L'hôpital est un endroit où des solitudes angoissées sont dramatiques. Un ancien me disait récemment: "Il y a plus de choses dans un ascenseur d'hôpital que dans toute la philosophie: brèves rencontres, bref coup d'oeil, frontière imperceptible, malade allongé sur une civière qui semble perdu, jardin secret, vie privée..."
Partage après une visite à un camarade hospitalisé :
« Quand il fait nuit et que le sommeil tarde à venir, j’essaie de m’habituer aux bruits de la nuit, aux frottements et à l’image furtive des fantômes en blouses blanches qui marchent lourdement dans le couloir devant ma chambre.
Les miaulements bruyants et indescents des chats à l’extérieur telles des explosions sensuelles trouent le sinistre silence de la nuit.
Parfois j’écoute, avec un réel plaisir et un ravissement inexplicable, la pluie tombée, source de vie, bruit familier, porteur d’espoir sécurisant et pourtant…
Et pourtant, je suis là à ne plus pouvoir bouger mes pauvres jambes qui ressemblent trop à celles des prisonniers « Viets », au temps où, jeune homme, je retrouvais mes camarades à leur retour de leurs internements des camps de prisonniers. Aujourd’hui, je ne suis plus qu’un pauvre vieux bonhomme qui n’a plus que la peau sur les os.
Le temps s’écoule, j’ai l’impatience des gens qui ne savent pas attendre, la mort ne veut pas de moi, mon cœur ne veut pas cesser de battre…
Aucune télé, pas de journaux, pas de radio, je ne veux plus rien que garder mes yeux fixés au plafond, je suis enfermé dans un corps douloureux, ma raison est intacte et malheureusement ne me laisse aucun répit, mes rêves sont devenus des cauchemars.
Je me liquéfie et me sculpte aux formes d’un matelas alvéolé, médicalisé, l’inertie me pèse, me blesse, mon présent n’est que souffrances.
J’ai la malchance de ne pas croire en Dieu, prier doit être un vrai réconfort pour un croyant, moi, je vais partir sans peur et sans reproche !
Merci, de venir me rendre cette visite, cela me fait du bien de pouvoir discuter, même si cela me fatigue, je me sens tellement seul.
Voilà les tristes nouvelles de Raymond, pensez, SVP, à visiter vos malades, c’est aussi à cela que servent nos Amicales. Donner pour ensuite recevoir ?
CM