Début 1903 : la France, qui cherche à sécuriser les positions de ses commerçants par l’établissement d’un protectorat, se heurte au caractère fier et ombrageux des tribus frontalières d’obédience marocaine.

 

19 et 20 mars 1903 : à Ksar el-Azzouz, au sud de Figuig, un peloton de la 22e compagnie montée du 2e Régiment Etranger est attaquée par 150 Marocains qu’il parvient à repousser.

 

31 mai & 1er juin 1903 : le Gouverneur Général Charles Jonnart et son escorte, en tournée dans la région du Sud oranais, sont attaqués dans l’embuscade du col de Zenaga ; le Gouverneur Général doit sa vie à son escorte, la 18e compagnie montée du 1er Etranger, qui le dégage en livrant un combat difficile contre les dissidents marocains. Les Français, partis d’Aïn-Sefra, bombardent en représailles l’oasis marocaine de Figuig.

  • Le gouverneur général est sain et sauf mais c’est une belle occasion de prendre conscience de l’insécurité frontalière.

  • Deux bataillons du 2e Régiment Etranger, trois compagnies du 1er Etranger, ainsi que des Spahis et des Tirailleurs, sont envoyés en opération de représailles contre Zenaga, d’où sont partis les agresseurs. Les hostilités s’enclenchent à grande échelle.

 

Du 17 au 20 août 1903 : le siège du poste de Taghit.

Taghit est une région du Sahara située à la limite ouest du Grand Erg Occidental. C’est une ville millénaire à la frontière du désert de sable et du désert de pierre.

Le 17 août, le poste de Taghit, édifié là où le chef de bataillon Brundsaux a fait sonner un Boudin triomphal le 01.07.1900, est attaqué par 4 000 Beraber des tribus Zayanes, débouchant de la vallée du Guir et du Tafilalet. Le chérif Mouley Mostepha conduit ces combattants. 5 000 Marocains, non combattants, de tous âges, suivent les combattants, prêts au pillage.

470 Français défendent ce poste. Après 72 kilomètres de marche forcée dans la nuit, le peloton du lieutenant Pointurier, de la 22e compagnie montée du 2e Régiment Etranger, parvient à rejoindre le poste et à renforcer la garnison.

Pendant quatre jours, les Beraber tentent sans relâche d’enlever la petite forteresse aux Français ; tirailleurs, joyeux, moghaznis et légionnaires tiennent en échec des milliers de combattants fanatisés par des marabouts prêchant le djihad. Mais la défense acharnée de la garnison et la volonté du commandant d'armes, le capitaine de Susbielle, de ne pas subir le combat en envoyant de nombreuses reconnaissances offensives, contrarie les efforts du chérif.

  • Finalement, une vigoureuse sortie fait refluer les assaillants vers l’Ouest. Les Zayanes s’enfuient et se dispersent dans le désert.

  • Tout se termine bien, en dépit des 9 tués et des 21 blessés. Taghit n’est pas tombé.

  • Sur la frontière marocaine, il faut compter avec des adversaires nombreux, bien armés et prêts à mourir au nom d’Allah et du refus de l’étranger.

  • Les unités françaises, engagées dans ces combats, sous les ordres du capitaine de Susbielle, commandant le poste de Taghit, sont les suivantes :

 

 

 

2 septembre 1903 :combat d’El-Moungar.

    • La 22e compagnie du 2e Etranger, aux ordres du capitaine Vauchez, accompagnée d'un peloton de 20 spahis du 5e escadron du 1er Régiment de Spahis algériens,escortant vers Taghit un convoi de ravitaillement de 600 chameaux, est assaillie entre El-Moungar et Safrani par des dissidents marocains Beraber du Tafilalet, partisans du cheikh rebelle Bouamama. Il est environ 9 heures 30 lorsque surgissent les cavaliers ennemis et crépitent les premiers coups de feu. Le capitaine Vauchez dépêche aussitôt des spahis à Taghit pour réclamer du secours et regroupe ses pelotons sur une petite éminence. Les légionnaires sont prêts à faire Camerone. Huit heures durant, les légionnaires vont tenir tête à plus de deux mille adversaires, retranchés dans les collines. Les deux officiers sont tués et le sergent fourrier Tisserand, bien que frappé par deux balles, prend le commandement et dirige la défense avec énergie et autorité. 34 légionnaires sont tués dont le capitaine Vauchez, mortellement atteint, et le lieutenant danois de Selchauhansen, tué dès le début du combat ; 47 légionnaires sont gravement blessés. Les légionnaires n’ont ni vivres, ni eau, et presque plus de munitions. Enfin, à cinq heures du soir, les renforts arrivent de Taghit, sous les ordres du capitaine de Susbielle avec ses moghaznis et les légionnaires de la compagnie montée du 1er Etranger. 32 légionnaires sont valides. Les Chaambas se retirent.

