Ce bulletin est consacré au 14 juillet – texte rédigé par Marie Larroumet
Depuis qu’en 1880, la République adopta « comme jour de fête nationale annuelle le 14 juillet » (voir les deux précédents articles relatifs au 14 juillet), deux grands 14 juillet marquèrent particulièrement l’histoire de France – celui de 1880 et celui de 1919 – bien que certains autres se démarquèrent par leur organisation ou par l’ampleur qui leur furent données.
Si, bien évidemment depuis le début, la fête nationale est toujours célébrée partout en France, c’est à Paris que les cérémonies sont le plus grandiose. Il est à noter qu’à l’époque comme de nos jours, les maires de France jouaient un rôle central dans l'organisation et le déroulement des cérémonies et des festivités qui s'ensuivaient.
Au cours des années 1880, la fête débutait par une retraite aux flambeaux le 13 au soir, puis s’enchaînaient les manifestations civiles et militaires, les remises de prix en tous genres - les instituteurs, fameux « hussards noirs de la République », étant presque toujours membres des comités d'organisation du 14 juillet, l'école se distinguait à l'occasion de cette journée qu'elle enjolivait avec ses solennels remises des prix du 14 juillet organisée dans plus des 2/3 des communes de France pour symboliser la méritocratie républicaine -, les banquets républicains, les feux d'artifices, les fêtes locales qui se terminaient souvent à l'aube… les bals de fin de journée organisés dans presque toutes les communes connaissant un grand succès, avec leurs décors tricolores et leurs musiques - souvent celles des régiments ou des pompiers - et leur mélange des classes sociales : le petit bal « popu » devient même progressivement le symbole du 14 juillet.
En 1880 à Paris, deux cérémonies importantes dominèrent la fête :
- La première fut l’inauguration, sur la Place de la République, d’un monument symbolisant la République, œuvre de deux frères, Léopold Morice (1846-1919) et Charles Morice (1848-1918) : une statue de bronze représentant une femme drapée d’une toge à l’antique et coiffée d’un bonnet phrygien. Haute de 9,50 m. elle reposait sur un piédestal de 15,50 m. ; sa main droite tendait un rameau d'olivier tandis que son bras gauche reposait sur les Tables de la Loi sur lesquelles il fut par la suite gravé « Droits de l'homme ». Trois grandes statues de pierre ceignaient le piédestal : la Liberté tenant des fers brisés et brandissant un flambeau, l'Egalité portant le drapeau tricolore et une équerre à niveau, et la Fraternité entourée d'attributs agricoles et d'enfants en train de lire.
Monument place de la République, de Léopold et Charles Morice
- La seconde fut, lors du défilé militaire à l’hippodrome de Lonchamp devant 300 000 personnes, la remise, par le Président de la République, Jules Grévy (1807-1891), aux régiments présents de leurs nouveaux drapeaux et étendards sur lesquels était inscrit, sur l’avers, pour la toute première fois, « République Française » suivie du nom de la formation et, sur le revers, la devise « Honneur et Patrie » et les quatre noms de batailles emblématiques de l’unité choisie par la commission qui s’était réunie à cet effet les mois précédents (voir article à venir sur les emblèmes de la Légion étrangère avant 1885).
14 juillet 1880 : la remise des nouveaux drapeaux et étendards par le Président de la République Jules Grévy à Lonchamp
Le 14 juillet 1919, première fête nationale organisée après la fin de la Grande Guerre (1914-1918) – celle qui, en prenant en compte l’ensemble des belligérants, fit 10 millions de morts et 20 millions de blessés sur le champ de bataille (70 millions de soldats prirent part aux combats) et 1,5 millions de morts et plus de 15 000 blessés pour l’armée française –, fut dédié au souvenir des morts et des disparus de cette guerre dont on espérait qu’elle serait « la der des der ».
