Le marcheur Ancien légionnaire…
A mon avis, cela vaut mieux qu'un long discours: Effectivement : "il y a des cailloux sur toutes les routes… de notre vie et l’espérance sur tous les chemins..."
“ Que peut-on connaître du monde ? De notre naissance à notre mort, quelle quantité d’espace notre regard peut-il espérer balayer ? Combien de centimètres carrés de la planète Terre nos semelles auront-elles touchés ?” Perec, “Espèces d’espaces”.
Bonne lecture :
J’écoute toujours avec beaucoup d’attention, d’intérêt, de curiosité et finalement d’envie, certains de mes camarades qui ont fait une partie ou la totalité des chemins du pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle.
Cette marche célèbre change, parait-il, ceux qui l’ont pratiquée. Ils ont réussi à sortir de leur humanité assise et immobile, celle qui fait notre quotidien. Délaisser la voiture, le bureau, l’atelier et… la télévision, le petit confort du train-train journalier, est une épreuve de force. Notre condition humaine est liée au corporel comme au spirituel, mais aujourd’hui, nous ne courons plus que sur des tapis de jogging en écoutant la même musique que celle de nos voitures.
Les pèlerins se croisent, se dépassent et sont d’emblée dans une reconnaissance essentielle les uns des autres, ils se saluent, échangent un sourire, une remarque, des informations sur le sentier ou leur destination, ils répondent aux renseignements demandés par ceux qui se sont égarés. La marche est un univers de la réciprocité. L’auberge, le café, prolongent la rencontre esquissée quelques heures plus tôt. Emprunter les chemins de randonnée, c’est laisser derrière soi un monde de compétition.
Le marcheur solitaire d'après Rousseau...
Légionnaire, la marche était mon lot courant, parcourir les sentiers ou les routes, arpenter les forêts ou les montagnes, gravir les collines pour en redescendre. C’est un anachronisme dans un monde qui privilégie la vitesse ; la marche est un acte de résistance qui favorise la lenteur, le silence, la curiosité, l’amitié et l’inutile.
La marche est souvent associée à la liberté, à la santé, à la tranquillité, mais elle peut aussi se combiner avec la pluie, la tempête, la sueur, la fatigue, les ampoules et cors aux pieds, l’entorse, la chute.
Le marcheur cherche sur les sentiers ce qui lui manque et espère à chaque instant trouver ce qui alimente sa quête. Nous avons toujours le sentiment qu’au bout du chemin, quelque chose nous attend et que celle-ci n’était destinée qu’à nous. Mais dans le regard du pèlerin parvenu devant la façade baroque de la cathédrale, brillent deux lueurs : celle de la joie d’être arrivé, d’avoir accompli une sorte d’exploit et de ressentir une grande paix intérieure et puis, il y a l’autre… et demain ?...
Dans peu de temps je deviendrais le marcheur solitaire, celui qui marche sur le chemin invisible des rues à la recherche du vieux, de l’insolite, du beau et du moins beau, appareil photo en bandoulière. De belles occupations en perspective que je ferai partager, en écrivant sur un cahier de brouillons au coin d’une rue, attablé à la terrasse d’un café, prolongeant ainsi mon escapade et la magie de mes découvertes. Marcher pour voyager, la marche fait partie de notre vie, on a tellement tendance à l’oublier…
CM