève pour lui dans le Haut-Rhin, où il est blessé au cours des combats pour la libération de Thann.
L’engagé volontaire ayant fait ses preuves sur le terrain, Bernard Cabiro, accepte alors d’être transféré à Cherchell, où s’est repliée temporairement l’école d’officiers de Saint-Cyr. Il avait jusqu’alors refusé cette option, que lui autorisait son niveau d’étude, pour rester opérationnel. Un an plus tard, il quitte Cherchell comme sous-lieutenant de réserve et, volontaire pour servir à la Légion étrangère, il rejoint Sidi-bel-Abbès le 6 août 1945.
Le 6 février 1946, il débarque en Indochine avec son unité, le jeune 2e régiment étranger d’infanterie créé le 1er janvier 1946. Sur place, il s’emploie à pacifier la région du Sud-Annam. La tâche est ingrate mais le Sous-lieutenant Cabiro y mérite deux citations. Entre coups de mains et ratissages « policiers », le jeune chef de section s’aguerrit.
Débarqué à Haîphong le 7 décembre 1946, il est chargé d’y rétablir la liaison avec Hanoï. Le Sous-lieutenant Cabiro s’illustre le 31 décembre 1946 en faisant tomber An Thaï. Ce coup de main lui vaut la croix de guerre TOE avec palme. Un mois plus tard, il prend plusieurs blockhaus « viet » à Phu Tao, et obtient une nouvelle citation à l’ordre de la division. De nouveau, il sera cité pour la défense de son poste à Dong Phu, face à un ennemi en surnombre, le 15 septembre 1947. Sa promotion au grade de Lieutenant d’active à titre définitif, en septembre 1947, est alors unanimement saluée par tous ses pairs. De retour dans le secteur de Hai Duong, il mérite une nouvelle citation à l’ordre de l’armée pour avoir déjoué une embuscade ennemie sans perdre un seul homme.
En fin de séjour, à bord de son véhicule, il saute sur une mine et reste aveugle une quinzaine de jours. A sa sortie d’hôpital, le 1er avril 1948, rétabli, il apprend sa nomination au grade de chevalier de la Légion d’honneur. Au terme de son premier séjour en Indochine, avec 9 citations sur la poitrine, Bernard Cabiro s’est forgé un surnom : le « Cab » !
De retour à Sidi-bel-Abbès, le Lieutenant Cabiro se porte volontaire pour servir au 2e Bataillon étranger de parachutistes nouvellement créé à Sétif. En février 1949, il est de retour en Indochine pour un deuxième séjour. Après plusieurs coups de mains avec la 3e compagnie du 2ème BEP, il se voit confier le commandement de la 2e compagnie. En janvier 1950, aéroporté à Dong Hoi puis Phuoc Long, il porte secours à la 1ère compagnie prise d’assaut par un ennemi très supérieur en nombre. Entre le 28 mars et le 6 avril 1950, à Tra Vinh, sa compagnie harcèle l’ennemi, lui reprend des armements, et culbute les « viets ». En septembre 1950, le commandement ayant décidé l’évacuation des troupes françaises des régions de la RC4, la compagnie aéroportée du Lieutenant Cabiro protège les convois et s’illustre encore face aux résistances ennemies. L’aura du « Cab » redonne le moral aux éléments éprouvés.
En fin de séjour, avec deux nouvelles citations et une promotion au grade d’officier de la Légion d’honneur, Bernard Cabiro est nommé Capitaine à titre exceptionnel le 2 janvier 1951. Il devient l’un des plus jeunes capitaines de Légion de son temps.
Il quitte à nouveau l’Indochine le 8 mars 1951.
Après quelques mois en Algérie à la compagnie d’instruction du 3e BEP, il obtient un poste de commandement dans le secteur de Batna, agité par le FLN. Mais rapidement, le Capitaine Cabiro est à nouveau volontaire pour servir une troisième fois dans une Indochine désormais sérieusement mise à mal.
Affecté au 1er Bataillon étranger de parachutistes en juin 1953, il est chargé jusqu’en août 1953 de créer une base aéroterrestre au Laos, sur le site du port de Seno afin d’assurer une route fiable vers la Cochinchine. Transféré dans le Sud Annam, le 21 novembre 1953 il saute avec le 1er BEP sur Diên-Biên-Phu accompagné du 6e Bataillon de parachutistes coloniaux de Bigeard et du 8e BPC de Touret. Chargés de la reconnaissance des alentours et du recueil des unités de la région de Lai Chau, ces trois bataillons forment le 1er groupement de parachutistes et voient, avant les autres, se dessiner la grande entreprise française prévue dans la cuvette.
Après trois mois, l’étau Vietminh se resserre. Le 5 mars 1954, un canon menace le camp retranché sur la côte 781. A la tête de sa 4e compagnie, le capitaine Cabiro monte à l’assaut. Il est grièvement blessé aux deux jambes.
Rapatrié vers la France, il ne verra pas la suite des combats et quittera définitivement l’Indochine, la mort dans l’âme.
Il faudra douze opérations chirurgicales, plusieurs mois d’hôpital et les soins précieux d’une certaine infirmière, Mireille Vendéol, qu’il épousera le 2 juin 1955 à Orléans, pour remettre sur pied le Capitaine de Légion. Puis, du 1er août au 30 novembre, il devient aide de camp du ministre de la Défense, le Général Koëning. Ce n’est qu’en 1956 qu’il sera de nouveau déclaré apte à faire campagne.
Pourtant la reprise des combats est difficile pour lui. Transféré au 20e Bataillon de chasseurs portés, il suit un temps son unité en Algérie. Mais rapidement sa blessure l’oblige à un retour à Paris. S’ensuit un poste de commandement temporaire à la 5e Division Blindée stationnée à Landau, en Allemagne, et, enfin, il est autorisé à rejoindre l’Afrique du Nord.