    • Le premier combat d’El-Moungar du 30.07.1900 est suivi par le siège de Taghit en août 1903, puis par le second combat héroïque d’El-Moungar du 02.09.1903, assurant sur ces régions au prix de lourdes pertes, la souveraineté française.

    • Le 5 septembre, le père Charles de Foucault arrive à bride abattue de Beni-Abbès pour apporter son aide, soignant les uns et secourant les autres avant que leur âme ne quitte le corps de ceux qui meurent des suites de leurs blessures.

  • Le chef de bataillon Bonnelet du 2e Etranger rend hommage au lieutenant de Selchauhausen sur sa tombe.

  • En septembre, le général Louis Lyautey, nouveau commandant de la subdivision d’Aïn-Sefra, vient à Taghit saluer les rescapés de l’embuscade d’El Moungar, dont le sergent fourrier Tisserand et le caporal Dentz ; parmi eux, six légionnaires qui ont servi sous ses ordres en Indochine. Parmi les blessés, le légionnaire Corraldo Zoli.

  • Le deuxième combat d'El-Moungar est le seul fait d'armes resté dans les annales du régiment. Le 2 septembre est aujourd’hui le jour de la fête régimentaire du 2e R.E.I. qui rend ainsi hommage à cette date à ses anciens.

 

Novembre 1903 : à Béchar, une première compagnie montée de la Légion Etrangère, unité autonome, est opérationnelle ; elle opère en étroite liaison avec les Tirailleurs, les Spahis et les Méharistes du Maghzen de Béni-Abbès.

 

1903 : l’Allemagne et l’Angleterre interdisent à la France d’occuper le ksour marocain de Béchar ; la Légion Etrangère, sur instructions du général Louis Lyautey, défend la frontière algéro-marocaine entre les bordjs de Berguent, Forthassa, Tagda et Béchar baptisé Colomb… ; la France construit également une voie ferrée de 744 kilomètres reliant Colomb-Béchar à la mer.

 

Jean BALAZUC P.P.P.

Août 2015

 

 

 

 

 

Sources :

Algérie, œuvre française du professeur Pierre Goinard - 1984.

Histoire de la France en Algérie de Pierre Laffont - 1980.

La Légion Etrangère – 150e anniversaire. N° spécial 414bis d’Historia - 2e semestre 1981..

La Légion, Grandeur et Servitude – H.S. N°3 d’Historama - XI-1967.

Pieds-Noirs d’Hier et d’Aujourd’hui.

Histoire de l’Afrique du Nord du général Edmond Jouhaud - 1968 .

L’Armée d’Afrique du capitaine Pierre Montagnon – 2012.

La Légion Etrangère-Voyage à l’intérieur d’un corps d’élite – John Robert Young & Erwan Bergot – 1984.

Le 1er Etranger – Philippe Cart-Tanneur & Tibor Szecsko – 1986.

La Légion – La légende du 2e R.E.I. – Jean-Pierre Biot – 1991.

Histoire de la Légion de 1831 à nos jours – Capitaine Pierre Montagnon – 1999.

