Les équipements du combattant individuel par le major Jean-Michel Houssin:
À la fin de l’Ancien Régime et sous l’Empire, il était habituel de faire loger le soldat chez l’habitant.
Nos légionnaires en Afrique ne pouvaient bénéficier de cette opportunité et ils prirent l’initiative de confectionner, à partir du sac de couchage, une tente ayant pour support leurs fusils ou des branchages. Plus tard, reconnaissant l’utilité d’un abri, l’Intendance dota chacun d’une toile de tente, d’une demi-couverture et d’un piquet de 1,20 mètre de longueur. Après épuisement des stocks de 1831, les havresacs modèle 1845 furent distribués et en 1848 les cuirs noircis. L’équipement de combat se limite alors à la cartouchière de type « Bedeau ».
La troupe mangeait depuis toujours dans un même plat. La décision ministérielle du 24 février 1852 dota chacun d’une gamelle ronde individuelle qui sera utilisée jusqu’en 1935. La calebasse, facile à renouveler, était bien souvent préférée au tonnelet en bois peint en vert olive ou au bidon en fer battu.
Durant la campagne de Crimée, le grand équipement comportait toujours la cartouchière ventrale dite « Légion du modèle 1840 », d’où le surnom donné aux légionnaires par les Russes de « ventres de cuir ». Pour le transport de leur boisson, les hommes étaient dotés d’un bidon rectangulaire recouvert de drap de capote avec un ou deux becs verseurs. Depuis 1854, le havresac en peau de veau fauve, poil en dehors, plus pratique que le modèle précédent, est doté d’un système de portage permettant d’arrimer la toile et tous les ustensiles.
Un large ceinturon de cuir noir à plaque dorée, muni d’une nouvelle cartouchière « poche à cartouches » et d’un porte-sabre-baïonnette, plus adapté au fusil, seront distribués aux légionnaires après la campagne mexicaine et seront largement utilisés lors de la guerre de 1870-1871.
À l’occasion de la mise sur pied des colonnes en 1881, la tenue de campagne s’orne d’une longue cartouchière portée en travers de la poitrine. Les légionnaires, autorisés par le colonel de Négrier à la confectionner eux-mêmes (en drap, toile ou peau), la baptisent « cartouchière de Négrier ».
Légionnaire au Tonkin portant la cartouchière Négrier de confection locale © Légion étrangère
Les anciennes poches à cartouches furent progressivement remplacées par des cartouchières Gras modèle
1877 ou 1882. Un nouveau modèle de bidon de 2 litres entra en service ainsi qu’à partir de 1892, une nouvelle musette en toile forte cachou. Un nouveau havresac dota les troupes d’Afrique à compter de 1893. Cette même année, la cartouchière Négrier se dédoubla en deux modèles de plus petites dimensions qui se portaient pratiquement sous le bras.
Au début du XXe siècle se généralisa, dans les rangs de la Légion, l’utilisation de l’équipement du fusil Lebel 1886, comprenant, en cuir ciré noir, les trois cartouchières carrées avec bretelles de suspension et le porte-épée-baïonnette.
En 1915, le poilu reçoit un nouvel équipement de cuir de couleur fauve. En supplément, on donne un bidon et une musette supplémentaires, et tous les ustensiles, gamelles, couverts individuels et collectifs sont peints en kaki, couleur de la nouvelle tenue, car le camouflage est devenu le souci permanent du combattant.
Depuis 1934, l’équipement est modifié, avec notamment l’apparition d’un anneau sous chaque cartouchière permettant d’accrocher la musette et le bidon. L’entrée dans la Seconde Guerre se fera avec les équipements traditionnels de type « Lebel », qui ont été modifiés en 1934. Les nouveaux équipements du modèle 1945 sont mis en place en 1946, en cuir fauve, comportant un ceinturon, des brêlages avec triangle arrière de suspension et une paire de cartouchières pour le Mas 49 et Mas 49/56 ou porte-chargeurs pour le PM MAT 49. Le bidon assorti d’un quart, en service jusqu’aux années 2000, est mis en place.
Équipement du légionnaire en 1935
En Indochine, après les équipements de type britannique, les légionnaires sont dotés de modèles US, qu’il connaisse bien depuis 1943. Les havresacs, suivant la dotation, seront du modèle 1928, de la musette à dos 1936 ou encore du gros sac à dos Pack Jungle modèle 1943. Avec la tenue française modèle TTA 1947, des équipements en cuir fauve sont prévus, mais l’Intendance délivre plutôt les modèles TAP 1950 en toile kaki.