Formé au centre d’instruction de pacification et de contre-guérilla d’Arzew, et promu chef de bataillon le 1er octobre 1958, Bernard Cabiro est muté à l’état-major du 2e Régiment étranger de parachutistes stationné à Philippeville. Dans l’est algérien, les Aurès et les Nementchas, le régiment déploie d’énormes efforts pour des résultats décevants face à un ennemi insaisissable et fuyant. Après un bref séjour à la frontière avec le Maroc, au cours duquel il reçoit la cravate de commandeur de la Légion d’honneur le 30 juin 1960, le régiment rentre à Philippeville. L’unité souffre d’une défiance grandissante de la part des autochtones. Son chef de corps, le Colonel Darmuzai, peine à imposer son autorité. Les popotes sont agitées et même l’état-major du régiment s’avoue décontenancé par la situation. Alors que, dans ces conditions, le « Cab » demande des ordres pour briser la torpeur, rien ne bouge et la situation s’enlise.
Le 22 avril 1961, de retour de mission, il constate le départ imminent de deux compagnies du régiment pour Alger, où les généraux Challe, Zeller et Jouhaud viennent de prendre le commandement militaire avec l’aide du 1er REP en particulier. Perplexe, il décide de ne pas s’enflammer et ne cède pas à ses hommes qui le poussent à rejoindre Alger. Au Capitaine Bernard Amet, qui lui demande sa position personnelle face au putsch, il répond : « Très sincèrement, je pense que c’est une connerie, mais c’est la dernière chance de l’Algérie française ».
Rassemblés par le Colonel Darmuzai, les officiers du 2e REP, Bernard Cabiro en tête, sont troublés par la dernière phrase de leur chef de corps : « Demain, vous recevrez des ordres, ensuite vous pourrez choisir ». Le Colonel vient, maladroitement ou malicieusement, d’ouvrir une porte… et les officiers s’y engouffreront, inéluctablement.
Ainsi, lorsque vers 1 heure du matin, le Capitaine Amet réveille le Commandant Cabiro chez lui, le régiment est déjà en tenue de campagne dans les véhicules. Le « Cab » suivra, mais soulignera deux choses à ses hommes : « La première, c’est toujours le Colonel Darmuzai qui commande le régiment, la seconde, je n’ai pas du tout apprécié la façon dont j’ai été placé devant le fait accompli ».
Le putsch avorte le 25 avril. De retour à Philippeville, le Chef de bataillon Cabiro, commandant en second le 2ème REP, est mis aux arrêts par le Colonel Darmuzai puis transféré en métropole. Alors que le « Cab » quitte le Fort de l’Est, il est salué par le gratin des troupes aéroportées emprisonné avec lui, et il est conduit à la prison de la Santé, à Paris.
Traduit en justice, Bernard Cabiro, au terme d’une délibération assez longue, est finalement déclaré coupable d’une « prise de commandement sans ordre légitime » et condamné à un an de prison avec sursis. Il est alors contraint de quitter la Légion et l’Armée française qu’il a si bien servies. Sa tumultueuse carrière se termine en prison, comme elle avait commencé 18 ans plus tôt…
Discret, Bernard Cabiro le reste durant les 17 années suivantes. Il se consacre à sa famille et à sa ville de Mont-de-Marsan, où il travaille pour la mairie. C’est fin août 1978 qu’il reçoit un appel du général Goupil, COMLE, qui le félicite le premier pour son élévation à la dignité de Grand officier de la Légion d’honneur. Il reçoit sa plaque des mains de la Légion, à Calvi le 24 septembre 1978. Enfin, suprême honneur, il est choisi l’année suivante pour porter la main du capitaine Danjou lors des cérémonies de Camerone, le 30 avril 1979.
Le Chef de bataillon Bernard Cabiro décède le 31 juillet 1993 à Mont-de-Marsan.
Fidèle jusqu’au bout à la devise de la Légion étrangère, le « Cab » aura choisi, « pour l’Honneur » et par Fidélité à la parole donnée, la rébellion et l’engagement irréversible pour une cause qui lui tenait à coeur, mais qu’il devinait perdue.
Malgré l’ardeur de son tempérament et la puissance de ses convictions, sa clairvoyance, sa lucidité et sons sens aigu des responsabilités ont permis au 2ème REP d’éviter le sort tragique de son frère aîné.
Ses vingt années de guerre ininterrompue au service de la France, ont valu au Commandant Cabiro, comme chef d’abord, comme combattant ensuite et comme homme, une solide réputation. Adoré et adulé par ses légionnaires, aimé et estimé par ses pairs, respecté et parfois craint par ses supérieurs, « le Cab » fut dix-huit fois cité au combat, dont sept fois à l’ordre de l’Armée. C’est avec son sang, son courage et son inébranlable foi en sa Patrie que le Chef de bataillon Bernard Cabiro aura inscrit son nom au Panthéon des parachutistes et de la Légion étrangère.
Celle-ci, qu’il a si bien servie, ne l’oublie pas.
C’est pourquoi, Mon Commandant, ce soir, au nom du Général Jean MAURIN, Président de la Fédération des Sociétés d’anciens de la Légion étrangère, je tiens d’abord à vous exprimer ici notre fierté de vous compter parmi nos grands anciens, je veux dire ensuite à vos proches et amis ici rassemblés, ou présents par la pensée, combien la vie exemplaire que vous avez consacrée à votre patrie a inspiré et continue d’inspirer, au quotidien, les jeunes générations qui servent aujourd’hui à la Légion étrangère, et je souhaite, enfin, témoigner à vos proches et amis de l’immense reconnaissance et de l’inoxydable estime que nous vous portons."