Son adolescence était marquée par un mal être qui le poussait à des crises de désespoir et qu’il finissait toujours par surmonter, il était dans l’impossibilité de se trouver en harmonie avec le monde dans lequel il vivait.

D’échec en échec, après avoir travaillé dans un atelier de réparations navales, il fut victime d’une primo-infection, une forme première de tuberculose qui le condamnait à garder la chambre, ses Parents avaient fait le choix et le risque de le garder chez eux et de ne pas le faire soigner en sanatorium.

C’était pour lui une toute autre vie, un apprentissage à « la recherche du temps perdu », il découvrait les livres et l’écriture, il comblait ainsi sa solitude en noicissant des pages de cahiers qui s’entassaient sans être relus. Cela lui permettait d’avoir en apparence triomphé dans sa lutte opiniâtre et prolongée avec le monde.

Ecrire et lire étaient devenus pour lui un moyen d’étaler ses problèmes sous divers masques. C’était une aventure spirituelle qui lui ouvrait la possibilité de la maitrise de soi, l’expression allégorique et symbolique de son monde intérieur. Il inventait des personnages qui n’étaient que des projections de lui-même et qui lui servaient d’exutoire pour accepter les oppositions enfermées au fond de lui-même.

En fait, petit à petit, il constatait à mesure qu’il se confrontait à des difficultés d’adaptation sociale, qu’en lui coexistaient comme en tout individu et partout dans le monde, le chaos et l’ordre, la révolte et la sagesse. Le danger se présentait d’être victime de forces hostiles, de s’intégrer à la perspective la plus conformiste qui soit et de sacrifier ses propres aspirations aux règles prétendument édictées pour la joie de la vie en communauté.

Comment y parer ?

Non pas en choississant la marginalité, mais en préservant sa vie intérieur, en la nourissant de manière à trouver en soi les ressources d’une régénération.

A l’occasion une existence à l’image de ce légionnaire saharien qui semblait correspondre à son état d’esprit du moment, un modèle indéfinissable et inexplicable qui l'attirait…

Et c’est ainsi que par un matin qui ressemblait à tous les matins du monde, il se retrouva au poste de recrutement de la Légion étangère. A nouveau, il était plongé dans le désarroi physique et la souffrance, il se repliait peu à peu sur lui-même. Envoyé en Corse pour suivre une instruction programmée, il était conscient qu’il ne serait jamais qu’un solitaire dans la foule, un rêveur… L’individu, pensait-il, ne peut finalement préserver et affirmer sa personnalité qu’en rompant avec les normes établies, en renforçant en lui les éléments qui le poussent à se distinguer d’elles. Il s’aventurait alors à des considérations philosophiques : « la vie de chaque homme est un long fleuve pas tranquille, un chemin vers soi-même, un essai, une esquisse, personne n’est jamais parvenu à être entièrement lui-même; chacun cependant tend à le devenir, l’un dans l’obscurité, l’autre dans plus de lumière, chacun comme il peut »…

Tel est bien ce que ce vieil homme qu’il était devenu écrivait concernant son engagement légionnaire qui était une longue histoire qui marqua sa jeunesse et  une grande partie de sa vie.

Au crépuscule de son existence,  il était persuadé qu’il appartenait à chacun d’accomplir son propre chemin mais aussi d’être lucide et ne pas se laisser détourner de sa route par des souhaits et des désirs qui le dépassent. Il osait dire qu’il faut peiner d’autant plus durement que tout dans notre monde invitait l’individu à renoncer à sa personnalité, à s’adapter à l’uniformisation générale. Or, parmi les valeurs humaines, la nouveauté pour la nouveauté lui semblait d’un intérêt douteux.

Il concluait par une devise qui pouvait servir d’affiche de recrutement : « Viens chez nous chercher la liberté… ». Il faut trouver sa voie dans le respect de ce qui est propre à la grandeur de l’homme par rapport au règne animal, entre les exigences de la Nature et celles de l’Esprit.

Anonyme.