Au début des années 1980, un nouvel équipement individuel de fabrication 74F1 et 79, en toile polyamide étanche, commence à se répandre tout en côtoyant encore les modèles 1945 en cuir fauve ou TAP 1950. Prévu pour le nouveau fusil d’assaut Famas, il comporte un porte-chargeurs spécifique et une trousse de nettoyage. Un nouveau sac de combat TTA vient remplacer le vieux sac Bergam. Lors de l’opération au Liban, les hommes du 2e REI reçoivent leurs premiers gilets pare-éclats composés alors d’une surveste dans laquelle sont incluses des plaques en céramique.
Lors de la guerre du Golfe, les gilets pare-éclats évoluent vers un modèle TTA français. La protection contre les petits éclats du champ de bataille est assurée par des couches superposées de textile balistique. Les premières survestes de combat apparaissent avec la nouvelle tenue trois tons « Centre-Europe ». Ce sont des chasubles modulables à quatre poches amovibles sur le devant. Le dos de cette surveste de combat est en maillage nylon et permet l’arrimage de deux poches-musettes à fermeture à glissière. Les gilets pare-éclats évoluent et sont remplacés par un gilet pare-balles de série 3 mis au point dans le cadre de la FORPRONU par le SCERCAT. Composé de trois plaques de Kevlar amovibles sur le devant et dans le dos, doublées d’une superposition de couches de textiles en aramide sur les côtés et la partie devant pour garder une certaine souplesse. Il dispose en outre d’un protège-cou en Kevlar et d’une protection amovible du bas-ventre. Cet équipement ne se porte qu’en position statique.
Le PC régimentaire lors de l’intervention dans le Golfe (1990).
La tente se voit alors parée d’équipements F1 lors d’une réunion. © 2e REI
L’opération Pamir a été à l’origine de nombreuses évolutions, et l’équipement des légionnaires n’y échappe pas avec la mise en dotation du gilet pare-balles « CIRAS » d’origine américaine. Renforcé sur les épaules, il se différencie du modèle français par une ergonomie bien plus adaptée aux situations de combat et à la mobilité qu’elles imposent. De plus, la modularité de ces équipements est très appréciée. Un nouveau sac de combat de 40 litres est également mis en place ; il est doté d’une réserve d’eau munie d’une pipette et de pochettes amovibles. Les dotations se complètent de lunettes balistiques, de genouillères de combat et bien d’autres innovations techniques accueillies avec beaucoup de satisfaction.
Avec les panoplies Félin, les premières unités de Légion perçoivent en 2009 un nouvel équipement de combat de type « Molle ». Ce gilet électronique est confectionné en maille ajourée de tissu polyester. Doté de pochettes de différents types et d’une gourde souple, il intègre un harnais de câblage appelé LI (liaison intégrée) qui relie les différents éléments constitutifs et permet le passage des données et la distribution de l’énergie électrique. Le sac à dos tactique offre une capacité de 63 litres. Le nouveau gilet balistique présentant un col haut est confectionné extérieurement dans un tissu thermostable imprimé dans un camouflage trois tons « Centre-Europe », doublé de tablettes dures ou souples en Kevlar au cou, aux épaules, au thorax et au dos.
Un tireur Minimi de la 2e Cie / 2e REI durant l’opération Pamir (Afghanistan, 2009).
Doté du gilet pare-balles de type CIRAS, d’origine américaine, et la nouvelle musette de combat. © 2e REI
Les soldats de l’armée de Terre avaient reçu en 2017 une « structure modulaire balistique » (SMB) de nouvelle génération, fusion du gilet de protection balistique et du système de transport des matériels de combat. Meilleure mobilité, ergonomie améliorée, plus léger : la SMB était déjà une véritable avancée. Grâce aux rapides retours d’expérience des soldats sur le terrain, une version améliorée arrive dans les forces depuis 2022. 62 unités de l’armée de Terre ont été équipées à 100% au 1er semestre 2022, avec la livraison de 5 900 SMB améliorées (V2) , qui deviennent donc un équipement de dotation individuelle.
Cette dernière version livrée en trois tailles ajustables dispose entre autres :
- D’une protection balistique classe IV (standard le plus élevé)
- Des pochettes de grenades différenciées (offensives – défensives) ;
- Une ergonomie générale plus aisée ;
- Modulable selon les missions en ceinture porte-charge ou en chasuble ;
- Housse système hydratation ;
- Poche de délestage ;
- Dégrafage – regrafage rapide ;
Equipement de type SMB © armée de Terre
Sources
- Képi blanc hors-série n°1 – mai 2009 - L’uniforme légionnaire 1ère à 4ème partie.
- Travaux de monsieur Raymond Guyader – conservateur du musée de l’uniforme légionnaire.
- Article du major (er) Jean-Michel Houssin au sein du livre : 2èmeREI - 175 ans d'histoires d'hommes – 2014 – éditions Pierre de Taillac – P 148 à 149.