Les soldats revenus à la vie civile, souvent blessés, défilèrent sur les Champs-Elysées aux côtés de leurs camarades d’active. Cet hommage aux combattants, morts comme vivants, voulu par le Président du Conseil – équivalant du Premier Ministre -, Georges Clémenceau (1841-1929), deviendra l'ordinaire des célébrations du 14 juillet. Pour la veillée d’honneur aux morts de la patrie, dans la nuit du 13 au 14, le pouvoir dressa un cénotaphe géant, entouré de canons pris à l’ennemi, sous l’Arc de Triomphe. Le défilé de mille « gueules cassées », mené par le nouveau député de la Meuse André Maginot (1877-1932), volontaire de 1914 amputé d’une jambe, précéda celui des troupes alliées victorieuses qui défilèrent dans l’ordre alphabétique tandis que l’armée française termina le défilé.
Le cénotaphe géant du 14 juillet 1919
Le défilé des « gueules cassées » le 14 juillet 1919
Cette double célébration fut aussi le triomphe définitif du 14 juillet, fête largement militarisée – pour le plus grand plaisir de tous (enfin, c’est mon avis !) – incarnant la Nation qui ne fut plus guère contestée dans cette fonction.
Après, les 14 juillet qui suivirent, même si certains furent grandioses, comme celui de 1945, défilé de la victoire durant lequel le Général de Gaulle (1890-1970) passa les troupes en revue ou celui de 1989 qui marqua le bicentenaire de la Révolution Française (1789-1799) dont la journée se termina par un spectacle « son et lumière » grandiose, ne se distinguèrent que finalement peu les uns des autres – enfin, je ne pense pas que l’histoire les retienne vraiment !
- en 1974, le défilé militaire alla de la Place de la Bastille à celle de la République.
- en 1978, soucieux de réinventer une communication présidentielle un peu datée, immédiatement après le défilé militaire, Valéry Giscard d'Estaing (1926-…) accorda un entretien télévisé à deux journalistes particulièrement connus de l’époque en direct des jardins de l'Elysée. Cette prise de parole publique signa l'acte de naissance d'un rendez-vous politico-médiatique annuel en marge de la fête nationale que tous les présidents n’honorèrent pas forcément - Nicolas Sarkozy (1955-…) n’en a pas fait, François Hollande (1954-…) en a fait lors de chaque 14 juillet, Emmanuel Macron en a fait trois, l'objectif de cet exercice oratoire rituel étant d’offrir aux Français une photographie de la situation du pays en faisant un point d'étape avant la coupure des vacances d’été. La force symbolique de cette prise de parole s'est toutefois délitée à mesure que la communication politique a évolué : lors de la première prise de parole du 14 juillet, les français attendaient cet entretien car il apparut à une époque où les présidents s'exprimaient peu, alors qu’aujourd'hui, la parole présidentielle fait beaucoup moins évènement. Cet entretien qui permet d'échapper aux atours solennels de l'allocution reste toutefois un moment d'unité nationale et de patriotisme – en 1998, alors que la France venait de remporter la Coupe du Monde de Football, Jacques Chirac (1932-2019) vanta la grandeur d'une nation « tricolore et multicolore » pour renforcer la cohésion du pays – et a parfois donné lieu à des annonces - la plus marquante date de 1992 lorsque François Mitterrand évoqua pour la première fois le rôle de l’Etat Français dans la déportation des juifs -.
- en 2007, des délégations des 27 pays membres de l’Union européenne participèrent au défilé militaire devant le Président en exercice de l’Union européenne, le Président de la Commission européenne et celui du Parlement européen.
- Et que dire du 14 juillet 2020 …
Il est probable que, dans l’avenir, la plupart des nouveaux Présidents de la République s’efforcera de laisser leur marque dans l’organisation de cette journée. Lesquels l’histoire retiendra-t-elle ?
Bon 14 juillet à tous !
Défilé du 14 juillet sur les Champs Elysées à Paris
Amitiés légionnaires.
Vert & Rouge Info
Préparation de ce bulletin : Lieutenant-Colonel (RC) Bérengère Nail