 

Cheikh Bouamama ou Bou Hamama, de son nom complet Mohammed Ibn Larbi Ibn Cheikh Ibn Mohammed Ibn Brahim Ibn Attaj Ibn Sidi Cheikh Abdelkader, né en 1833 ou 1840 à Figuig au Maroc et mort le 7 octobre 1908 à El Aïoun Sidi Mellouk, dans la région d'Oujda au Maroc, près de la frontière algérienne ; il est à la fois une figure historique, un combattant reconnu et un personnage mystique algérien; il appartient à la branche des Ouled Sidi Cheikh. Installé à Ksour Moghrar Foukani, dans l'actuelle Wilaya de Naâma, depuis 1873, il passe à la révolte. Il est surnommé « Bouamama », car toute sa vie durant il va porter un turban (âmama) sur la tête, semblable en cela à tous les Arabes et évoquant sa piété et son attachement à sa religion, l'Islam. Il a réussi à mettre fin aux divergences tribales de son époque et constitua sa base militaire dans son fief Moghrar Tahtani sur la route de Aïn Sefra et Abiodh Sidi Cheikh . En habile meneur d'hommes, il a dirigé la résistance contre le colonialisme en Algérie de 1881 à 1908, en participant à de nombreuses batailles, causant d'importantes pertes aux Français. Son combat dure jusqu'en 1908.

 

Brundseaux Paul, né le 04.10.1855 en Meurthe et Moselle ;il s’illustre comme capitaine lors de la campagne du Dahomey en 1892 ; capitaine, commandant une compagnie de la Légion étrangère à Madagascar en 1895 ; il est promu chef de bataillon en mai 1897 ; son bataillon du 1er R.E. fait partie de la colonne Bertrand en 1900 ; le 01.07.1900, le commandant avec une de ses compagnies occupe Taghit ; en 1902, il est de retour à Madagascar ; il est promu lieutenant-colonel en décembre 1903 ; en juin 1905, il est réaffecté au 1er R.E. ; il est au Tonkin en 1906 et 1907 ; colonel le 23.03.1908, il est le chef de corps du 136e R.I. ; général de brigade en 1912 ; Gouverneur militaire de Paris, il finit sa carrière militaire en 1916, à la tête de la 136e brigade d’infanterie sur le front de France ; décédé le 02.01.1930.

 

Dentz, caporal légionnaire de la 22e compagnie montée du 2e Etranger ; un des rescapés de l’embuscade d’El Moungar le 02.09.1903.

 

 

 

 

 

 

 

 

de Foucauld Charles, né en 1858 à Strasbourg ; saint-cyrien ; il se distingue lors du combat de Bou Amama en Oranie, à la tête de son peloton du 4e Chasseurs d’Afrique, en 1881 ; après une jeunesse tumultueuse, il fait au Maroc, encore interdit aux roumis, un remarquable voyage scientifique, déguisé en juif local, en 1883-1884 ; il est ramené au Christianisme par la rencontre avec l’Abbé Huvelin ; de 1886 à sa mort, il ne quitte plus le monde musulman et, après 4 ans au Moyen-Orient, surtout en Terre-Sainte à Nazareth et Jérusalem, il est ordonné prêtre en 1901 ; il reste 15 ans au Sahara, d’abord à Beni-Abbès, dans le Sud Oranais ; dans cet oasis du Sud Saharien, il n’a pour voisins que les Touaregs et les légionnaires du 2e R.E.I. ; il réconforte les rescapés de la bataille d’El-Moungar en septembre 1903 ; puis il s’installe à Tamanrasset, au cœur du Hoggar, en 1905 et mène une existence misérable et splendide ; il sauve la culture touarègue de l’oubli en étudiant le vocabulaire, la langue et la poésie : son dictionnaire fait encore autorité ; ses travaux sont couronnés par la médaille d’or de la Société Géographique de Paris ; assassiné le 01.12.1916 dans son ermitage par des Senoussi armés par les Allemands, son corps repose au Sahara, à El-Goléa ; béatifié à Rome le 13.11.2005.

 

de Ganay Charles Jean, né le 16.08.1875 à Chateauneuf-sur-Cher dans une famille d’officiers ; saint-cyrien de la promotion Alexandre III1894-1896 ; lieutenant, chef du détachement de 60 cavaliers du maghzen de Taghit lors du siège de Taghit du 17 au 20.08.1903 ; général de division, commandant la cavalerie d’Algérie ; décédé le 16.02.1942 à Lucenay-l’Evêque.

 

Guibert, capitaine, commandant la 7e compagnie du 2e Régiment de Tirailleurs algériens lors du siège de Taghit du 17 au 20.08.1903.

