Les Officiers et les sous-officiers de la Compagnie Renforcée de Travaux Routiers de la Légion Etrangère (CRTRLE) de Canjuers s’apprêtaient à prendre  leur dernier déjeuner de cohésion de l'année à la ferme du Pilar. Ce repas de Noël les regroupait dans une salle aménagée où les tables étaient placées en former de « U »; au milieu de la base du "U", le Capitaine, commandant d’Unité, présidait et plaçait à ses côtés les officiers et sous-officiers qui s’étaient distingués au cours de l'année pour le bien du service (et les armes de la France, bien entendu…).

Sur les deux branches du « U », s’installaient par ordre hiérarchique le reste de la troupe, ainsi se placaient près de la table officielle les lieutenants et les adjudants-chefs, suivis des « petits gradés ».

Voilà pour le décor…

Rassemblés debout devant nos emplacements, était venu le moment de la « poussières ».

Nous étions au garde-à- vous, quand mon camarade le lieutenant Renard attire mon attention: une grosse mouche, masse informe et sans beauté se baignait dans mon verre… Je n’avais matériellement plus le temps de l’enlever et d’un geste rapide, certes inélégant mais instinctif, je le remplaçais  par celui de l’adjudant-chef Holl qui me faisait face…

Le rituel de la poussière consiste à nettoyer son verre avec un peu de vin rouge pour enlever le sable du désert, avant de s'en servir.  Cette tradition originaire de l’Armée d’Afrique était toujours en vigueur au sein de la Légion lors des repas de cohésion.

Le cérémonial traditionnel correspond aux commandements suivants, chacun s'étant assuré que son verre contient un peu d’une horrible piquette de vin rouge souvent mis en place au petit matin (ce qui expliquait les grimaces affichées sur les photos)...

                                                           Acariens de poussière: bon appétit !

Le déroulement :

 " Vos gueules là-dedans ! annonce le popotier.-

• Préparez-vous pour la poussière ! (Chacun prend son verre et le porte au menton), - Attention pour la poussière ! Envoyez ! !( chacun boit d'un coup sec son verre et le pose bruyamment sur la table). Suit alors le refrain du « Boudin » suivi lui-même de la " tirade du Popotier" :
• « Foutez-vous en plein la gueule ! que la première bouchée vous régale et que la dernière vous étouffe ! et ce dans l’ordre hiérarchique inverse afin de faciliter par là, le jeu normal de l’avancement dans l’armée française en général et à la Légion en particulier, ce dont je serai d’ailleurs le dernier et Ô combien indigne des bénéficiaires ! »

Au moment où le Popotier donna l’ordre : « Envoyez ! » immédiatement l’adjudant-chef s’étouffait bruyamment, cherchait sa respiration, son visage était traversé par toutes les couleurs de l’arc en ciel. A la fin du refrain du « Boutin » entonné par tous les participants sauf un, le Capitaine s’adressa à l’adjudant-chef :

• « Voyons Holl, que vous arrive-t-il ?

Holl répondit avec son accent teuton: « Je ne sais pas, mon Capitaine, j’ai avalé une olive ! »

Ce fût un de mes plus grands fou-rires partagé avec tous mes camarades présents et témoins de cette scène insolite.

Notre Capitaine n’appréciait pas particulièrement les plaisanteries et n’était pas en mesure d’accepter ce genre de dérangement perturbant le protocole en usage. Par bonheur, j’étais épargné d'une enquête sur ce qui avait provoqué un tel désordre par le fait que notre "Vieux"° devait nous annoncer la venue de Brigitte Bardot suite au décès de notre mascotte « Charli », petit marcassin devenu grand qui avait les sabots brulés dans un feu provoqué par une scéance de tir de chars et recueilli par la section pompiers de l’adjudant-chef Ratzer. En fait, "Charli" venait d'être tué par un chasseur, mais ceci est une toute autre histoire qui fera l’objet d’une autre nouvelle…

A suivre !

CM

° Le Vieux," est le surnom donné par les légionnaires à leur Commandant de Compagnie.