 

Jonnart Charles, né le 27.12.1857 à Fléchin ; homme du Nord ; chef de cabinet du gouverneur Louis Tirman ; chef des services de l’Algérie au ministère de l’Intérieur en 1886 ; député du Pas de Calais de 1889 à 1914 ; sénateur de 1914 à 1917 ; ministre des Travaux Publics ; Gouverneur Général de l’Algérie d’octobre 1900 à juin 1901 pour un intérim, de mai 1903 à mars 1911 dans la pleine vigueur de sa personnalité, de janvier 1918 à juillet 1919 après avoir été ministre des Affaires Etrangères en 1913 et Haut Commissaire à Athènes en 1917 ; il échappe à une embuscade dans le Sud Oranais le 31.05.1903 ; un très grand gouverneur ; il engage la politique d’association ; le règne de ce haut fonctionnaire exceptionnel et homme politique coïncide avec une prospérité sans précédent ; membre de l’Académie française ; ambassadeur au Vatican en 1919. Décédé le 30.09.1927.

 

de Lachaux, né dans une famille d’officiers ; lieutenant, chef du détachement de 60 cavaliers du maghzen de Beni-Abbès, en garnison au poste de Taghit lors du siège du 17 au 20.08.1903.

 

Mariande, capitaine, commandant un peloton de la 3e compagnie du 1er Bataillon d’Afrique lors du siège du poste de Taghit du 17 au 20 août 1903 ; lieutenant-colonel, chef de corps du 167e R.I. du 01.10.1916 au 22.11.1917.

 

Mouley Mostefa, chérif des tribus zayanes ; à la tête de 4 000 combattants Beraber, venus du Guir et du Tafilalet, il assiège sans succès le poste de Taghit du 17 au 20.08.1903.

 

 

Pointurier Paul, lieutenant de la Légion Etrangère, chef du peloton de la 22e compagnie montée du 2e Etranger, qui rejoint le poste de Taghit après une marche forcée de 72 kilomètres de nuit, pour en renforcer la garnison lors du siège du 17 au 20.08.1903 ; chef de bataillon du 87e R.I., tué face à l’ennemi le 26.02.1915 à Mesnil les Hurlus dans la Marne.

 

Selchauhansen Christian, élégant aristocrate, officier de l’armée danoise ; il obtient de faire un stage à la Légion ; séduit par la vie menée, il réussit à se faire intégrer dans l’armée française ; il se distingue au Tonkin ; d’un courage sans faille et d’une courtoisie souriante ; lieutenant danois dans la 22e compagnie montée du 2e Etranger ; tué le 02.09.1903, entre El-Moungar et Safrani, par des dissidents marocains Béraber du Tafilalet.

 

de Susbielle Adolphe Roger, né en 1863 à Poitiers ; saint-cyrien de la promotion 1882-1884 ; lieutenant en 1885 ; admis aux affaires indigènes ; il parle bien l’arabe ; capitaine en 1895 ; à Touggourt en 1897 ; à In Salah en 1900 ; chef de poste de Taghit en 1902 ; il résiste à un siège du 17 au 20.04.1903 ; il est cité pour les combats d’El Moungar du 02.09.1903 ; lieutenant-colonel le 24.06.1902 ; colonel le 18.04.1918 ; après la guerre, général de brigade, il est nommé préfet maritime adjoint de Bizerte, commandant la subdivision de Bizerte. Décédé en 1939 à Nancy.

 

Tisserand, sergent fourrier de la 22e compagnie montée du 2e Etranger ; au cours des combats d’El Moungar, le 02.09.1903 ; les deux officiers tués, bien que frappé par deux balles, il prend le commandement de la compagnie et dirige la défense avec énergie et autorité ; pour son courage et son attitude, il est nommé sous-lieutenant et muté au 1er Etranger.

 

Vauchez Louis Marie, capitaine au 2e Etranger, commandant la 22e Compagnie Montée ; tué le 02.09.1903, entre El-Moungar et Safrani, par des dissidents marocains Beraber du Tafilalet.

 

Zoli Corraldo, légionnaire de la 22e compagnie montée du 2e Etranger ; blessé lors de l’embuscade d’El Moungar le 02.09.1903. Il regagne l’Italie, son contrat terminé. Des années plus tard ; il devient Gouverneur de l’Erythrée et président de la Reale Societa Geografica Italiana.